2,6 milliards sur la table, les syndicats restent sur leur faim

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Nicolas Sarkozy a annoncé hier, sans satisfaire les syndicats, une série de mesures destinées aux Français touchés par la crise, chiffrées à 2,6 milliards d’euros, à l’issue d’un sommet social bouleversé par la dégradation de la situation en Guadeloupe./ Thierry Masure et Isabelle Cortes, Paris

Il a également évoqué pour la première fois publiquement la crise guadeloupéenne, et la „désespérance de nos compatriotes“ d’Outre-mer à la fin d’une brève allocution télévisée dans laquelle il a rendu compte de sa rencontre avec les syndicats.

 L’exécutif vivement critiqué

Nicolas Sarkozy et le gouvernement se sont retrouvés hier en butte à de nombreuses critiques pour leur gestion de la crise en Guadeloupe, après une deuxième nuit de violences qui a causé la mort d’un syndicaliste et fait plusieurs blessés parmi les forces de l’ordre. Alors que la grève contre la vie chère paralyse l’île depuis près d’un mois, la situation a dégénéré depuis lundi, avec barrages, pillages, incendies. Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, et le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Yves Jégo, ont appelé au calme, tandis que la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a organisé une réunion „consacrée à la sécurité publique aux Antilles“, qui se tiendra désormais quotidiennement.
Mais ces initiatives ont été jugées trop tardives. „J’en appelle au président de la République afin qu’il sorte de sa tour d’ivoire“, a dit le maire (PPDG, gauche) de Pointe-à-Pitre, Jacques Bangou. En métropole, les réactions ont été tout aussi sévères. „Depuis deux ans, on ne s’est pas occupé des DOM, on ne s’est pas occupé du développement. L’Etat n’a pas rempli son rôle de contrôle des prix“, a déclaré Maartine Aubry.

Les leaders de la CGT, de la CFDT et de FO ’étaient mis d’accord pour „exiger“ que le sommet aborde la crise sociale en Guadeloupe, même si le dossier devait être traité aujourdhui par le président avec les élus des DOM. Sur ce sujet, les échanges ont été „un peu tendus“, selon Bernard Thibault (CGT). Face à la crise économique, les „mesures nouvelles“ décidées par l’Etat en faveur de „l’emploi“ et „des classes moyennes modestes“ représentent 2,6 milliards d’euros, a souligné le chef de l’Etat dans son discours conclusif. Il a appelé à emprunter „le seul chemin qui vaille contre la crise“, celui de „l’effort“, de „la justice“ et du „refus de la facilité“ et des „erreurs du passé“, lors d’une intervention télévisée à l’issue du sommet social.
La pression était forte sur le gouvernement, puisqu’une majorité de Français estiment que les mesures anti-crise ne vont pas dans le bon sens. L’enveloppe mise sur la table est d’ailleurs supérieure à la somme de 1,4 milliard évoquée le 5 février par le chef de l’Etat. Mais elle reste en-deçà des attentes des syndicats qui l’ont jugée „insuffisante“, déçus notamment de l’absence de mesures sur les salaires. Ils se sont montrés décidés au sortir de la réunion à „maintenir la pression“ sur le gouvernement, notamment par la journée d’action prévue le 19 mars.
Les syndicats souhaitent que la politique de relance par l’investissement soit complétée par un fort soutien à la consommation avec des revalorisations du pouvoir d’achat. Le patronat refuse de mettre la main au pot au motif que les entreprises, notamment petites, sont aussi victimes de la crise. Pas question non plus de négocier nationalement sur le partage des profits, a réaffirmé mercredi soir la présidente du Medef Laurence Parisot. Souvent ponctuelles et généralement ciblées sur des catégories „victimes de la crise“, les mesures immédiates annoncées s’inscrivent dans le droit fil des pistes énoncées le 5 février: pas de coup de pouce au smic ni de remise en cause du „paquet fiscal“.

