FranceMacron met un terme à l’opération militaire Barkhane au Sahel

France / Macron met un terme à l’opération militaire Barkhane au Sahel
Des soldats français en mission au Mali: leur nombre actuel de 5.100 pourrait être sensiblement réduit dans le temps à venir Photo: Daphné Benoît/AFP

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Le président Macron a annoncé jeudi soir la fin prochaine de l’opération militaire Barkhane qui avait vu, à l’initiative de son prédécesseur François Hollande, la France engager jusqu’à 5.100 soldats au Sahel, à l’origine pour sauver Bamako des groupes islamistes armés qui s’apprêtaient à envahir la capitale malienne. Par la suite, en huit ans cette opération s’était étendue à l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie au Tchad en passant, outre le Mali, par le Burkina Faso et le Niger.

Le chef de l’Etat est resté on ne peut plus évasif sur le calendrier de ce retrait français, ses modalités et les effectifs qui seraient concernés par la suite des opérations. „Nous amorcerons une transformation profonde de notre présence, avec un changement de modèle“, s’est-il borné à déclarer, ajoutant: „Notre présence, sous forme d’opération extérieure, n’est plus adaptée à la réalité des combats. Il s’agit de tirer les conséquences de ce qui n’a pas fonctionné, le rôle de la France n’étant pas de se substituer à perpétuité aux États.“

L’amertume d’Emmanuel Macron est donc perceptible: ce qui „n’a pas fonctionné“, selon sa formule, ce pourrait bien être en réalité, une fois Bamako sauvée de justesse d’une occupation par les djihadistes, l’ensemble de l’opération Barkhane. Non pas en termes proprement militaires, encore que Paris ne s’attendait sans doute pas à y perdre 55 militaires (54 hommes et une femme), dont une bonne moitié d’officiers et sous-officiers. Mais c’est avant tout politiquement que la déception française est grande.

L’ambition de la France, en lançant cette opération, était triple. Il y avait d’abord, bien sûr, le souci de contenir, puis si possible de chasser, le terrorisme islamiste de cette zone de l’Afrique jugée particulièrement sensible. Il s’agissait ensuite de fédérer, au sein de ce qui allait devenir en février 2014 le „G5 Sahel“, les cinq pays concernés, de les inciter à coopérer militairement face à l’offensive des organisations islamo-terroristes, à la fois entre eux et avec la France. Enfin, l’objectif était aussi de susciter, au moins dans l’Union européenne, un engagement allant dans le même sens, avec un soutien politique clair et l’envoi de troupes et de matériels.

La guerre … et les coups d’État

Or il faut bien dire que sur ces trois plans, les résultats n’ont guère été au rendez-vous. Les troupes françaises se sont trouvées en terrain très difficile, et surtout immense: l’ensemble formé par les cinq Etats du Sahel représente, avec environ 5,1 millions de km2, près de dix fois la France métropolitaine! Et les zones les plus dangereuses, à commencer par celle dite „des trois frontières“ (Mali, Burkina Faso, Niger), sont mouvantes, avec par endroits des populations totalement sous la coupe d’islamistes très mobiles. En huit ans, les violences faites aux populations civiles n’ont cessé d’augmenter; et la stratégie d’élimination des chefs djihadistes n’a produit aucune amélioration de la sécurité sur le terrain.

Sur le plan politique, d’autre part, si les Maliens ont essayé, au début, de coopérer de leur mieux, il n’en a pas toujours été de même des autres armées concernées. A la notable exception du Tchad, seul pays du G5-Sahel à avoir déployé un bataillon en dehors de ses frontières, au Niger, et qui abrite à N’Djamena la plus grande base militaire française d’Afrique. Mais son dirigeant Idriss Déby a été tué dans des conditions obscures sitôt réélu (voir Tageblatt du 22 avril), son fils prenant le pouvoir; et au Mali, on a assisté le mois dernier à un second coup d’État en huit mois, les nouveaux maîtres de Bamako passant pour peu enclins à poursuivre la guerre.

Quant à la coopération internationale hors-Afrique en faveur de Barkhane, c’est peu dire qu’elle a n’a pas répondu, globalement, aux attentes de Paris, même si quelques pays européens ont tenu à y participer. C’est en particulier le cas du Luxembourg, qui a envoyé au Mali un détachement de 25 soldats, lesquels vont d’ailleurs y rester quelle que soit l’évolution de la présence militaire française. Mais l’idée lancée en 2018 par la France de créer la force européenne „Tabuka“ au sahel n’a guère connu de suites concrètes.

Passer le relais aux forces spéciales?

Le président Macron avait donc des raisons fortes de renoncer, surtout depuis les derniers remous à N’Djamena et à Bamako, à cette opération. Sans parler du fait qu’il ne tenait sans doute pas à aborder l’échéance présidentielle de l’an prochain avec de possibles risques de développements dramatiques, face à une opinion française dont une partie est toujours prompte à se demander „ce qu’on est allé faire là-bas“.

Lui-même parle plutôt de modifier les contours de l’intervention française, qui pourrait s’appuyer simplement sur quelques centaines de membres des forces spéciales, et si possible de leurs homologues d’autres pays. Un tel relais permettrait de ne pas paraître abandonner purement et simplement le terrain.

Il n’en reste pas moins que, comme pour les troupes américaines en Afghanistan, ce retrait français sonne tout de même comme une défaite, et a contrario comme une victoire pour un terrorisme islamiste particulièrement brutal. Les djihadistes peuvent désormais se sentir plus libres de s’installer aussi dans le Nord de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin, dans l’Est du Sénégal … Quant à l’image de la France, que l’homme de l’Elysée veut laver de tout soupçon de néo-colonialisme, il n’est pas sûr qu’elle en sorte grandie auprès des Africains.