Histoire du temps présent100 Joer Stade Thillebierg

Histoire du temps présent / 100 Joer Stade Thillebierg
Vue sur le Stade du Thillenberg en 1958, avec la tribune et les gradins et le cadre boisé. A l’avant-plan, le bois stocké pour la mine du Thillenberg. En arrière-plan la ligne des dix hauts-fourneaux de l’usine de Differdange et la Zolverknapp. Foto: Archives de la Ville de Differdange

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Les cent ans du Stade du Thillenberg ont été fêtés le weekend dernier par un concert, une exposition et une séance académique par la Ville de Differdange.

Permettez-moi à cette occasion d’évoquer ce temple du football, qui a été inscrit à juste titre à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux luxembourgeois en 2018. Je le ferai non seulement en tant qu’historien mais aussi en tant qu’ancien footballeur de la Jeunesse Esch, qui a eu la chance d’y disputer des „derbys du sud“ mémorables.

Je me souviens que le Stade du Thillenberg était associé à un autre nom qui me fascinait enfant mais dont j’ignorais la signification. C’était le nom que je pouvais lire après les matchs de foot, où mon grand-père m’emmenait, dès mes huit ans, dans les années 1970, sur un tableau en bois au Café Scarassa, „chez Milio“, dans la Hoehl à Esch. Sur ce tableau étaient repris les résultats des matchs de la division nationale et de la promotion d’honneur. „Red Boys“, pouvais-je y lire. En plus d’autres noms anglais: Red Star (Merl), The National (Schifflange), Red Black (Pfaffenthal).

„Red Boys“

Mon grand-père s’appelait Jemp Hoscheid et fut dans les années 1930 gardien de but et capitaine de la Jeunesse. Sa traduction de Red Boys, équipe rivale de la Jeunesse, je m’en souviens encore aujourd’hui. C’était une interprétation fort libre. „Red Boys“, m’a expliqué mon grand-père, ça signifie „Diables rouges“.

Les Red Boys n’étaient pas des Diables Rouges, bien sûr, mais le nouveau nom que le Sportklub Differdingen, fondé en 1907, s’était donné en 1919, après la Première Guerre mondiale. L’Allemagne avait perdu la guerre. Les noms allemands n’avaient plus la cote. Contrairement aux noms anglais. Le football est né en Angleterre. De plus, les populaires soldats américains de la 5th Infantry Division, surnommée Red Diamond, étaient stationnés de novembre 1918 à juillet 1919 dans tout le Bassin minier: 17.000 „Doughboys“ en tout.

Le capitaine du club, Michel Mosinger, alors étudiant, qui deviendra par la suite un chirurgien et chercheur de renommée internationale, serait parvenu à imposer le nouveau nom anglais, raconte-t-on dans les annales du club: „Football Association Red Boys“. La couleur était aussi du goût du joueur-entraîneur de l’équipe: Zénon Bernard, l’un des co-fondateurs du Parti communiste luxembourgeois en 1921 et très actif dans la grande grève de mars 1921, ce qui lui valut d’être licencié par son employeur, l’usine de Differdange de la HADIR (Hauts Fourneaux Differdange-Rumelange-St. Ingbert).

Deux mois avant la grève, en janvier 1921, les Red Boys approchent le directeur de l’usine, Pierre Ries, avec une demande pour un nouveau terrain, car leur ancien, également propriété de la HADIR, serait impraticable en automne et en hiver. Ils sont soutenus par le bourgmestre de la Ville de Differdange, le libéral de gauche Emile Mark, qui défend le club et le sport dans une lettre au directeur Ries: „persuadés (…) que l’éducation physique sait marcher de pair avec l’éducation intellectuelle. D’ailleurs tous les pays civilisés protègent actuellement la culture physique.“

Un site authentique et unique

Le Stade du Thillenberg est, à ma connaissance, jusqu’à présent le seul site sportif à avoir été mis sur l’inventaire des monuments nationaux au Luxembourg. Du point de vue des Sites et Monuments, „le Stade du Thillenberg avec ses constructions et son histoire remplit les critères de l’authenticité, de rareté, de genre, d’histoire sociale et surtout sa tribune est caractéristique pour sa période de construction. Ainsi, l’ensemble présente du point de vue historique, architectural et esthétique un intérêt public à être conservé“.

