Théâtre„Léa et la théorie des systèmes complexes“ – le risque de la simplification

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Essai visuel réussi
Essai visuel réussi Photo: Christophe Péan

Dans son adaptation du texte inédit de Ian De Toffoli, „Léa et la théorie des systèmes complexes“, Renelde Pierlot prend le parti pris de la dérision d’une part et de l’idéologisation d’autre part, au point d’en limiter la portée. 

„Léa et la théorie des systèmes complexes“, écrit en vers libres par Ian De Toffoli, est trop riche en informations et en situations pour être reprise intégralement sur scène. Renelde Pierlot, l’a coupée, adaptée, en partie réécrite, et fait des choix de mise en scène qui lui donnent une charge nouvelle. 

„Léa et la théorie des systèmes complexes“ narre en parallèle l’histoire de la famille Koch et de son empire pétrolier  – bâti sur le mépris des syndicats et une conception du mérite qui est la négation du collectif – et l’histoire d’un passage à l’action violente de Léa, jeune résidente luxembourgeoise sans histoire née à la fin du siècle dernier. Prenant conscience de l’état de délabrement avancé de l’environnement, elle va en venir à considérer une attaque contre les intérêts de Koch au Luxembourg (à Gasperich, pour être précis) comme un moyen acceptable et efficace pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être.

Renelde Pierlot a trouvé un subterfuge malicieux pour passer d’une époque à l’autre. Quand ils doivent évoquer Léa et son époque, les sept comédiennes et comédiens troquent leurs vêtements des années 30 contre un de ces hauts de survêtement qui faisaient fureur dans les années 80. Ce n’est pas la seule trouvaille de cette mise en scène qui cherche à rendre le texte plus théâtral qu’il ne l’est et à satisfaire le spectateur par des tableaux exubérants. 

Mélange des genres

Pour raconter l’histoire de la famille Koch dans un décor de pipelines accompagné d’un piano, sept comédiens et comédiennes se relaient et parfois se doublent dans le rôle du narrateur. Ils jouent également les différents rôles de trois générations de la famille Koch, sans souci de genre, les femmes jouant très souvent les hommes. Tous excellents, mais la prestation de Pitt Simon, dans la peau de Fred Koch notamment, est à relever pour le mélange de cynisme et de bonhomie qu’il maîtrise parfaitement.

Cela ne suffit pas à conserver le texte originel, qui dans son histoire des Koch est uniquement documentaire. Sur scène, l’histoire de la famille Koch vire à la farce, avec des mimiques et des mouvements inspirés des cartoons ou du cinéma comique des années 20, et un accompagnement musical qui joue le décalage. Le cynisme de la famille Koch devient pitrerie malsaine.  

Le spectateur rit des Koch, et pleure avec Léa, que Renelde Pierlot transforme en militante aguerrie, qui court les mobilisations environnementales. Ce choix s’inscrit là aussi en porte-à-faux avec le texte originel, bien plus dérangeant, qui faisait de Léa une personne comme une autre (comme dans la chanson éponyme de „Louise Attaque“, mais c’est la chanson „Emergency“ de l’activiste Blythe Pepino qu’on entend sur scène), dont la prise de position semblait plus naturelle, que guidée par l’idéologie. 

Léa y perd en spontanéité et en gaieté. Et la critique cinglante de son propre pays en devient plus caricaturale. D’un seul coup, l’idée que Koch Industries est le ciment social du Luxembourg devient une exagération, plutôt qu’une proposition. Dans ce contexte, il ne faut pas regretter que l’adaptation transforme en sabotage ingénieux, l’action aveugle et impulsive de Léa dans le texte originel. Laquelle, en coûtant la vie à une frontalière, ouvrait des questions épineuses sur le recours à la violence. On l’aura compris : l’agréable pièce de Renelde Pierlot ne dispensera donc pas de la lecture du texte à parâitre de Ian De Toffoli.