Angoulême 2009: la bande dessinée inquiète pour sa santé

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La bande dessinée, dont le grand rendez-vous annuel se tient jusqu'à dimanche à Angoulême, ne s'est jamais aussi bien portée économiquement.

Mais, selon la plupart des professionnels, le secteur est aujourd’hui en surproduction et la bulle BD risque d’éclater. Depuis l’an 2000, le nombre d’albums publiés en France et dans l’espace francophone européen a été multiplié par trois, passant de 1.500 à 4.700 titres en 2008.
Les super-héros génèrent des super-profits et, avec 350 millions d’euros l’an dernier, la BD représente désormais 6,5% du chiffre d’affaires global de l’édition. Jusqu’à présent, le secteur, synonyme de divertissement, résiste même mieux au ralentissement économique que le reste de l’édition. Chaque mois, 300 à 400 nouveautés BD arrivent dans les librairies spécialisées, dont environ un tiers de mangas. Un flot ininterrompu, dans lequel les libraires et les lecteurs ont de plus en plus de mal à se retrouver. „Ca surcharge les libraires qui n’ont plus le temps de faire leur boulot, qui est de lire les bouquins et de les conseiller“, estime Philippe Ostermann, directeur éditorial de Dargaud. „A un moment, dit-il, la machine à cracher du bouquin va arrêter de sortir des livres qui ne sont plus lus“. Si les éditeurs de BD traditionnels, comme Dargaud, Dupuis ou Le Lombard, maintiennent une production stable (de 100 à 140 titres par an pour Dargaud), la production globale n’en finit pas de grimper (+10% en 2008) avec la multiplication des maisons d’édition. „Je ne veux absolument pas qu’on entre dans cette surproduction totalement meurtrière, souligne Philippe Ostermann. C’est perturbant pour le lecteur. Aujourd’hui, il est impossible de se tenir au courant de tout ce qui parait“. Albums insuffisamment travaillés, séries interrompues faute de lecteurs, imitations des succès du moment, l’augmentation du nombre d’albums se fait souvent au détriment de la qualité. Avec pour conséquence que de plus en plus de lecteurs se tournent vers „les titres refuges“, les best-sellers très médiatisés, plutôt que vers les nouveaux auteurs. L’écart se creuse entre les séries vedettes — comme „XIII“ ou „Largo Winch“ — tirées à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et le peloton des ventes moyennes qui, selon l’Association des critiques de bandes dessinées (ACBD), se situent autour de 6.000 exemplaires par album. „Toute une frange d’auteurs qui vivaient correctement avec des tirages autour de 10.000 exemplaires est désormais en difficultés“, constate Benoît Mouchart, le directeur artistique du Festival d’Angoulême. Quelque 250 maisons d’édition ont publié de la BD en 2008 en France. Mais s’il est plus facile de se faire éditer qu’il y a une dizaine d’années, il est aussi plus difficile pour les auteurs de vivre de leur métier. Ceux qui voient leurs revenus baisser ont tendance à augmenter leur production en publiant dans plusieurs maisons d’édition. „On ne peut pas assurer un travail efficace en tant qu’éditeur si un auteur se ballade de maison d’édition en maison d’édition“, constate Didier Borg, responsable de la collection KSTR chez Casterman. En dix ans, la bande dessinée s’est professionnalisée, avec de nombreux auteurs formés à la BD dans les écoles d’art et de l’image, mais elle s’est aussi industrialisée, au détriment de la créativité.