Turquie: polémique autour d’une amende fiscale visant un groupe de presse

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La condamnation du premier groupe de presse turc, Dogan, à une amende d'environ 500 millions de dollars pour fraude fiscale par la direction des impôts a relancé la polémique en Turquie sur les intentions du gouvernement, accusé de vouloir museler la presse.

 Au terme de contrôles fiscaux répétés, le groupe Dogan, numéro un turc des médias, s’est vu infliger le 18 février une amende sans précédent de 826 millions de livres turques, soit la somme astronomique de 426 millions de dollars (332 millions d’euros), une condamnation qui pourrait aussi être suivie de poursuites pénales.
Le fisc reproche au premier groupe du pays, propriétaire entre autres des quotidiens Hürriyet et Milliyet et de chaînes de télévisions comme CNN-Türk, des retards d’impôts dans un transfert de capital à l’éditeur allemand Axel Springer, ce que le groupe nie, affirmant avoir payé à temps. Dogan médias et l’opposition au Parlement ont vu dans cette condamnation une nouvelle offensive du gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan contre la liberté de la presse. Dans un communiqué, le groupe, dont est propriétaire Aydin Dogan, homme d’affaires septuagénaire, a estimé qu’il y avait de „sérieuses raisons de croire que ces contrôles fiscaux avaient été motivés par des raisons politiques“, accusant à mots à peine couverts M. Erdogan de vouloir affaiblir le trust médiatique. Une première confrontation avait opposé les deux parties en automne lorsque les journaux du groupe avaient mis en cause le gouvernement dans le scandale „Deniz feneri“ (le Phare en turc), une organisation caritative, proche de l’AKP, condamnée en Allemagne, ce qui avait provoqué l’ire du Premier ministre. Le groupe Dogan a été un critique du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), au pouvoir depuis 2002, soupçonné par les milieux laïques de vouloir islamiser la Turquie, musulmane mais laïque. Le gouvernement a mis en oeuvre des réformes démocratiques pour renforcer ses chances d’adhérer à l’Union européenne mais celle-ci a exhorté Ankara à en faire davantage pour les libertés individuelles, notamment de la presse. Le chef de l’opposition au Parlement, Deniz Baykal, a accusé M. Erdogan de „vouloir faire taire la presse et les journalistes“, avant les élections municipales prévues le 29 mars, un scrutin que M. Erdogan veut à tout prix remporter pour asseoir sa force politique après sa victoire aux législatives de 2007. M. Erdogan „impose des amendes quand une information ne lui convient pas“, a dit le président du Parti républicain du Peuple (CHP). Pour les associations de presse turques l’acharnement gouvernemental contre le groupe Dogan est une nouvelle preuve de la volonté de l’AKP de combattre les instances qui lui résistent, afin d’étendre encore sa mainmise politique. M. Erdogan, qui a appelé ses électeurs à „boycotter“ les journaux d’opposition, affirme que l’amende infligée à Dogan est tout à fait „légale“ et qu’il n’y est pour rien. Lors du week-end devant ses partisans à Adiyaman (sud-est), il a cependant dit que „la liberté de la presse ne pouvait être utilisée pour diffamer“. M. Erdogan se considère comme un champion de la liberté d’expression après son emprisonnement pour quatre mois en 1999 pour avoir récité un poème lors d’un meeting électoral. Cela ne l’a pourtant pas empêché de lancer des poursuites contre de nombreux journalistes et caricaturistes pour diffamation. Il a aussi banni plusieurs journalistes de la couverture de l’actualité le concernant.