ExpoLa vie tout simplement: Vivian Maier au Musée du Luxembourg

Expo / La vie tout simplement: Vivian Maier au Musée du Luxembourg
Vivian Maier, Chicago, 1956, tirage argentique, 2014 © Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery, NY

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Vivian Maier fascine par la vie qu’elle a menée, tout au long de laquelle elle n’a cessé de photographier sa présence au monde, les mille et un gestes des passants, les enfants, comme une preuve tangible d’une existence au quotidien. Comme un regard enregistre le mystère d’une vie simple. La découverte de son travail après sa mort rajoute à la beauté d’un acte nécessaire et authentique – tel que l’art devrait toujours être – la légende d’une vie simple, qui n’aura compté que pour ses battements de cils.

Née en 1926 à New York et disparue en 2009 à Rogers Park, près du Lac Michigan, son père étant d’origine austro-hongroise et sa mère française, fruit d’une union orageuse, Vivian Maier, à l’occasion de la séparation du couple, retournera avec sa mère dans les Hautes-Alpes, le Champsaur en particulier.

Cette région perdue connaîtra l’exode de beaucoup, poussés par la misère, pour les Etats-Unis. Elle y vivra six ans environ, retournant à New York avec sa mère. Et retournera dans le Champsaur quelques années après pour un héritage.

Ceci posé, on ne s’étonnera pas du caractère aventurier de Vivian Maier, qui fera un long voyage seule en bateau, en 1959, ni de son empathie pour les gens de modeste condition ou de sa curiosité pour une ville grouillante de vie, si loin des vallées alpines.

Sa façon de photographier les êtres parmi lesquels elle déambule, la ville, est également une manière de signaler sa présence, d’y prendre part, à la fois témoin et sujet d’une époque. Vivian Maier a surtout travaillé comme nourrice et on retrouve dans son travail photographique la fraîcheur de l’enfance ainsi que cette curiosité inassouvie, une facétie que les miroirs reflètent. Comme un jeu à l’infini, fait de si peu, tel que les enfants peuvent l’inventer.

Dans cet abécédaire de la vie, ce qui frappe c’est l’humour avec lequel Vivian Maier saisit la mascarade de certaines mondaines qui, surprises par le fait d’être photographiées plutôt frontalement, affichent une surprise indignée, quittant un instant leurs manières policées.

Une course avec le temps

Vivian Maier acquiert son premier Rolleiflex en 1951. Elle s’occupe d’enfants de familles aisées et pour la petite histoire, les enfants Ginsburg, à l’âge adulte, la retrouvent et prennent soin d’elle, alors qu’elle vivait très pauvrement. Et comme l’histoire relève parfois de la légende, il faut savoir également qu’en 2007, un agent immobilier, John Maloof, à la recherche de photographies pour illustrer un livre d’histoire locale, acquiert un lot important de photos. En 2009, il découvre sur une enveloppe le nom de Vivian Maier, part à sa recherche, apprend qu’elle est décédée quelques jours avant cette découverte.

Devant ce travail photographique de grande ampleur, John Maloof entreprend de trier les photos et de les numériser. En janvier 2011, il organise une exposition au Centre culturel de Chicago, exposition qui remporte un grand succès.

Il aura fallu des hasards troublants, un signe de la Providence, pour que ce travail d’une vie, ces photos prises comme on respire, voient le jour. Ces photos de grande qualité rivalisent avec le travail d’Henri Cartier-Bresson pour les instants saisis sur le vif ou de Walker Evans pour les laissés pour compte enfin révélés dans leur dignité.

Vivian Maier y ajoute la spontanéité d’un regard, une empathie telle, une fraîcheur et une vivacité qui ne tiennent qu’à elle. Elle bouscule les codes de l’apparence et le moindre détail, le moindre objet, font sens, comme une devinette, un rébus, là encore comme si nous retrouvions le monde d’Alice, lorsque les coulisses s’ouvrent sur la vérité, sur la course avec le temps, autant d’instants d’exigence avec les autres et avec soi-même.

Vivian Maier, Chicago, années 1960, tirage argentique, 2014
Vivian Maier, Chicago, années 1960, tirage argentique, 2014 © Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery, NY

Une interrogation de l’être

Qu’on ne s’y méprenne pas, les autoportraits de Vivian Maier, qu’ils soient ombres chinoises ou surgissements, apparitions démultipliées dans un jeu de reflets, ne sont pas des moments de pose. Au contraire, ils électrisent l’œil comme une présence paradoxalement évanescente, comme une surprise d’être là, l’interrogation d’un être dans son énergie vitale, dans une quête d’origine.

On y perçoit une grande nécessité doublée de simplicité, comme si elle ne pouvait faire autrement que de photographier celle qui passe devant le miroir au même titre qu’une autre. Et c’est ce qui bouleverse le plus, cet enchâssement des autres dans toutes les photos, un enchâssement qui la fait anthropologue de son temps, comme Michel Leiris consignait par écrit le moindre fait de son quotidien. Comme un récit de l’humanité dans ses fondements, dans ce qu’elle a de commun, lorsqu’elle est dépouillée de l’artifice.

Alors effectivement les mondaines, tout ce qui est apparat, deviennent cocasses. Et la ville est une vaste scène de théâtre. Vivian Maier en saisit les codes, dans ces années fastes américaines, vouées à la consommation.

La photographe n’oubliera jamais ses origines, elle qui a saisi de manière simple les paysannes du Champsaur, car un visage, un port, en disent plus long que n’importe quel récit, donnent aussitôt l’idée d’une condition sociale, le silence d’une existence.

Elle privilégiera les quartiers ouvriers de la ville, les pauvres, avec un immense respect les fera exister. Et les enfants apparaissent comme dans des jeux, elle en convoque l’imaginaire, qui accorde grand profit aux ombres, aux poupées, aux dessins, comme des alter ego, toujours, sans oublier l’invisible et la créativité dont ils sont capables. Le royaume de l’enfance ainsi que le regard de Vivian Maier, habituée à leur compagnie, inventent des richesses insoupçonnées. Elle prend toujours la photo deux fois, comme pour la poser, la détendre, vérifier l’exactitude de son instinct.

Vivian Maier est partout, nous vivons avec elle, dans ce qu’elle voit, nous sentons son souffle et son regard effleurer les choses, reportage au quotidien. Une immense énergie traverse son œuvre, celle de la vie tout simplement.

Info

Jusqu’au 16 janvier 2022
19, rue Vaugirard
75006 Paris
museeduluxembourg.fr