Le Bolchoï à Paris avec son \“Eugène Onéguine\“ revivifié par Tcherniakov

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Le Bolchoï a ouvert samedi soir la saison 2008-2009 de l'Opéra de Paris avec sa récente production d'\"Eugène Onéguine\" de Tchaïkovski, que le metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov a revisité avec une liberté salutaire, contre la tradition, mais dans l'intérêt du drame.

 Après le Polonais Krzysztof Warlikowski, Dmitri Tcherniakov, 38 ans, est le nouvel homme de théâtre à qui le directeur de l’Opéra de Paris, le Belge Gerard Mortier, semble prêter un grand avenir: il lui a d’ailleurs confié la réalisation de „Macbeth“ de Verdi au printemps 2009 à la Bastille. Pour l’heure, le jeune homme fait ses débuts parisiens avec „Eugène Onéguine“. Le public du Palais Garnier lui a réservé un accueil chaleureux même si les huées n’ont pas manqué, comme le veut le rituel des premières sous l’ère Mortier.
Cette production du Bolchoï n’avait pas non plus fait l’unanimité lors de sa création à Moscou, en septembre 2006. La soprano russe Galina Vichnevskaïa, grande interprète du rôle de Tatiana dans la seconde moitié du XXe siècle, avait confié qu’elle aurait „honte jusqu’à la fin de (ses) jours d’avoir assisté à une profanation publique de nos reliques nationales“.
Ce type de réaction épidermique peut s’expliquer par l’importance que revêt „Eugène Onéguine“ en général pour l’opéra russe, dont il est l’un des titres emblématiques, et pour le Bolchoï en particulier. Pendant plus de soixante ans, le théâtre lyrique moscovite a conservé à son répertoire la même mise en scène, créée en 1944 dans une esthétique grandiose qui était devenue, avec le temps, datée voire figée. Tcherniakov a donné un coup de balai dans les usages de la maison, mais sans trahir les intentions du compositeur, qui voulait faire de ces „scènes lyriques“, créées en 1879 par des étudiants du Conservatoire de Moscou, un théâtre psychologique et plutôt intimiste. Certes, dans cette relecture du livret, Lenski n’est pas tué dans un duel avec Onéguine, qui aurait pu paraître anachronique puisque nous sommes manifestement à l’heure de l’électricité, mais victime d’un homicide involontaire. De même, ici, les couplets de Monsieur Triquet sont chantés par Lenski, qui fait le bouffon faute d’être pris au sérieux. Mais peu importe: dans son décor quasi unique (une salle de séjour, puis de palais, avec toujours une grande table ovale) qui souligne l’impression de huis clos, c’est bien „Eugène Onéguine“ que raconte Tcherniakov sous des éclairages variés et des lumières „naturelles“ somptueuses. L’histoire de Tatiana, âme esseulée parmi les ricaneurs, rongée par un amour sans retour (Onéguine, d’abord, la snobe) puis sans lendemain (il l’aime, mais elle est mariée). Le directeur musical du théâtre moscovite, Alexandre Vedernikov, officie dans la fosse de Garnier: au diapason de la scène, il dirige un Orchestre du Bolchoï sans graisse, nuancé et aussi précis que la direction d’acteurs. Les chanteurs semblent investis corps et âme dans le spectacle, à l’image de la Tatiana de… Tatiana Monogarova, dont la „scène de la lettre“ émeut avant que ses rêves ne se brisent, à l’instar de ces vitres que l’on entend opportunément voler en éclats. Le Palais Garnier accueillera jusqu’au 11 septembre cinq autres représentations de ce spectacle qui bénéficiera en outre de diffusions par la télévision russe Kultura en direct le 10 septembre, puis sur la chaîne franco-allemande Arte le 10 novembre.