Délicat exercice d’équilibrisme pour Sarkozy entre le dalaï lama et Pékin

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Le président Nicolas Sarkozy s'est livré à un délicat exercice d'équilibrisme en s'efforçant de relativiser sa rencontre avec le dalaï lama, dans l'espoir de limiter l'ampleur de la colère chinoise et d'éviter à Paris de coûteuses représailles économiques.

Samedi à Gdansk (Pologne), en marge d’un colloque des prix Nobel de la paix, le chef de l’Etat a, pour la première fois, rencontré le chef spirituel tibétain en exil (nobélisé en 1989), bravant ainsi les mises en garde de Pékin. Très sensibles sur tout ce qui a trait au Tibet et à son leader, les autorités chinoises, espérant décourager le président Sarkozy, avaient menacé ces derniers jours la France de représailles commerciales. Dimanche, la Chine a émis „une forte protestation“ auprès de Paris, après cette rencontre d’une petite demi-heure que M. Sarkozy avait voulue discrète, loin de Paris.
La veille, Pékin avait déjà fait part de son courroux dans des termes relativement violents d’un point de vue diplomatique, qualifiant l’entrevue entre M. Sarkozy et le dalaï lama de „peu judicieuse“, „irréfléchie“ et de nature à „miner les relations sino-françaises“. M. Sarkozy avait pourtant relativisé à Gdansk devant la presse tant cette rencontre que la colère chinoise, en tentant de concilier la défense des droits de l’Homme et les bonnes relations avec Pékin, notamment commerciales. „Il faut gérer tout ceci avec sérénité, avec calme. Il faut le faire sur le long terme“, avait-il affirmé, laissant entendre qu’il fallait ramener ces événements à leur juste mesure et „ne pas dramatiser“ la rencontre. „Je souhaite que la Chine prenne toute sa place dans la gouvernance mondiale. Nous avons besoin (…) que la Chine dialogue, comme le président Hu Jintao a commencé, avec le dalaï lama“, avait-il insisté. Sur un ton plus ferme, juste avant la rencontre, il avait toutefois souligné: „je suis libre en tant que président de la République française de mon agenda“ et „en tant que président du Conseil européen, je porte des valeurs, des convictions. C’était mon devoir de le faire, je le fais bien volontiers“. M. Sarkozy s’était déclaré „choqué“ par la sévère répression chinoise contre les manifestants tibétains, au printemps. Il avait ensuite lié sa venue aux Jeux olympiques de Pékin à la reprise du dialogue entre la Chine et le dalaï lama. Cette fois, il n’a, semble-t-il, fait qu’effleurer la question du Tibet avec le leader tibétain.
„Nous avons fait un large tour d’horizon de cette question. Le dalaï lama m’a fait part de ses inquiétudes, inquiétudes qui sont partagées en Europe“, a-t-il simplement indiqué. Alors que des rencontres précédentes entre le dalaï lama et des dirigeants occidentaux (George W. Bush, Angela Merkel ou Gordon Brown) n’avaient pas été critiquées avec une telle force par la Chine, c’est peut-être cette façon de souffler le chaud et le froid qui déplaît à Pékin. Telle est en tout cas l’analyse qu’en fait le sinologue Jean-Luc Domenach. Les Chinois „ne font que sanctionner les multiples revirements de notre politique. Depuis les émeutes tibétaines de mars, Sarkozy a changé plusieurs fois d’attitude vis-à-vis de Pékin. Il a d’abord été très pro-chinois, puis leur a tenu un discours plus dur, avant de revenir à une position médiane“, regrette le spécialiste dans Le Journal du Dimanche. Le même rend cependant hommage au président en exercice du Conseil européen jusqu’au 31 décembre: „avec la présidence française, l’UE a parlé d’une seule voix“ à la Chine. „Le pouvoir chinois craint que Paris ne conserve ce leadership européen. D’où, peut-être, cette tentative de destabilisation“.