Primes et bonsdachat de service

Seront supprimés les deux acomptes de l’impôt sur le revenu au titre de 2008 restant à acquitter en 2009 pour les foyers fiscaux dans la première tranche d’imposition, ce qui concernerait plus de 4 millions de ménages pour un gain moyen de 200 euros, selon le chef de l’Etat.
Les futurs chômeurs, „dont beaucoup de jeunes“, ayant travaillé seulement deux à quatre mois, pas assez pour percevoir une indemnisation chômage, toucheront une prime forfaitaire de 500 euros. Quant aux familles, une prime de 150 euros sera versée à trois millions d’entre elles percevant l’allocation de rentrée scolaire, et des „bons d’achat de services à la personne“, d’une valeur de 200 euros, à des personnes à faibles revenus.
M. Sarkozy a également annoncé la création d’un fonds d’investissement social doté de 2,5 à 3 milliards d’euros pour l’emploi et la formation. Au cours de la réunion, a également été détaillé l’„agenda social“ 2009 prévoyant des concertations ou négociations pour les semaines et mois à venir, dont le partage des profits ou l‘égalité de rémunérations hommes-femmes.

 Les syndicats jugent les mesures „insuffisantes“

Les leaders syndicaux ont appelé à „maintenir la pression“ sur le gouvernement et le patronat au sortir du sommet social dhier, jugeant „insuffisantes“ les mesures annoncées par le président Nicolas Sarkozy. Cette première réaction augure d’une deuxième journée d’action unitaire le 19 mars, dont les syndicats fixeront „le sens, le contenu, les modalités“ lors d’une réunion commune lundi prochain.
A l’inverse, le patronat a réagi de manière très mesurée, le président de la CGPME Jean-François Roubaud se félicitant que l’exécutif ait „fait attention à ne pas pénaliser les entreprises davantage, y compris les TPE et PME“.
Selon François Chérèque (CFDT), „l’action syndicale a permis une première inflexion dans la politique gouvernementale“. „Les quelques mesures annoncées aujourd’hui, en particulier pour les familles modestes, vont dans ce sens. Mais face à la situation des salariés, les mesures sont insuffisantes“. „Comme l’action syndicale commence à payer, la CFDT estime qu’il faut continuer à mettre la pression sur le gouvernement et le patronat“ pour „aller jusqu‘à un vrai changement de cap“, a-t-il ajouté.
Son homologue de la CGT Bernard Thibault a qualifié les décisions présidentielles de „série de mesures d’accompagnement social à la crise“. Rappelant que le coût des mesures avoisine 2,6 milliards d’euros, il s’est dit „bien obligé de ramener ce chiffre à la somme de 8 mds d’euros“ au bénéfice des entreprises avec la suppression annoncée de la taxe professionnelle. M. Thibault a estimé qu’il allait „falloir pousser plus fort pour changer vraiment la situation“:
Jean-Claude Mailly (FO) a relevé „quelques éléments qui bougent un peu“, sur le chômage partiel – même si „c’est encore insuffisant“ –, la formation et les allègement fiscaux. „Mais c’est beaucoup trop court“ et „nous avons essuyé une fin de non-recevoir sur le smic et les négociations salariales de branches“, a encore affirmé M. Mailly, critiquant le „refus d’un moratoire sur les 30.000 emplois publics“ dont la suppression est programmée cette année“.
Jacques Voisin (CFTC) a lui aussi jugé que si „les lignes ont un peu bougé“, „le compte n’y est pas“, notamment sur les salaires. „Il y a certes eu un effort sur les familles modestes mais c’est bien insuffisant“.
La présidente du Medef, Laurence Parisot, a „répété que sauver des emplois aujourd’hui, c’est d’abord préserver les entreprises“. Avec „les dispositifs particuliers pour le chômage partiel, la formation professionnelle, l’assurance chômage, les entreprises françaises ont mis sur la table du social un milliard et demi d’euros“, a-t-elle affirmé, se déclarant „prête à accélérer leur mise en oeuvre“.