ForumLe poignard dans le dos – quand un ancien ministre veut se payer „son“ syndicat

Forum / Le poignard dans le dos – quand un ancien ministre veut se payer „son“ syndicat
L’auteur se positionne face à une lettre ouverte adressée à la présidente de l’OGBL, Nora Back, sur RTL.lu Photo: Editpress/Julien Garroy

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Décidément le LSAP n’a pas de chance avec ses anciens ministres de l’Economie. Après le triste épisode des jumeaux siamois russophiles, sur la sellette il y a un mois pour leurs liens trop étroits avec des Russes sanguinaires (alors qu’ils n’ont toujours pas condamné l’invasion russe en Ukraine, se contentant d’exprimer le vœu d’un retour rapide à une forme de paix, probablement pour reprendre les affaires le plus vite possible), voilà que leur prédécesseur, leur idole et leur protecteur, dans une lettre ouverte à la présidente de l’OGBL, sur le site de RTL.lu, ne se gêne pas pour planter un poignard dans le dos de cette dernière. En français moderne on appelle cela „dézinguer“, beaucoup de coups atterrissant sous la ceinture, c’est la raison pour laquelle on les appelle „coups bas“.

Alors qu’il nous avait habitué à tirer, souvent les yeux fermés, sur tout ce qui bouge qui a la couleur verte (les mauvaises langues disent même qu’il a failli descendre en plein vol un zostérops*), sur les écologistes de tout poil, voilà qu’il attaque, épée devant et sabre au clair, un syndicat qui a osé ne pas signer l’accord tripartite. Il a même le culot de parler de „son“ syndicat, ultime remarque dont le cynisme cherche son pareil.

Inutile d’insister sur la manière patriarcale dont il aborde le sujet: le vieux sage parle à ses disciples. Pour ce faire, il est spécialement descendu de son Olympe pour prêcher la bonne parole, pleine de bons conseils, distribuant des notes à ses présumés élèves, vantant le bon vieux temps, avant c’était mieux et „nous, on était meilleur“, antienne célèbre ressassée par tous les has been. Dans le langage ad hoc on appelle cela le „passéisme“, cette certitude que le monde tournait bien mieux avant, que l’humain avait de plus hautes aspirations, que l’intelligence n’avait pas encore capitulé …

C’est vrai que les temps présents semblent plus que jamais angoissants à l’aune du changement climatique (qu’il continue de nier, négationniste des changements climatiques dont il ne cesse de se vanter, à l’encontre de toutes les données scientifiques), des inquiétudes sociales et, maintenant, de la guerre proche.

D’ailleurs le sentiment que c’était mieux avant a agité depuis toujours toutes les générations.

Déjà le poète latin Horace en témoignait il y a presque 2000 ans, dans son „Art poétique“: „Mille incommodités assiègent le vieillard … quinteux, râleur, vantant le temps passé quand il était gosse, toujours à censurer les jeunes …“ 

Michel Serres, un historien des sciences et philosophe, écrivait en 2017 dans son manifeste „C’était mieux avant“: „Avant les usines, sans contrainte, répandaient leurs déchets dans l’atmosphère, ou la mer, ou la Seine, le Rhin ou le Rhòne“, avant „on ne connaissait pas les antibiotiques, on mourait de vérole ou de tuberculose, avant, il n’y avait pas de soins palliatifs“, avant „les chambres à coucher restaient glaciales tout l’hiver“, etc.

Et le même auteur de renchérir avec des formulations plus positives: „Chères Petites Poucettes, chers Petits Poucets, ne le dites pas à vos vieux dont je suis, mais c’est tellement mieux aujourd’hui: la paix, la longévité, les antalgiques, la paix, la Sécu, la paix, l’alimentation surveillée, la paix, l’hygiène et les soins palliatifs, la paix, ni service militaire ni peine de mort, la paix, le contrat naturel, la paix, le travail allégé, la paix, les communications partagées, la paix …“

