Pierre Soulages dans son habit (noir) de lumière au Centre Pompidou

Pierre Soulages dans son habit (noir) de lumière au Centre Pompidou

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A près de 90 ans, l'artiste français Pierre Soulages poursuit sa quête de lumière en travaillant inlassablement la couleur noire: une vaste rétrospective au Centre Pompidou retrace 60 ans de son oeuvre et présente des peintures très récentes, souvent inédites.

Cette exposition remarquable, qui s’ouvre mercredi au public, n’impressionne pas outre mesure l’artiste, tout de noir vêtu, qui parcourt les salles à quelques heures de l’inauguration officielle par le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand lundi soir. „J’ai l’habitude. C’est ma quatrième rétrospective à Paris. Sans compter toutes celles qu’il y a eu à l’étranger“, explique-t-il à l’AFP. L’artiste a été très tôt reconnu en France comme à l’étranger. A vrai dire, Pierre Soulages n’aime pas trop le mot „rétrospective“ car, dit-il, „je n’aime pas regarder derrière moi“. „Je suis toujours en train de peindre. De grandes toiles sont en chantier. Je suis tourné vers ça. Je vis avec la peinture“, explique cet homme de haute stature qui aura 90 ans à Noël, mais paraît nettement plus jeune. L’artiste n’apprécie pas le chevalet. Il continue à peindre à plat ses grandes oeuvres.
Le Centre Pompidou, qui avait déjà organisé une exposition Soulages en 1979, présente plus d’une centaine d’oeuvres majeures, créées entre 1946 et 2009, avec pour constante la couleur noire. Dès son enfance aveyronnaise, Soulages aimait tremper ses pinceaux dans l’encre noire. Dans l’immédiate après-guerre, la peinture abstraite a la cote. Mais elle est rouge, jaune et bleue. Soulages choisit de travailler avec du brou de noix, utilisé pour teinter le bois et des brosses de peintre en bâtiment. Ce faisant, il ouvre un „espace pictural inédit pour son époque“, relève Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne et commissaire de l’exposition. Autre audace: les goudrons sur verre, qui vibrent sous la lumière. Le geste de Soulages est „construit, pensé, maîtrisé“, ajoute M. Pacquement. Les grandes toiles des années 50 à 70 témoignent du travail du peintre sur le clair-obscur. Le noir s’affirme dans un rapport à d’autres couleurs, notamment grâce à la technique du raclage. Puis c’est le basculement dans „l’outrenoir“: en 1979, alors qu’il peine sur une oeuvre entièrement recouverte de noir. Soulages réalise qu’il vient de franchir un cap. „J’étais au delà du noir, dans un autre champ mental“, raconte-t-il.
„Le pot avec lequel je peins est noir. Mais c’est la lumière, diffusée par reflets, qui importe“, explique le peintre. „Si on ne voit que du noir, c’est qu’on a le noir dans la tête“, estime-t-il. „Il faut bouger devant mes toiles, car la lumière bouge“ en fonction de l’endroit où on se trouve et cela devient un tableau un peu différent, relève-t-il.
„Je peins pour que celui qui regarde la toile se retrouve face à lui même. La lumière vient vers lui. Cette personne est dans la toile“, explique-t-il. Les grands polyptyques récents, suspendus dans l’espace, s’inscrivent dans cette démarche. Soulages n’a pas fini d’explorer cette voie. Présenté comme l’un des plus grands peintres de la scène française actuelle, Soulages refuse le qualificatif. „L’art, ce n’est pas une course cycliste“, souligne-t-il.
Peintre abstrait alors? „J’accepte les étiquettes car elles sont faites pour être déchirées“, ironise-t-il. („Pierre Soulages“, du 14 octobre au 8 mars, au Centre Pompidou, www.centrepompidou.fr). (Catalogue publié par les Editions du Centre Pompidou. 352 pages, 245 illustrations couleurs, 44,90 euros)