Le stade fait partie en effet d’une histoire sociale. La construction du terrain est liée, comme l’a montré l’historien Armand Logelin dans son exposé lors de la séance académique, d’une part à des luttes ouvrières, à des crises locales, et de l’autre à des liens qui se tissent entre les passionnés de ce nouveau sport et les dirigeants et ingénieurs de l’usine et de la mine du Thillenberg.

Le club finit par louer, pour 2.000 francs par an, une prairie au lieu-dit „an der Wäsch“. Une prairie et en même temps le terrain du Kahlebierg, site d’une ancienne exploitation à ciel ouvert, vis-à-vis du Thillenberg. Mais c’est la mine du Thillenberg, qui se trouve en face, la plus grande mine du pays, ouverte en 1900, et la dernière à avoir été fermée, en 1981 – que l’historien Luciano Pagliarini a présentée lors de la séance académique – qui a donné son nom à l’ensemble du site: „den Thillebierg“.

Les joueurs et les membres du club collectent des fonds et s’occupent eux-mêmes des travaux de nivellement, sous la direction du chef d’exploitation de la mine. Quelques milliers de mètres cube de terre et de pierres ont dû être enlevés. Le 24 mai 1922, le Stade du Thillenberg a été inauguré.

Le Stade du Thillenberg est ensuite considéré comme un monument national pour des raisons esthétiques et architecturales. Sa tribune en bois, construite en 1924, la dernière de ce type au Luxembourg, s’inspire des tribunes anglaises de la Belle Epoque, des tribunes construites par l’ingénieur Archibald Leitch vers 1900 en Angleterre. Les noms de ces stades anglais vous sont connus, même si les stades d’aujourd’hui sont des arènes gigantesques: Old Trafford, Anfield, Stamford Bridge, Highbury etc. Une tribune à structure en acier, avec un toit en bois en un seul versant. Le milieu est rehaussé par un pignon, coiffé jusque dans les années 1960 par une toiture en plusieurs pans.

Comme l’ont rappelé Paul Philipp, président de la FLF, et Erny Muller, ancien président des Red Boys, pour les joueurs et pour les spectateurs, le plus impressionnant, c’étaient les gradins, d’abord une tribune naturelle adossée au Kahlebierg, qui a été rapidement agrandie en gradins en béton pour 5.000 spectateurs. De hauts et raides gradins taillés dans la colline qui se transformaient pour les grands matchs en une marée de supporters produisant une ambiance incroyable.

Entouré d’une palissade en bois puis d’un mur en briques, mais aussi de toutes les installations minières du Thillenberg et de la ligne de chemins de fer Prince Henri, de la „Minièresbunn“, qui passait à quelques mètres, avec une vue plongeante sur Differdange et son usine, le Stade du Thillenberg a été comparé à un amphithéâtre antique sculpté dans un décor à la fois naturel et industriel. Un site à la fois authentique et unique.

Et puis il y a l’aventure sportive que la construction du terrain sur le Thillenberg a rendu possible. Peu de temps après la construction du terrain, les Red Boys, en 1923, conquièrent leur premier titre de champion. Deux ans plus tard, la première Coupe du Luxembourg. Aujourd’hui, le club, qui, depuis la fusion avec l’AS Differdange en 2003, s’appelle FC Differdange 03 et compte au total 19 coupes et six titres de champion.

Après 2012, le Stade du Thillenberg a fermé ses portes. Et nous avions peur que ce site disparaisse, soit dénaturé ou détruit. Son inscription sur l’inventaire des monuments nationaux et l’achat du terrain par la Ville, grâce notamment au combat de ceux qui ont consacré une grande partie de leur temps, de leur énergie et de leur enthousiasme au club du Thillenberg, est une bonne nouvelle et quelque chose de très précieux.

C’est un signe que nous parvenons, parfois, à honorer les œuvres et les paysages créés, à force de travail, par nos parents et nos grands-parents, dans cette région et dans ce pays. L’acquisition en 2021 du carreau de la mine Thillenberg par la Ville de Differdange nous donne l’espoir que dans un proche avenir puisse naître un projet associant sport, respect de l’environnement et de la culture industrielle. Avec le même objectif que les pionniers du Stade du Thillenberg il y a 100 ans: rassembler des personnes d’origines différentes autour de valeurs humanistes.