Une attaque en règle

On ne va pas faire au patriarche le plaisir de rappeler ici ses divers arguments ou dépréciations envers l’OGBL d’aujourd’hui qu’il se propose de comparer avec celui d’il y a 43 ans, la date de naissance du syndicat en question. A l’époque le soussigné était un jeune militant actif, engagé sur son lieu de travail et même mandataire élu dans une des institutions du monde syndical et social. Une telle comparaison ne peut être que fausse, biaisée, car les bases de comparaison, les critères, le fonctionnement, la composition du syndicat (adieu l’époque de la sidérurgie, terrain de prédilection du syndicat de l’après-guerre) ont changé, faut-il préciser qu’en plus entretemps nous sommes arrivés au 21e siècle.  Et citer comme exemple des syndicalistes des années 70 n’arrange pas les affaires du patriarche (voir plus haut). Aujourd’hui, en 2022, on ne peut pas diriger un syndicat comme on le faisait jadis. C’est donc pas vrai que c’était mieux avant (sic) … La cerise sur le gâteau étant bien sûr le reproche, auquel on s’attendait, adressé au même syndicat d’être, notamment, trop vert et hostile à l’industrie. Ah la vieille rengaine contre l’écologie doit quand-même figurer en bonne place dans tout argumentaire de sa part. Il serait capable de faire figurer ce genre d’attaque même dans un texte religieux! Puis le reproche de sectarisme frise le ridicule, tout comme celui d’être anticapitaliste … Pourquoi déterrer un vocabulaire d’entre-deux-guerres et de luttes des classes qui est mal à propos, qui dessert tout propos, fait preuve lui-même de sectarisme et est à mille lieux de la réalité d’aujourd’hui? Qu’est-ce qui l’autorise à affirmer que l’OGBL a perdu des membres? N’aurait-il pas confondu avec le LSAP? Vous savez, une erreur est vite arrivée et souvent la machine à écrire fait des siennes. La mienne également, vous l’avez peut-être déjà remarqué …

Toujours est-il qu’il se permet de relater des soi-disant faits tout simplement inexacts pour certains, tirés par les cheveux pour d’autres, fait preuve d’une mauvaise foi grave mais pas nouvelle et d’une interprétation hasardeuse des événements comme s’il y avait participé, alors que son jugement se base uniquement sur les paroles du premier ministre, qui avait pris des libertés énormes avec la vérité. En fait ce dernier, en bon thatcheur, spécialiste dans la discipline noyer le poisson, avait gagné la première bataille, celle de la communication en prenant de court les responsables syndicaux. 1-0 pour le gouvernement, certes, mais un match dure 90 minutes que l’OGBL a mis à profit pour rectifier le tir, prendre le match en main et marquer plusieurs buts que même la VAR (au foot: assistance vidéo à l’arbitrage) n’a pas contesté …

La version des faits que l’OGBL a produite depuis lors devrait inciter le patriarche à faire son mea culpa et de s’excuser publiquement. Tel Lucky Luke il a peut-être dégainé trop tôt et puis son arme s’est retourné contre lui. Triste spectacle!

Pour utiliser un terme à la mode on pourrait dire que le narratif de cette histoire a changé au fil des jours et que celui du syndicat a fini par s’imposer peu à peu. Au début seule la version gouvernementale était mise en avant, également par des pans entiers de la presse.

Ah, de nos jours, la communication, toujours la communication, rien que la communication …

Heureusement après l’OGBL a su redresser la barre et on peut affirmer sans rechigner que finalement notre patriarche bien-aimé s’est peut-être trompé de cible. Peut-être même que le coup de soleil attrapé sur le Nil lui a joué un mauvais tour et l’a empêché de tout voir dans sa globalité …

Des questions sans réponse

Rétrospectivement et avec un peu de recul, plusieurs questions continuent de demander des réponses.

Pourquoi le gouvernement, au lieu de continuer à négocier, a-t-il fait preuve de précipitation en accélérant le pas au lieu de démultiplier? Est-ce qu’on avait peur de rater le train pour partir en vacances de Pâques?

Pourquoi les mesures retenues se caractérisent par un manque de sélectivité, de ciblage? Une fois de plus la solution de facilité, à savoir la technique de l’arrosoir, s’est imposée.

