Lev Dodine, 25 ans de drame(s) russe(s) à l’honneur à Bobigny

A partir de samedi et pour une quinzaine de représentations programmées jusqu’au 6 décembre, la Maison de la culture de la Seine-Saint-Denis célèbrera „25 ans du répertoire de Lev Dodine“, qui lui-même fête ses 65 ans cette année. Le metteur en scène russe sera décidément à l’honneur dans la capitale en novembre: l’Opéra Bastille reprendra, également samedi (huit représentations jusqu’au 1er décembre) la production de la „Salomé“ de Richard Strauss qu’il a signée en 2003, dans l’un de ces décors relativement épurés qu’il affectionne. A la MC93, Lev Dodine présentera un ensemble assez représentatif de l’activité du MDT (Théâtre Maly) de Saint-Pétersbourg, dont il assure la direction artistique depuis 1983. „Maly“ veut dire „petit“ en russe, mais Dodine en a fait une grande institution, dotée du label „théâtre de l’Europe“ à l’instar de l’Odéon à Paris et du Piccolo à Milan. „C’est le seul théâtre d’art, pas commercial, qui a parcouru le monde avec une telle régularité, cela va au-delà de ce qu’ont fait Ariane Mnouchkine et Peter Brook“, estime dans un entretien à l’AFP le directeur de la MC93, Patrick Sommier.
Quatre des spectacles à l’affiche à Bobigny seront des adaptations de roman, une spécialité de Lev Dodine. „La dramaturgie vous dicte le théâtre, tandis que la prose vous oblige à chercher le théâtre“, fait valoir le metteur en scène, cité par Sorour Kasmaï, co-auteur d’un livre („Le théâtre selon Lev Dodine“) à paraître chez Actes Sud. La programmation de Bobigny s’ouvrira ainsi sur „Frères et soeurs“ d’après Fédor Abramov, créé en 1985 et qui a apporté au Maly sa notoriété internationale. Un spectacle sans illusion sur la vie dans un kolkhoze du Grand nord soviétique à la fin de la Seconde Guerre mondiale, interprété par une quarantaine de comédiens. Pour ce projet ambitieux, Lev Dodine a parié sur la richesse de sa troupe et sur la force du temps. „Un théâtre de répertoire comme celui-là peut travailler très longtemps sur un spectacle. Pour +Frères et soeurs+, ça a duré trois ans, les acteurs sont allés vivre avec les paysans…“, souligne Patrick Sommier. La MC93 accueillera aussi „Les Démons“ („Les Possédés“) d’après Dostoïevski, histoire de jeunes révolutionnaires s’en prenant à l’ordre établi, et „Tchevengour“ (Andreï Platonov), sur la mise en oeuvre du communisme dans un village. Sans oublier „Vie et Destin“, fresque familiale poignante (créée à Bobigny en 2007) hantée par l’effroi des camps, où Vassili Grossman ose un saisissant parallèle entre le totalitarisme d’Hitler et celui de Staline. Trois pièces de théâtre seront en outre à l’affiche: „Les étoiles dans le ciel de l’aube“ d’Alexandre Galine, qui raconte l’expulsion des prostituées de Moscou pour les jeux Olympiques de 1980, et deux classiques de Tchekhov („Platonov“, connue comme „La pièce sans nom“ en Russie, et „Oncle Vania“). Lev Dodine animera aussi un atelier avec les professeurs et élèves de l’Académie théâtrale de Saint-Pétersbourg, vivier de sa compagnie. „Il y a une articulation très importante entre l’Académie et le Maly. Des promotions entières passent dans la troupe. C’est fondamental car la force d’un théâtre tient dans ses acteurs“, souligne Patrick Sommier.