Théâtre„Les crabes“ de Roland Dubillard: „Cauchemar comique“ au TNL

Théâtre / „Les crabes“ de Roland Dubillard: „Cauchemar comique“ au TNL
Madame (Maria Machado) et Monsieur (Denis Lavant) dans „Les crabes“ Photo: Maya Mercer

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De retour du Festival d’Avignon où la pièce a rencontré un franc succès, „Les crabes“ de Roland Dubillard, mise en scène par Frank Hoffmann, est reprise jusqu’au 18 octobre au Théâtre national du Luxembourg. L’occasion de rire du chaos quotidien, en compagnie de la veuve de l’auteur, Maria Machado, et du comédien déjà culte, Denis Lavant. 

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? La devise des Shadoks, oiseaux jaunes, bêtes et méchants de la télé française, est non seulement contemporaine de la création de la pièce de Roland Dubillard, mais elle pourrait aussi bien en résumer l’esprit. D’ailleurs, la voix des Shadoks, Claude Piéplu, avait interprété, en 1976 au Théâtre de Luxembourg, „Les diablogues“, l’œuvre la plus connue du dramaturge français – qui serait montée également en 1987 par Marc Olinger au Théâtre ouvert du Luxembourg.

Dans „Les crabes“, présentée en France pour la première fois en novembre 1970, un jeune couple doit éponger ses dettes, mais aussi la fuite de sa baignoire à l’étage. Ils attendent à ces fins un couple plus âgé qui doit louer leur maison et un plombier qui doit la réparer. „J’ai été tout de suite conquis par la simplicité du point de départ et la complexité de ce qui se passe par après“, explique Frank Hoffmann. „Pour moi, cette pièce ressemble à la vie. Tout pourrait être si simple, mais devient compliqué. Et cette complication se transpose à l’intérieur du langage qui part dans tous les sens.“

Des têtes de file du théâtre français de l’absurde, Roland Dubillard est certainement le moins connu derrière les omniprésents Samuel Beckett et Eugène Ionesco. Pourtant, ces textes résistent mieux au temps que ceux de ces derniers. „C’est une pièce de 2023 qui parle de nous, de notre monde, au contraire peut-être d’Ionesco qu’on doit aujourd’hui couper pour rester dans l’actualité“, observe celui qui avait mis en scène „Les rhinocéros“ par le passé. C’est ce qu’a redécouvert Frank Hoffmann, après que la veuve du dramaturge l’a trouvé pour lui proposer de mettre en scène „Les crabes“ dans le cadre du centenaire de la naissance de son mari, décédé en 2011. „Elle voulait avoir une vision différente, un regard de l’extérieur. J’ai lu Dubillard il y a fort longtemps, mais je le redécouvre comme un auteur qui m’est beaucoup plus proche que je ne l’avais pensé.“

„Un hymne à la vie“

En relisant les intentions du dramaturge, Frank Hoffmann s’est notamment trouvé une parenté dans la quête de situations dramatiques. „Cela ne se sent peut-être pas à la lecture, mais en travaillant les textes, les situations dramatiques, ce qui se passe entre les personnages, ressortent. Il y a un texte farfelu, mais une situation dramatique beaucoup plus concrète qu’on ne le pense. C’est ce paradoxe qui est fascinant“, explique le dramaturge luxembourgeois. 

Chez Dubillard, „ce ne sont pas les personnages qui importent, mais la situation à travers laquelle les personnages se développent“, poursuit-il. Ce faisant, „Les crabes“ permet de revenir à la base même du théâtre. „Le spectateur assiste à une représentation; il pense entendre des mots et des messages. Cela l’intéresse plus ou moins. Mais un spectacle qui marche n’est pas fait que de mots. On ne peut pas les entendre s’ils ne sont pas prononcés dans une situation dramatique précise, autrement, l’attention du spectateur dévie tout de suite.“

La situation dramatique dans „Les crabes“ se déploie dans un jeu à deux couples ou à quatre individus, aux relations plus ou moins pacifiées et prévisibles. A côté de cela, il y a des facteurs de complication, comme la baignoire, un chien perdu, les moustiques et un énigmatique cordon, dans laquelle la langue se perd, comme pour dire la fin des certitudes. Mais c’est bien à une pièce comique qu’invite le Théâtre national du Luxembourg. Dubillard lui-même parlait de „cauchemar comique“. „C’est un hymne à la vie, au théâtre, et à la méchanceté“, entonne Frank Hoffmann. Et c’est ce que permet de mettre en avant la mise en scène. Frank Hoffmann, qui travaille sur le physique et les mouvements, y met beaucoup de déplacements et de nervosité. „Si on ne met pas un texte en mouvement, il vaut mieux le lire et se l’imaginer“, est-il d’avis. „Il faut chercher à faire cheminer le texte sur le plateau.“ 

A Avignon, „Les crabes“ a connu un franc succès. Il faut dire qu’en présentant dans le rôle du couple aîné, le comédien déjà culte Denis Lavant et la veuve du dramaturge Maria Machado, la pièce a mis tous les atouts de son côté. Frank Hoffmann s’amuse à penser qu’au Luxembourg, elle pourrait même être d’utilité publique. „C’est une réaction très ironique à la question du logement … Malheureusement, la pièce ne donne pas de réponse.“

Info

„Les crabes“, mise en scène par Frank Hoffmann, avec Denis Lavant, Maria Machado, Samuel Mercer, Nèle Lavant.
Vendredi 13 à 20 h, dimanche 15 à 17 h, mardi 17 à 20 h et mercredi 18 octobre à 20 h.
Au Théâtre national du Luxembourg, 194, route de Longwy à Luxembourg.