Des robotsL’intelligence artificielle, ou ainsi dite, va-t-elle révolutionner la médecine de notre pays?

Des robots / L’intelligence artificielle, ou ainsi dite, va-t-elle révolutionner la médecine de notre pays?
Un patient COVID-19 reste à l'unité de soins intensifs de l'hôpital Alberto Sabogal Sologuren, à Lima Foto:AFP

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Qui n’est pas intéressé par les pratiques d’IA, de DL = deep learning et les thèmes connexes actuellement en train d’envahir le champ intellectuel, mais que tout en restant difficilement compréhensibles à nous autres anciens, nous pourrions quand même utiliser encore largement à notre profit? Un peu comme les „robots“ téléphoniques capables d’alerter les secours quand les personnes âgées vivant seules, handicapées ou vulnérables en ont besoin lorsqu’elles chutent et se révèlent incapables de se relever elles-mêmes, par exemple pour cause de fracture de la hanche ou autres blessures que leur chute aurait entrainées: elles presseront simplement le bouton d’une petite boîte portée autour du cou afin qu’on vienne à leur secours. Or ceci ne se fera certes pas par intelligence artificielle, mais en mettant simplement en marche un appareil de téléphone dédié à sonner auprès des instances d’aide. Alors démystifions la chose un peu.

Car ce dispositif-là fonctionne en effet déjà au Grand-Duché depuis de nombreuse années, mais je serais curieux d’apprendre combien d’anciens en sont réellement avertis? Car c’est bien eux-mêmes qui doivent, eux, appuyer eux-mêmes sur le bouton. Cela changerait-il éventuellement grâce à l’IA? Pas que je sache actuellement, mais ce sera peut-être possible dans un avenir plus ou moins lointain? Dans son livre „Brèves réponses aux grandes questions“ feu Stephen Hawking n’affirmait-il pas, je le cite, „je vois deux options pour l’humanité future: explorer l’espace pour d’autres planètes habitables, et utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer notre planète“.

C’est sur ce dernier point qu’insiste mon vieux camarade Henri Entringer, professeur d’économie devenu chef de cabinet de notre Commissaire européen luxembourgeois de ce temps-là. Rappel pour nos lecteurs jeunes: à cette époque – les années cinquante – il n’y avait que six pays, France, République fédérale d’Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg, qui devinrent ensemble les fondateurs de ce qu’on appelait alors Marché commun du charbon et de l’acier, devenu aujourd’hui Union européenne (et que je déplorais il y a quelques semaines d’avoir eu à qualifier de dés-union, mais qui malgré le Brexit me semble enfin en train de se ressaisir!).

H. Entringer a en effet rédigé l’été dernier un essai concis appelé „Réflexions sociétales sur la digitalisation dans le secteur de la santé“, publié dans les Actes volume XXIII de la Section des Sciences morales et politiques de l’Institut grand-ducal et dont j’ai pu bénéficier d’un tiré à part. Cet intéressant opus fait l’inventaire des pratiques actuellement existantes en IA médicale, des bienfaits de laquelle nous tous des plus vieux aux tout jeunes nous tirons tous déjà profit, et chaque jour un peu plus.

Mais d’abord un mot encore à propos de notre Institut grand-ducal, notre mini-Académie lulue: fondée en 1868, elle s’est enrichie de plus en plus de sections: Sciences morales et politiques, Histoire, Sciences naturelles, Médecine, Linguistique. Vérifiez-le s.v.p. vous-mêmes avec vos dictionnaires électroniques. Je voudrais en venir maintenant à la page 165 de cet opus: il énumère toutes les utilisations de robots, notamment les chirurgicaux, bien sûr disponibles aussi dans nos hôpitaux, en rappelant la télémédecine qui permettait déjà dans les années quatre-vingt, par envoi télévisé aux habitants de certaines régions peu peuplées, par exemple d’Australie, et par conséquent dotées de peu de médecins, de bénéficier de soins médico-chirurgicaux nouveaux. Et chez nous cela a donné lieu à l’hôpital entre autres à l’installation de ces robots chirurgicaux type Da Costa.

