Triple D

„La démocratie n’est pas réservée à l’homme blanc“, clamait récemment un des manifestants tunisiens. En effet! La démocratie appartient à tous les hommes, peu importe leur appartenance culturelle, leur statut social ou leur couleur de peau. Il est par conséquent plus que stupide d’affirmer que le monde arabe serait incapable de s’approprier – lui-même et par ses propres choix – une des valeurs universelles qui n’est pas, ainsi que les Occidentaux le prétendent volontiers, un modèle exportable. Tout un chacun peut être démocrate, c.-à-d. respecter des droits et libertés fondamentaux sans pour autant renoncer à ce qui est propre à sa culture.
La démocratie, ce ne sont pas que des libertés telles le droit de vote, le droit de manifester, de s’exprimer. C’est aussi et peut-être surtout disposer d’une justice indépendante et d’une presse plurielle, et c’est enfin disposer d’un potentiel de développement. Sans niveau de vie décent, sans droit au travail, sans logement, sans système éducatif, médical, social, la plus absolue liberté de parole ne vaut pas grand-chose. D’ailleurs, les Irakiens l’ont découvert à leur détriment depuis la guerre américano-bushienne.
Cet aspect, les Tunisiens et les Egyptiens l’ont bien compris. Oui, il est doux de savoir qu’on a été capable par son courage et sa volonté tenace de se débarrasser d’un dictateur ou d’un autocrate. Mais ensuite il faut reconstruire un pays, créer des structures et faire vivre – mieux – tous ceux qui étaient opprimés et exploités. Or, le passage d’un état à un autre est ce qu’on appelle une transition. Plus elle est pacifique et plus elle a de chance de porter des fruits.
De quel droit les dirigeants européens se permettent-ils de donner des conseils? Eux, qui ne se gênaient pas auparavant de courtiser leurs drôles de „clients“ et qui n’avaient rien vu venir? Comment seraient-ils subitement devenus capables d’anticiper l’avenir du Maghreb ou du Proche et Moyen Orient? Alors, de grâce, cessons de spéculer et faisons confiance à des peuples qui, en termes de civilisation, ne peuvent que nous apprendre.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

Triste Europe

En Tunisie, Barack Obama est un héros. Pour cause: avant même la pitoyable fuite de Ben Ali, il avait trouvé les mots justes en se disant „fier“ des manifestants et en qualifiant leur combat de „juste“.
Que dire de l’Union européenne et de son „génial“ traité de Lisbonne qui en a fait un corps sans tête? Qui parle en son nom? Le président du Conseil européen, le président tournant en exercice, le président de la Commission, la cheffe de la diplomatie ou les Etats membres individuellement? Une question trop difficile pour un jeu télévisé…
Seul le Parlement européen a quelque peu sauvé l’honneur de ce „machin économique“ qu’est devenue l’Union, plus préoccupée à cadrer ses citoyens par normes et directives interposées qu’à devenir ce qui fut sa vocation, une entité politique et sociale.
Pendant que deux respectables pays arabes essaient de changer leur destin, les Européens continuent de pointer du doigt l’islamisme, cette menace qui sert à tout justifier.
Ne soyons pas naïfs. Il y a un risque, évidemment, surtout en Egypte où les Frères musulmans ont un clergé, contrôlent écoles et universités, ce qui n’est pas le cas en Tunisie. Ceci étant: l’Egypte n’est pas l’Iran, lequel, soit dit au passage, n’est pas un pays arabe. Le Shah n’avait pas été chassé par le peuple car ce fut le Bazar qui initia et contrôla la révolution. Ceux qui, ainsi le Tageblatt, avaient averti à l’époque du danger que représentaient l’ayatollah Khomeiny et sa clique de mollahs ne furent pas écoutés. Déjà, Européens et Américains s’étaient trompés… Alors ne confondons pas et ne reproduisons pas de faux schémas.