Pourquoi a-t-on refusé une approche différente et surtout différenciée selon les secteurs de l’économie? Ce faisant, on aurait pu appliquer une manière de faire plus nuancée et éviter de faire des cadeaux, avec l’argent public, aux „nantis“.    

Pourquoi mettre les banquiers dans le même sac que les artisans par exemple?

Pourquoi n’a-t-on pas attendu que le Statec dispose ou puisse mettre sur la table des calculs plus précis des différentes mesures? Maintenant il doit faire des mains et des pieds pour rattraper le coup. 

On ne prête qu’aux riches

Plus on a du recul, plus d’autres questionnements font leur apparition. Dans son édition du 8 avril, le Letzebuerger Land, pas connu pour être partisan de la lutte des classes ou de positions anticapitalistes, nous renseigne, comme d’autres médias, sur la santé des banques établies à Luxembourg. Il en resort que „les produits des banques ont augmenté de 30% en 2021 (…) La somme des profits passe donc de 3 à 4 milliards de 2020, année du Grand Confinement, à 2021, plus light en suspension pandémique d’activité“. Certes il faut se réjouir de cette manne, mais nul besoin d’allaiter encore davantage ce secteur par des mesures sociales, de véritables cadeaux qui ne leur coûtent rien, à charge du budget de l’Etat, alors qu’ils seraient parfaitement à même de prendre en charge eux-mêmes un certain nombre de ces mesures destinées à compenser des pertes du pouvoir d’achat de leurs employés, crise énergétique, guerre en Ukraine et risque d’inflation galopante nous saluent.

Nous y sommes maintenant.

Le plus grand reproche que l’on peut faire au train de mesures arrêtées lors de la récente réunion tripartite, c’est justement de ne prêter, une fois n’est pas coutume, qu’aux riches. Le fait que c’est l’Etat (social?) qui prend en charge une partie, pour l’instant minime, du salaire du cadre de l’établissement financier à la place du patron, est en fait une mesure de redistribution à l’envers. Le „nanti“ reçoit de la manne de l’Etat, alors qu’il pourrait très bien se débrouiller tout seul, en assumant sa responsabilité. Il bénéficie d’un transfert budgétaire sous forme de liquidités produites par l’impôt sur les salaires, donc en partie son propre argent. Il est de notoriété que le salariat constitue le plus grand contributeur du Budget de l’Etat.

On appelle cela une redistribution à l’envers. Il n’y a pas de mesure plus injuste, plus bête, moins réfléchie. Pour rester dans le domaine du football, on peut parler ici d’un but marqué contre son camp.

Pour faire bref, la tripartite a fait le jeu d’une partie du patronat, celle des banquiers, celle des „nantis“.

Peut-être pourra-t-on trouver quelqu’un pour expliquer cela aux patriarches de toutes les couleurs …

Le soussigné n’est pas candidat …

Pour finir et toujours pour rester dans le domaine du football et à l’approche de la saison des transferts, on devrait s’interroger à l’OGBL si le moment n’était pas opportun de mettre notre patriarche bien-aimé sur la liste des transferts. Il pourrait notamment encore faire les beaux jours de la CGFP.

En ce qui concerne le soussigné, sachez qu’il est fier d’appartenir à l’OGBL depuis le premier jour de la naissance de ce dernier, sous sa forme actuelle, en 1979.

*) oiseau vert typique pour l’île de la Réunion, appelé également oiseau-lunettes vert                                     

Bux /
25. April 2022 - 8.00

Et l'on aimerait encore ajouter qu'une grande partie de ces impôts est générée par les frontaliers, qui ne reçoivent rien dans le cadre de cet "accord entre Luxembourgeois".

Disperdal
13. April 2022 - 14.05

depuis le premier jour de la naissance de ce dernier, sous sa forme actuelle, en 1979. C’est ce qu’on a remarqué… Temps de prendre la retraite ! Sérieux !

jung.luc.lux
13. April 2022 - 8.11

"Pour faire bref, la tripartite a fait le jeu d’une partie du patronat, celle des banquiers, celle des „nantis“." Cette thèse est soutenue par le POSL au gouvernement et à la chambre des députés. Cette thèse est indigne des partis qui ont un S dans leur sigle. (poSl et pcS)