FranceRetraites: Les contestataires restent résolus

France / Retraites: Les contestataires restent résolus
18.000 manifestants se sont réunis à Nantes  Photo: AFP/Sébastien Salom-Gomis

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Les syndicats et les partis de gauche avaient appelé hier à une 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Si de nombreux incidents ont émaillé la progression des cortèges, particulièrement à Paris en fin d’après-midi avec l’assaut des Black Blocs contre la police, l’ultra-violence qui avait été constatée ce week-end ne s’est pas répétée dans les mêmes formes; grévistes et manifestants ont par ailleurs été nettement moins nombreux que lors de la 9e journée, jeudi dernier.

Peut-être, d’ailleurs, y a-t-il eu parmi les personnes qui comptaient manifester la crainte de voir se reproduire, en version urbaine, les scènes de guérilla champêtre que l’on avait pu voir, tout particulièrement samedi, à Sainte-Soline. Et qui, assure le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, vont entraîner la dissolution de certaines organisations ultra-violentes se réclamant de l’ultra-gauche ou de l’écologie de combat.

Et du côté des grévistes, malgré les subsides distribués par les caisses de soutien syndicales, d’aucuns ont aussi pu estimer avoir besoin de faire une pause, financièrement, en cette fin de mois marquée par l’inflation. De fait, même si l’évaluation du nombre des uns et des autres est éternellement controversée selon que les chiffres émanent des syndicats, de la police ou de la presse, dans certains secteurs considérés pourtant comme très sensibles, le pourcentage de grévistes est resté plus bas qu’attendu: 8,5% pour l’Éducation nationale, par exemple, ou encore 16,5% à la SNCF. Les éboueurs parisiens ont même cessé leur grève … faute de participants, a reconnu un de leurs délégués.

Quant aux manifestants, leur chiffre national était estimé hier soir à 740.000, dont sans doute 93.000 dans la capitale, contre 18.000 à Nantes (où il y a eu des heurts, comme à Lille), 12.500 à Lyon, 11.000 à Marseille, 10.000 à Bordeaux, 6.500 à Strasbourg. Les syndicats donnant évidemment des évaluations supérieures, parfois très largement puisqu’à Marseille, la CGT a compté 180.000 manifestants, et 450.000 à Paris! Quoi qu’il en soit, l’intersyndicale devait décider dans la soirée des modalités de la poursuite des revendications, qui elle, du moins, ne fait aucun doute.

Une situation toujours bloquée?

Est-ce à dire que la situation reste désespérément bloquée, chacun campant sur ses positions sans même imaginer d’en changer? Tandis que défilaient les manifestants, la séance des questions au gouvernement, hier après-midi, pouvait renforcer l’impression d’un absolu dialogue de sourds entre partisans et adversaires de la réforme. Pourtant, plusieurs considérations viennent montrer que la partie n’est pas terminée.

A commencer par la saisine du Conseil constitutionnel, qui a formellement trois semaines pour se prononcer sur la validité, elle aussi constitutionnelle, du texte, et qui, croit-on savoir dans les coulisses du pouvoir, pourrait rendre son avis le 18 avril prochain. Ce délai, il est vrai, est bien long au regard de la situation actuelle, et va laisser planer une incertitude sur la confirmation, ou pas, de l’ensemble du texte gouvernemental, ou sur tel ou tel article.

Il y a aussi cette main tendue par l’exécutif en direction des syndicats (voir Tageblatt d’hier), qui a cependant bien peu de chances d’être saisie telle quelle par ces derniers puisqu’il s’agirait de rouvrir le dialogue sur toutes les questions sociales que l’on voudra, à la notable exception de la seule qui fasse tellement problème pour l’instant: la réforme des retraites. Symétriquement, les grandes centrales se disent prêtes à revenir discuter à l’Elysée ou à Matignon, à condition que ce soit … sur cette même réforme des retraites. Là aussi, pour l’instant, dialogue de sourds.

L’hypothèse d’une pause, ou d’une médiation

Mais la proposition d’une „pause“, si ce n’est dans un débat que le recours à l’article 49-3 a clos sur le plan parlementaire, du moins dans la mise en œuvre de la réforme, pour se donner le temps de réfléchir, proposition qui avait été émise ça et là sans trop d’espoir d’être entendue compte tenu de l’état d’esprit de l’exécutif, a reçu hier le renfort explicite d’un des partis composant la majorité présidentielle, le MoDem centriste. Sans doute celui-ci ne constitue-t-il ni le gros des bataillons macronistes, ni leur fer de lance idéologique, mais il s’agit tout de même de sa part d’une première manifestation publique de demande d’inflexion de la ligne élyséenne.

Dans un registre au fond assez voisin, la CFDT, et aussi la CGT pourtant réputée moins encline à la conciliation, avancent quant à elles l’idée d’une possible „médiation“ dans cet interminable conflit. Pour être séduisante, l’idée n’en soulève pas moins de lourdes difficultés concrètes: qui serai(en)t le ou les médiateurs? Quel serait leur mandat? Et y a-t-il même une médiation possible sur ce qui fait le cœur dudit conflit, à savoir le report de l’âge normal de la retraite de 62 à 64 ans? L’hypothèse de 63 ans avait déjà été radicalement écartée tant par le gouvernement que par les syndicats avant le début des grèves et des manifestations: on imagine mal qu’elle puisse être adoptée aujourd’hui des deux côtés.

En attendant, si les effectifs des grévistes et des manifestants fluctuent, leur résolution, elle, ne faiblit pas. On en est, de part et d’autre, à espérer des vacances de Pâques toutes proches qu’elles permettront de reprendre un peu son souffle et ses esprits – mais pour combien de temps, et à quelles fins dernières?

Ce pronostic n’est pas si drôle …
Ce pronostic n’est pas si drôle … Photo: AFP/Jean-François Monier