ThéâtreLa reprise: Le théâtre d’Esch annonce sa saison 2020/21

Théâtre / La reprise: Le théâtre d’Esch annonce sa saison 2020/21
Après une saison abandonnée en cours de route, le théâtre d’Esch se dit prêt pour une rentrée drôle, loufoque, féministe et engagée  Photo: Patrick Galbats

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Malgré la relance de la culture, les événements culturels ne se bousculent pas encore au portillon, faute à des restrictions sanitaires qui restent pour l’instant trop drastiques. Pourtant, au théâtre d’Esch, l’on fait preuve d’optimisme – et présente une saison future qui reprend des représentations annulées entre mars et juillet tout en y ajoutant de nouvelles créations prometteuses.

L’on sent que la méfiance s’estompe tout doucement – alors que la Philharmonie restait plutôt vide lors de la conférence de presse annonçant la relance du secteur culturel, c’est en nombre déjà plus important que journalistes, acteurs, musiciens et directeurs de centres culturels se sont réunis hier matin pour découvrir, cachés sous d’asphyxiants masques, la nouvelle saison du théâtre d’Esch. L’on reconnaît tel comédien caché derrière la buée de ses lunettes, l’on passe à côté d’un Christian Mosar dont le soulagement semble comme gravé sur le visage, l’on croise des collègues méconnaissables qu’on reconnaît trop tard puis l’on se dit, dans le foyer du théâtre, qu’on pourrait être tombé sur une réunion un peu incongrue de super-héros en chômage technique. C’est cette expérience collective, humaine, partagée – retrouver des êtres humains dans le foyer du théâtre, c’est déjà un peu comme le début d’une pièce –, que met en avant l’équipe du théâtre d’Esch, qui souligne, dans son communiqué de presse, que l’expérience du théâtre „n’a de sens que dans la rencontre en chair et en os entre spectateurs et artistes.“

La directrice Carole Lorang, dont la toute première saison à Esch fut brutalement interrompue par la pandémie et le confinement, se veut rassurante: „L’un de nos premiers soucis fut de sauver les représentations annulées lors des mois précédents.“ Ainsi, des projets comme le cabaret politique („Si mer nach ze retten“), où figureront notamment des écrits du récemment disparu Jay Schiltz, „Voir la feuille à l’envers“ de Renelde Pierlot, qui fera partie d’un weekend d’ouverture de saison ou encore l’ambitieuse création „Les frontalières“ de Sophie Langevin furent non seulement reportés, mais seront adaptés à la situation actuelle: il est clair que „Les frontalières“, une pièce documentaire rassemblant des témoignages de femmes françaises, allemandes, belges ou luxembourgeoises, prendra une ampleur différente au vu de toutes celles qui quotidiennement traversèrent des frontières pour sauver des vies.

De chair et d’os

Lors du weekend d’ouverture de saison (du 2 au 4 octobre), outre la pièce de Renelde Pierlot, le spectateur aura également l’occasion de (re)voir „Bal“, de Simone Mousset, dans une nouvelle version, „The Roots“, une pièce de danse qui remonte aux origines du hiphop, le diptyque musico-théâtral „Histoire du soldat/Monocle, portrait de S. von Harden“ et „Nebensache“, une pièce jeune public sur un sans-abri. Un weekend chargé en perspective, qui marquera le retour en force du théâtre dans nos vies – à condition que le retour de vacances ne s’accompagne pas d’une deuxième vague virale.

Parmi les nouvelles créations, deux mettent en avant de jeunes plumes locales: Jean Bürlesk, qui avait remporté le prix d’encouragement de la Fondation Servais, écrit „Pas un pour me dire merci“, un huis clos familial mis en scène par sa sœur Renelde Pierlot alors que Samuel Hamen, double lauréat du Concours littéraire national, adapte „Was heißt hier Liebe?“, pièce sur l’éducation sexuelle qui choqua une génération d’Allemands embourgeoisés et qui est partie, pour sa réadaptation, pour offusquer une génération de Luxembourgeois non moins coincés. Autre création digne de figurer dans cette petite présélection de recommandations, „3×20“ voit s’associer le chorégraphe Jean-Guillaume Weiss au musicien Pascal Schumacher. „L’intérêt de ces créations, c’est de travailler en coproduction – avec le Cape, notamment – et de créer une sorte de répertoire afin que ces pièces puissent s’installer dans la durée et non pas s’évaporer au bout de quelques représentations“, explique Carole Lorang.

Extension du territoire de la lutte (artistique)

Carole Lorang avait déjà insisté là-dessus l’année dernière: le théâtre d’Esch devra devenir un lieu centré sur un humour, puisque c’est le rire qui permet au mieux de mettre à nu l’absurde de notre condition humaine. C’est pour cette raison que la saison future mettra en son centre Buster Keaton, qui ne cessait de donner à voir un monde fou et détraqué – une vision du monde à laquelle des pièces comme „Monsieur X“, où Pierre Richard se trouve seul sur scène dans une pièce loufoque et poétique sur le vieillissement, rendront hommage.

L’amateur de grands classiques trouvera également son compte – il y aura du Pinter („Le Gardien“), du Corneille („Le menteur“), du Dürrenmatt („Der Richter und sein Henker“) ou encore du Goethe („Werther“), ces pièces étant reliées par l’un des personnages-types récurrents de la saison: le anti-héros. Par ailleurs, la saison mettra l’accent sur des pièces engagées: outre la prochaine édition du festival „Queer Little Lies“ et „Hannah Arendt auf der Bühne“ (une autre pièce reportée qu’on est content de revoir au programme), deux productions figurent au centre de l’actualité socio-politique, puisque „Noire“ parlera de racisme alors que „Calimero“ évoquera le mouvement #metoo à travers le prisme autocritique de trois hommes blancs quinquagénaires.

L’échevin Pim Knaff (DP) confirmait, de son côté, que l’ancien Ariston sera bel et bien transformé en deuxième salle de théâtre eschoise, où l’on représentera en priorité les spectacles pour un jeune public – un volet du programme déjà assez dense pour la saison à venir. L’Ariston ouvrira ses portes pour l’année culturelle 2022, on continuera à y projeter des films et il est même prévu d’y planifier des expos et des conférences. Knaff annonçait conjointement l’extension tant attendue du conservatoire d’Esch, qui se situera en lieu et place du bâtiment LuxControl (1, avenue des Terres-Rouges). Y serait aménagé également un musée moderne, tant analogue que digital, consacré à l’art industriel. 

Plus d’infos sur www.theatre.esch.lu