ExpositionLes énigmes de Victor Brauner

Exposition / Les énigmes de Victor Brauner
Victor Brauner: Autoportrait (1931)

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Rares sont les expositions consacrées à Victor Brauner (1903-1966), la dernière en date à Paris remonte à l’année 1972. Figure du surréalisme, son œuvre se poursuit au-delà, elle se situe aux confins de l’être. Ses visions convoquent une métaphysique faite de symboles et d’énigmes. Dépouillées, profondes, exigeantes, elles nous portent dans des territoires sublimés, à la fois ouverts et fantasmagoriques, d’une familiarité inquiétante.

Cette visite chronologique nous permet de voir comment s’est tissée l’œuvre de Victor Brauner et la façon dont elle s’imbrique étroitement avec sa vie. Elle s’articule également autour de deux moments pivots, la perte de l’œil de Victor Brauner en 1938 et la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle il fuit l’antisémitisme et trouve refuge dans le Sud de la France. Auparavant, après des cours à l’Ecole des beaux-arts de Bucarest, il est dans les années 1923-1924 l’une des figures incontournables de l’avant-garde roumaine. De 1930 à 1935, Victor Brauner séjourne pour la seconde fois à Paris. Il y rencontre André Breton en 1933 et adhère au surréalisme en 1934, sa première exposition parisienne aura lieu en 1934. Après la Seconde Guerre, il reviendra à Paris en 1945 et s’installera rue Perrel, dans l’ancien atelier du Douanier Rousseau. Sept ans avant de perdre son œil, en 1931, Victor Brauner peindra de façon prémonitoire un autoportrait avec un seul œil, qui fera écho à la magie surréaliste et au „hasard objectif“ revendiqué par André Breton, celui-ci surnommant alors Victor Brauner le „voyant“.

Au-delà du surréalisme

Dans les années 1930, Victor Brauner s’adonne également à la caricature et au dessin politique. Il dénonce en la personne de Monsieur K un individu aux instincts triviaux, ventripotent, à la nudité à la fois imposante et ridicule, illustrant ainsi, à travers une grille de métamorphoses, la collaboration entre la bourgeoisie et le fascisme. Victor Brauner est certes un peintre surréaliste mais il va au-delà. Là où les paysages sont mélancoliques à la façon d’un Chirico ou les sujets traités de manière insolite à la Magritte, Brauner fait également de l’existence et de ses sujets une matière sombre, une chair profonde. Son Autoportrait (1931, huile sur toile) n’est pas une illusion ou un effet, une théâtralisation, il se situe ailleurs, aux confins du rêve et de la réalité, dans une incarnation qui le rend frémissant, d’une profondeur sans égale – comme si l’œil absent nous contemplait. „Je suis le rêve. Je suis l’inspiration“, écrivait-il en 1940 à André Breton, revendiquant l’absence de frontière entre le rêve et la réalité.

De manière récurrente l’œil sera représenté dans ses toiles à la manière égyptienne, de face et hypnotique, l’œil du voyant pour un monde peuplé de figures symboliques et fantasmagoriques, hantant un espace secret que Victor Brauner, féru d’ésotérisme et fort de ses nombreuses lectures, nous ouvre. Sa manière change. Les alliances secrètes de ses créatures, mi-animales, mi humaines, sont de ces rêves qui éclairent les ténèbres. Contours précis, rituels étranges, symboles d’une alchimie qu’il a faite sienne, parfois ces figures sont des talismans, des amulettes, pour échapper à la menace de la mort, à la terreur des années de guerre. Manquant de matériaux, il travaille avec la cire fondue des bougies, dont il recouvre la surface de la toile, pour la gratter ensuite, faisant apparaître des personnages, des inscriptions, il y ajoute des cailloux, de la ficelle. Et en changeant de manière, il produit beaucoup, comme en dialogue avec les forces de l’inconscient. Il s’abreuve aux sources de la Kabbale, de l’alchimie, de ses origines roumaines, des arts primitifs. Tout fait peinture, les allégories, les contes pour enfants. Victor Brauner, d’une façon à la fois naïve, invraisemblable et réelle, figure le monde, avec parfois une forte connotation érotique. Le tout avec précision, en aplat. Extravagance et vraisemblance se côtoient, nous oscillons entre jubilation et rêve éveillé, pour des totems, des voyages dans des véhicules bizarres, en compagnie de femmes et d’hommes aux corps à la fois mi-animaux-mi humains ou mi-végétaux, seins pointus et corps d’enfants aux grosses têtes. Simplifiées et planes, les figures enchâssées, sont révélées par des couleurs vives, de forts contrastes. La vie est là, tel un rêve incarné, une possibilité de réel parmi d’autres. Avec Victor Brauner, nous sommes de tous les voyages.

L’exposition

Jusqu’au 10 janvier 2021
11, avenue du Président Wilson
75016 Paris

Victor Brauner: Jacqueline au grand voyage (1946)
Victor Brauner: Jacqueline au grand voyage (1946)