C’est un personnage singulier et controversé de la vie publique française qui vient de s’éteindre, au terme d’une lente agonie à éclipses qu’il a affrontée avec un courage tranquille et une sérénité tranchant avec le rythme longtemps frénétique de son existence professionnelle si multiforme. La dignité de sa fin lui aura même sans doute valu de retrouver, in extremis, des sympathies qu’il avait perdues au fil des épisodes de sa carrière, ou plutôt de ses nombreuses carrières.
Car Bernard Tapie aura tâté d’un peu tout, en commençant, dans sa prime jeunesse, par la chanson (sous le nom plus „mode“ de Tapy), à laquelle il reviendra plus tard avec un titre qui résumait bien son immense ambition personnelle: réussir sa vie. De même qu’il aura, servi par un physique charmeur, joué la comédie; non pas seulement pour séduire un certain nombre de partenaires économiques et financiers, mais aussi au sens propre, sur les planches et devant les caméras.
Dès 1967, il avait ouvert un grand magasin d’audiovisuel à Paris; douze ans plus tard, après différentes péripéties commerciales qui ne tournent pas toutes à son avantage, mais qui renforcent son culot au moins autant que son crédit, il file en Afrique racheter à un Bokassa déchu et aux abois ses propriétés en France (principalement des châteaux) pour 10 pour cent de leur valeur, avant qu’elles ne soient saisies. En 1980, c’est la grande entreprise Manufrance qu’il rachète, avant de mettre la main sur Terraillon, Look, Testut, Wonder …
Le sport, la politique … et les „affaires“
Puis ce sera la suite de ses aventures sportives avec l’équipe La Vie claire, qui remporte le Tour de France, et en 1986 l’Olympique de Marseille, qui va conquérir la Ligue des Champions en 1993, mais aussi multiplier les soupçons de trucages de matchs. Sport et industrie se mélangeront ensuite avec le rachat d’didas, une affaire qui, de commerciale, deviendra politique, financière et judiciaire.
Il lui reste à s’intéresser à la politique. C’est chose faite lors d’une élection législative, encore à Marseille, qui devient décidément son port d’attache. François Mitterrand le nomme ministre de la Ville en 1992, il doit démissionner moins de deux mois après compte tenu de ses démêlés avec la justice, mais réintègre l’équipe Bérégovoy en janvier suivant. Et en 1994, c’est encore lui qui est chargé de diriger la liste des radicaux de gauche aux élections européennes, laquelle qui va torpiller celle de l’ancien premier ministre Michel Rocard, pour la plus grande joie secrète de l’Elysée.
Enfin viendront les ennuis judiciaires, dont „l’affaire VA-OM“ qui voit le club de Valenciennes convaincre les juges que le match où il a été battu par Marseille était bel et bien truqué. Ce qui vaudra au président de l’OM un an de prison ferme en 1995. Tapie aura plus de chance, mais peut-être provisoirement pour ses héritiers, avec l’affaire Adidas, où un arbitrage au détriment du Crédit Lyonnais lui vaut un dédommagement de 405 millions d’euros, mais qui, de jugement en jugement, avec plusieurs procédures d’appel, n’est toujours pas tranchée définitivement sur le fond.
Un peu, finalement, comme la trace que cet homme surdoué de la communication et qui avait aussi rêvé d’encourager les jeunes des milieux modestes à fonder leur propre entreprise, laissera à la postérité. Une chose, au moins, est sûre: lui qui rêvait de „réussir sa vie“ aura au moins réussi sa mort.
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