Réapprenons à rêver?

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Nous en avons rêvé, de l’Europe. De celle qui, après le désastre de la Deuxième Guerre mondiale a pu nous dire „Plus jamais ça!“ et qui a vu les ennemis d’hier devenir les amis d’aujourd’hui.

Le tout, il est vrai, s’est fait, dans une première phase, autour de l’acier et du charbon,
mais ce n’était qu’une première colonne. D’autres devaient la suivre. Et surtout, un toit, afin que l’édifice
soit complet.
Cela a marché pendant quelques décennies. Aux quelques membres du début, parmi eux la France et l’Allemagne, sont, au fur et à mesure, venus s’ajouter d’autres pays. La Communauté, c’était ça son nom, misait sur ce que les nations du continent européen avaient en commun. Dans cela, la liberté et le désir de bien-être social jouaient un rôle de premier plan. C’étaient des choses attractives. L’Europe était attractive. Et elle attirait.
Et lorsque, à la chute du mur de Berlin, maint pays du Pacte de Varsovie a tendu à rejoindre la Communauté qui, entre-temps, était devenue une Union, tout semblait indiquer que ce grand chez nous qui se construisait ne pouvait avoir que de beaux jours devant lui. Des jours faits de libre circulation des biens et des citoyens, d’abolition de frontières donc, et de monnaie unique donnant à un grand nombre de nations l’impression de vivre dans un seul pays.
Aujourd’hui, nous savons que tant de solidarité reposait peut-être sur un idéal commun à tous les peuples, qu’elle était peut-être attisée par des hommes politiques qui avaient une certaine vision, mais qu’elle était surtout le fait d’une période faste pour nos pays. Une période qui, grâce à la reconstruction de ce que la guerre avait détruit, avait considérablement augmenté le niveau de vie des gens.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Ascenseur descendant

Jamais, en effet, les plus défavorisés parmi les citoyens n’avaient jusque-là eu accès au bien-être. Un ascenseur social sans précédent les catapultait soudain vers les délices de la consommation. On achetait en masse automobiles, téléviseurs, machines domestiques de tous genres. On allait en masse se dorer sur les plages des vacances. Les fils d’ouvriers entraient dans les universités et accédaient à des métiers dont leurs parents n’avaient jamais osé rêver.
Bref, un modèle social se construisait devant nos yeux. Un avenir aussi. Nos enfants ne tremblaient pas. Ils avaient de l’espoir.
C’est tout cela qui s’est arrêté net brusquement. On peut situer le début de la dégringolade autour de l’implosion de l’Union soviétique qui coïncide avec l’accélération de l’ultralibéralisme et le début de la mondialisation. Soudain, le capitalisme s’est mis à tourner le dos aux citoyens.
Non qu’avant il les ait eus dans son coeur, mais il savait que sans le progrès social en Europe occidentale, les travailleurs pourraient être tentés par d’autres aventures. Il les a donc comblés. Mais à peine a-t-il cru que le danger avait disparu qu’il s’est mis à détricoter tous les avantages concédés. Dans son nouveau credo, stabilité de l’emploi, pouvoir d’achat en augmentation, baisse du temps de travail, propriété publique de certains secteurs de l’économie comme les transports, l’énergie ou la téléphonie, tout cela était désormais un poids dont il fallait se débarrasser.
Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Les classes populaires souffrent, les couches moyennes sont déclassées, l’ascenseur social est en panne. Et la peur est au rendez-vous. La peur de perdre son travail, de ne plus pouvoir nourrir sa famille. Il suffit de voir ce qui vient d’arriver – encore – en Grèce.
La peur qui ne permet plus de rêver de l’avenir. Et qui remet donc en cause le rêve de l’Europe qui, elle, était le projet d’avenir par excellence de nos pays. Soudain, le monde globalisé et l’Europe à unir sont perçus comme des menaces. On se dit, comme on l’a fait avant la Deuxième Guerre mondiale, que le cocon national est la meilleure protection.
C’est une attitude compréhensible, mais elle est dangereuse. Le repli sur soi n’a jamais donné des résultats positifs. Que nos hommes et femmes politiques le sachent: s’ils ne donnent pas d’avenir aux peuples de notre continent, et cet avenir passe par la construction européenne et un certain bien-être de tous, les démons du passé risquent de se réveiller.