Théâtre„Jouer, c’est donner“

Théâtre / „Jouer, c’est donner“
L’actrice Leslie (Céline Camara) succombe aux charmes de Gunther, réalisateur allemand d’affreux films Z (boshua)

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Pour sa toute première mise en scène, Malia Theismann adapte trois des sept monologues de „Moulins à paroles“ d’Alan Bennett dans une pièce qui oscille entre le comique et le tragique – et qui est d’autant plus poignante que la solitude et l’isolation qu’elle dépeint sont devenues notre sort quotidien.

Graham (Jean-Marc Barthélemy) est tout entièrement dévoué à sa mère jusqu’au jour où surgit Franck Tumble, une ancienne connaissance de la septuagénaire qui commence à lui faire la cour, ce que le fiston, tout en tics névrosés, voit d’un mauvais œil. Doris (Monique Reuter) vit dans la hantise de la maison de retraite et passe ses journées à s’insurger contre son corps qui périclite et sa femme de ménage dont elle évalue sans cesse le manque de zèle. Leslie (Céline Camara) est une comédienne ratée qui essaie de se convaincre que les films qu’elle tourne sont des chefs-d’œuvre alors que la plupart du temps, les ambitions esthétiques du réalisateur se limitent au tour de poitrine de la jeune comédienne.

En 2017, le TOL avait adapté trois des sept monologues dont est constitué „Moulins à paroles“ et qui furent d’abord écrites pour la BBC avant de rencontrer un succès sur scène. En 2021, alors que les théâtres luxembourgeois viennent de rouvrir leurs portes, Malia Theismann met en scène trois autres monologues – „Un bi-choco sous le sofa“, „La chance de sa vie“, „Une frite dans le sucre“ – dans une pièce où la solitude des trois destins qu’elle dépeint est d’autant plus poignante qu’elle reflète l’isolement dont nous faisons tous les jours l’expérience.

Si Jean-Marc Barthélemy convainc dans son incarnation d’un homme traversé par les tics psychotiques, le présentant comme un grand bambin gâté qui ne s’est jamais frotté au réel et que Monique Reuter donne à voir une vielle femme qui agace tout autant qu’elle émeut, la pièce est portée par le jeu étincelant, ironique et fougueux de Céline Camara, qui donne une vie fulgurante à son actrice portée aux autodélusions.

Le dispositif scénique de Noëmie Cassagnau est simple, mais ingénieux: les trois acteurs sont confinés dans des sortes de cabines téléphoniques à travers la vitre de laquelle ils déclament leurs monologues, s’empêtrant vite dans des logorrhées solipsistes, des paroles en roue libre où pointent les névroses, angoisses, incertitudes et les mensonges à travers lesquels ils se construisent une existence factice. De ces cabines, ils sortent tantôt sans arriver pourtant à briser le carcan mental, tapissé par un récit de vie frauduleux, dans lequel ils restent coincés. La mise en scène joue avec ces trois prisons sur roulettes qui sont réagencées sur scène pour des constellations variables, faisant se rapprocher ces trois solitudes qui se frôlent sans jamais se toucher.

La bande-son, matinée de classiques des années 80 (une transition vire en chorégraphie sur fond de „Take On Me“ d’Aha et l’incontournable „Heaven Knows I’m Miserable Now“ de The Smiths vient clôturer la pièce) plonge le spectateur dans l’époque où se déroule la pièce alors même que le contexte pandémique confère une urgence nouvelle à ce texte parfois un brin poussiéreux.

Prochaines représentations: le 28, 29 et 30 janvier à 20 heures et le 31 janvier à 17 heures au Grand Théâtre