„Le daim“, à la folie: Une comédie grotesque et ridicule

„Le daim“, à la folie: Une comédie grotesque et ridicule

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Rencontre avec le metteur en scène Quentin Dupieux, qui signe un film décapant sur un quadra obsédé par son blouson en daim.

De notre correspondante Corinne Le Brun

Quentin Dupieux c’est la complémentarité entre deux facettes: l’aptitude à l’humour absurde et à la lucidité critique. Jugez plutôt. Des comédies décapantes du cinéaste: „Wrong“, la série „Wrong Cops“ et „Rubber“ réalisées à Hollywood. Suivies de comédies drolatiques made in France: „Réalité“ et récemment „Au poste“ avec Benoît Poelvoorde. On aura une nouvelle échappée délirante.

„Le daim“ c’est l’histoire de Georges, 44 ans, qui plaque tout du jour au lendemain pour s’acheter le blouson 100% daim de ses rêves. Un achat qui lui coûte toutes ses économies et vire à l’obsession. Cette relation de possessivité et de jalousie finira par plonger Georges dans un délire criminel … Quel plaisir de se laisser mener par le bout du nez par un conteur-né comme Quentin Dupieux!

Sous sa direction, Jean Dujardin et Adèle Haenel étincellent dans leur inexorable marche vers la folie. Projeté en ouverture de „La Quinzaine des réalisateurs“, „Le Daim“ a fait un tabac au Festival de Cannes. Rencontre avec Quentin Dupieux, l’anti conformiste.

Tageblatt: Quel est le point de départ du film?

Quentin Dupieux: Au départ, j’avais écrit ce film en anglais, il y a trois ans. A l’époque, je vivais encore à Los Angeles où j’ai vécu pendant de nombreuses années. Le but était de faire une comédie complètement grotesque et ridicule. Je l’avais écrite pour un ami, l’acteur américain Eric Wareheim. Un type grand, très fort, brûle tout son argent pour acheter une veste mais elle est trop petite pour lui. Ce concept initial était drôle mais sans doute pas suffisant pour en faire un film.

C’est pourquoi ce projet était resté en l’état dans mon ordinateur. Arrivé en France, j’ai développé l’idée de l’animal. J’avais envie de filmer un fou plutôt que de faire un film fou. Je voulais traverser cette zone de psychiatrie. Georges se parle à travers la veste.
Il veut être le seul à porter un blouson en daim. La fuite est un fantasme masculin assez important et l’obsession du mec seul dans sa chambre me fait beaucoup rire aussi. On se parle tous, tout seul à l’intérieur.

On vous connaît aussi pour votre envie de faire un film dans le film.

C’est vrai. Pour être honnête, ce n’est pas ce que je préfère dans mes films. Je n’en suis pas très fier. C’était une façon de parler de moi, une sorte de gimmick. „Réalité“ avec Alain Chabat qui est un cinéaste qui essaie de faire un film, qui cherche des producteurs. Le film ennuyeux par excellence. J’en étais conscient mais je devais le faire.

J’espère que cet aspect n’est pas trop présent dans „Le daim“. Cette fois, ce n’est pas un film dans le film. J’ai opté pour une mise en abîme. J’aimerais m’intéresser à autre chose qu’à ma caméra. Même si le personnage se met lui aussi à filmer.

Dans „Le daim“, je ne parle pas de moi aujourd’hui. Mais plutôt de ma jeunesse. Enfant, avec ma caméra vidéo, je filmais avec des copains dans la forêt pour faire un film d’horreur.

Selon quels critères avez-vous choisi Jean Dujardin et Adèle Haenel?

Des producteurs m’ont suggéré des acteurs qui m’ont dit „pourquoi pas“, „peut-être“. Quand j’ai rencontré Jean (Dujardin) j’ai su qu’il était mon frère, dès la première seconde.
Il a presque dit oui avant de lire le scénario. La relation entre nous était facile. Il a plus d’expérience que moi. Il sait si c’est possible ou pas. Pour un film comme „Le daim“, vous devez jouer pour de bonnes raisons. Pour un acteur, „est-ce que j’aime ce personnage?“, „est-ce que je crois en lui, suis-je heureux quand je suis dans sa tête?“ sont les bonnes raisons.

Clairement, nous voulions faire le même film. Adèle (Haenel) a exigé d’être aussi folle que Georges. Elle a enlevé la séduction. Elle est devenue folle dans les yeux. Elle n’a rien changé au scénario. J’ai la chance de travailler avec d’immenses comédiens. Pour ce genre de film, c’est essentiel.

On a l’impression que vous avez voulu bousiller l’image. Les couleurs sont ternes. Pourquoi ce choix?

Pour moi, le digital tue le film, surtout en ligne. Les couleurs sont affreuses. La caméra capte quelque chose de trop précis. Un film doit rester flou. Les films en 35 mm sont pleins de charme parce qu’ils sont brouillardeux. On a des réalisateurs digitaux excellents mais la plupart ne savent pas comment utiliser la caméra digitale.

Par ma femme (Joan Le Boru, direction artistique et décoration, ndlr), on a décidé de filmer dans les bruns, couleurs du bois et du daim. J’ai tordu l’aspect ultra précis du digital. En fait, j’ai fait un peu du 35 mm avec du digital. Je voulais casser les couleurs digitales.

„Le Daim“ de Quentin Dupieux. Avec Jean Dujardin, Adèle Haenel. En salle au cinéma Utopia.