FranceDébat sur les retraites: Le gouvernement redoute de puissantes grèves

France / Débat sur les retraites: Le gouvernement redoute de puissantes grèves
Les membres du gouvernement français se rendent à l’Elysée pour participer à une réunion avec le président Emmanuel Macron Photo: AFP/Ludovic Marin

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

A quelques jours de la présentation officielle du projet de loi sur la réforme des retraites par la première ministre Élisabeth Borne, mardi prochain, le climat se tend encore autour du gouvernement. Celui-ci, tout comme le président Macron, a manifestement pris conscience que l’épreuve qui l’attend pourrait se révéler redoutable.

„Pour un pouvoir en place, ce n’est jamais plaisant“, a reconnu avant-hier Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, à l’issue du premier conseil des ministres de l’année. Un conseil des ministres au cours duquel le chef de l’Etat avait demandé au gouvernement de „ne pas céder aux professionnels de la peur“ et à „la conjuration des esprits tristes“, tandis que Mme Borne priait les ministres de „résister aux vents contraires“.

Il faut dire que cette réforme fait un peu figure, depuis le temps qu’elle est annoncée (la première fois durant la campagne présidentielle de Macron en 2017!), de projet maudit, à la gestion très difficile et aux conséquences politiques et sociales imprévisibles. De fait, sans cesse modifiée et reportée, la réforme est devenue carrément impopulaire au fil des années: selon les sondages, quelque 70% des Français y seraient hostiles.

Beaucoup d’entre eux, pourtant, reconnaissent que le principe d’un sauvetage du système s’impose. Mais c’est lorsqu’on en vient aux modalités que tout se complique. Principalement quant au report de l’âge de départ en retraite, que l’Elysée et Matignon souhaitent remonter à 65 ans, comme précédemment, ou au moins 64, pour tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie, contre 60 à 62 aujourd’hui. Sans parler des „régimes spéciaux“, encore beaucoup plus favorables, notamment à la SNCF, et qu’il est souvent mais vainement question d’aligner sur le régime général.

Front syndical uni contre la réforme

A cette vive réticence de l’opinion s’ajoute une union ressoudée des syndicats et de la gauche, résolus à présenter un front uni et solide contre la réforme. Ce sont surtout, à ce stade, les grandes centrales qui font peur au gouvernement. Lequel redoute, plus encore que de vastes manifestations, des mouvements de grève qui pourraient se généraliser et s’éterniser pendant et après le débat parlementaire, prévu à partir du 23 janvier. Et le récent recul tactique de Mme Borne sur la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi, qu’elle avait tout d’abord prévu de diminuer de 40% si le taux de chômage passait au-dessous de 6%, ne semble aucunement avoir rasséréné les syndicats.

De sorte que la menace d’une France à la fois paralysée par ce qui pourrait ressembler à une longue grève générale, et en proie aux manifestations, est devenue le cauchemar de l’exécutif. Mais M. Macron tient à ce projet, „quoi qu’il en coûte“, comme il avait dit à propos du Covid. Pour des raisons de fond sans doute, mais aussi pour pouvoir attacher enfin son nom à une grande réforme, lui qui avait été élu il y a cinq ans et demi sur une image résolument réformiste, à laquelle il n’a guère répondu jusqu’à présent.

Le jeu se complique encore pour lui, et pour son gouvernement, du fait que d’autres sources de conflits se sont multipliées entre temps (voir Tageblatt du 31 décembre). Outre le retour à un prix des carburants très élevé avec la fin des diverses aides publiques et ristournes privées, la hausse vertigineuse du prix de l’électricité pour les industriels et les commerçants commence à susciter des licenciements, voire des fermetures.

Des boulangers aux médecins …

C’est particulièrement vrai pour les boulangers – la France en compte environ 33.000 – très populaires dans les villages ruraux où ils sont souvent les derniers commerçants de proximité. Les voix officielles ont beau répéter que l’inflation s’est légèrement tassée le mois dernier, à 5,9%, le ressenti des Français est très différent, et les chariots-standards conçus par différents médias pour tester les prix des supermarchés font unanimement état d’une hausse réelle de 15% sur les produits alimentaires et d’entretien.

De même, le rituel éloge ministériel de la vaillance du personnel médical ne suffit-il évidemment pas à rassurer sur le délabrement croissant de l’hôpital en France, pas plus qu’il ne met un terme à la grève actuelle des médecins généralistes. Il n’est jusqu’à la suppression du timbre-poste courant, remplacé par un système complexe supposant d’avoir un ordinateur, ou de se rendre à la poste pour s’y faire aider, et excluant de toute façon la confidentialité du courrier, qui ne hérisse en ce moment une bonne partie de la population française.

Il n’y a pas là de quoi faire la révolution, certes; mais l’accumulation, et surtout la concomitance, des mécontentements et des inquiétudes que l’on observe aujourd’hui en France, vient encore compliquer le climat dans lequel va se dérouler le débat sur la réforme des retraites, et alimenter bien des suppositions sur ses conséquences.