Or ne vous méprenez pas: ce n’est pas le robot devenu artificiellement intelligent qui vous opérerait tout seul, mais c’est un chirurgien aux commandes qui lui dicte ce qu’il doit faire. Ce chirurgien assis en salle d’op dans une espèce de cahute, concentré et les yeux rivés sur le champ opératoire qui lui y est transmis en images exactement comme s’il se tenait installé à côté et au-dessus de l’opéré, pousse de ses doigts et pieds les commandes ad hoc transmises à la machine qui exécute ses ordres, et ce n’est pas le robot qui prendrait les initiatives pour distinguer les organes et ouvrir, écarter, rapprocher, couper, enlever ou suturer les tissus de l’opéré, ou comprimer un vaisseau et l’arrêter de saigner, mais il le fait avec douceur et minutie sur l’ordre de l’opérateur, et avec une précision, constance et efficacité probablement supérieure à celles de l’homme, auquel il aura fallu bien entendu aussi une suffisamment longue expérience pour arriver à la parfaite maîtrise de cette technique-ci.

Question posée par un autre auteur, médecin, le Dr Guy Vallancien: „L’IA, avec la puissance de ses algorithmes ne signifie-t-elle point aujourd’hui la fin de la médecine, étant donné sa capacité (…) de proposer des diagnostics plus affinés (…) ainsi que de meilleures thérapies, sinon la meilleure tout court, obligeant d’évidence les praticiens à l’évaluation statistique comparative des résultats obtenus avec ou sans robot. Autrement dit, l’ordinateur ne remplacera-t-il pas dorénavant le médecin tel que nous le connaissons encore ces jours-ci dans les décisions diagnostiques et thérapeutiques à prendre?“

Pour moi il coule de source que nous sommes actuellement encore très loin de l’indépendance de pensée des robots et de la prise de pouvoir obtenue sur nous par l’IA, laquelle en attendant des jours meilleurs (?) a besoin d’être programmée par l’IH, je veux évidemment dire l’intelligence humaine. Conséquence: j’adhère fermement à la conclusion d’Eric Topol, ce grand prof de médecine américain qui anime souvent le journal Medscape, ma feuille préférée d’éducation médicale continue. Lui espère de l’IA que le flux du travail médical s’améliorera du fait qu’elle a bien pris pied en médecine en devenant plus rapide et plus exact pour le clinicien, car celui-ci pourra désormais du fait de l’IA voir des choses que l’homme manquerait d’apercevoir sur les scans ou les coupes et lamelles microscopiques, cela bien sûr au risque de ne point respecter les consignes de productivité des administrateurs: ce qui s’est encore vu assez récemment ici, dans notre pays, certains administrateurs refusant à leurs médecins le droit à la parole et leur participation aux décisions des conseils d’administration, alors que ce sont eux-mêmes qui sont incompétents en médecine. Bref on aura tout vu.

Avant de conclure, vais-je encore vous dire un mot des robots sociaux au service des patients, qualifiés aussi de robots de compagnie, car doués de d’empathie, oui, c’est voulu par l’homme, mais cela ressemble à s’y laisser prendre à de l’empathie réelle. J’ignore s’il en existe déjà chez nous, mais il y en a un parmi eux qui s’appelle le robot QT = cuti = chéri/e, ce qui n’a rien à voir ni avec l’électrocardiogramme dont c’est aussi une notion, ni d’ailleurs avec une personne chérie en chair et os. Mais ces robots aideraient les enfants atteints d’autisme à créer une interaction affective à travers des jeux et des histoires dans le but de se trouver ainsi moins coupés d’autrui, ce qui constitue un réel progrès dans leur traitement.

Mais je donnerais le mot de la fin à mon vieux camarade Henri: „pour remédier aux inconvénients des règles de confinement actuelles on a eu recours aux techniques d’information et de communication en vue de remplir à moindre coût de multiples tâches tels que télétravail, télémédecine, enseignement digital, visioconférences, livraison à domicile de commandes e-mail, visites visuelles de maisons et appartements. Au vu des avantages et du grand succès obtenus, attendons-nous quand la pandémie sera terminée que ces outils continuent d’être appliqués à une échelle beaucoup plus large qu’auparavant et que ce coronarovirus aura renforcé le virage vers la digitalisation.“ Tous d’accord!

* Le Dr Hoffmann est interniste, directeur honoraire de la CE et ancien chef de son service médical