FranceMenacé de mort, le proviseur d’un lycée parisien démissionne

France / Menacé de mort, le proviseur d’un lycée parisien démissionne
D.g.à d.: le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, le premier ministre français, Gabriel Attal, la ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles, Sarah El Haïry, et Nicole Belloubet, ministre de l’Education Photo: AFP/Pool/Thomas Samson

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Le proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel a été poussé à la démission par la multiplication des menaces de mort anonymes dont il faisait l’objet depuis de longues semaines, pour avoir rappelé au respect du règlement trois élèves qui s’étaient présentées en cours arborant le voile islamique, a-t-on appris hier. Cette affaire fait grand bruit dans la sphère politique, mais aussi parmi les chefs d’établissement et les enseignants, qui ne se sentent plus en sécurité.

L’Education nationale française, qui se débat déjà dans des difficultés structurelles (et notamment budgétaires) dont elle ne voit pas venir la fin, n’avait vraiment pas besoin de cette nouvelle crise, après plusieurs attaques contre des enseignants menées par des intégristes islamistes, dont deux se sont soldées par des assassinats.

Mardi, les lycéens, leurs parents et leurs enseignants ont reçu un message de la direction de l’établissement, indiquant que le proviseur avait „quitté ses fonctions pour des raisons de sécurité.“ Ce que devait confirmer le rectorat de Paris, lequel préfère cependant évoquer prudemment „un départ anticipé à la retraite“, en raison de „convenances personnelles au vu des événements qui ont marqué ces dernières semaines“. Formulation évidemment plus rassurante que celle qui aurait consisté à reconnaître que le proviseur de Maurice-Ravel cherchait à sauver sa vie …

La vérité, telle qu’elle émerge des déclarations des collègues du proviseur, est que depuis le 28 février, ce dernier était visé par des menaces de mort à répétition pour avoir demandé à trois élèves de retirer leur voile coranique au sein de l’établissement, conformément à la loi sur la laïcité. Furieuse, l’une d’entre elles avait affirmé avoir été frappée par le proviseur, et avait même porté plainte, avant de se rétracter quelques jours plus tard.

La ministre de l’Education nationale, Nicole Belloubet, s’était rendue sur les lieux il y a peu, pour assurer le proviseur du lycée du complet soutien de son ministère, et des forces de l’ordre ont été déployées dans l’établissement. Mais rien n’y a fait: les menaces de mort ont continué, et leur cible a préféré démissionner. Hier matin, le premier ministre, Gabriel Attal, a déclaré qu’il allait recevoir prochainement le proviseur de Maurice-Ravel, en compagnie de Mme Belloubet.

„Nous sommes en train de céder“

„Ma professeure principale avait peur, elle nous a dit que c’était grave, et que ça pouvait déraper. Clairement, elle faisait référence à Samuel Paty“, enseignant décapité en pleine rue par un islamiste en 2020 à Conflans-Saint-Honorine, explique une élève dans Le Figaro. Et un autre d’ajouter: „Il vaut mieux qu’il s’en aille de toute façon, il y avait trop de choses qui circulaient sur les réseaux sociaux.“ Mais un professeur constate, amer: „On a quand même un proviseur qui doit quitter ses fonctions parce qu’il est menacé de mort, et le rectorat nous demande de ne pas faire de vagues! Ce n’est pas tenable. Cette démission prouve que nous sommes en train de céder.“

Ce souci des autorités, non pas certes de ne pas reconnaître la gravité des faits dans ces différentes affaires, mais du moins d’éviter de leur donner la moindre publicité, est en tout cas perçu par ceux qui se sentent menacés par les islamistes, non seulement dans leur activité d’enseignants, mais désormais dans leur vie même, au mieux comme une forme d’aveuglement, au pire comme une lâcheté; avec, dans l’un ou l’autre cas, de redoutables conséquences potentielles.

Et comme si cela ne suffisait encore pas, dans plus d’une centaine de lycées et collèges, les alertes à la bombe, elles aussi anonymes bien sûr, se sont multipliées ces derniers jours. Sans doute est-on là, dans bien des cas, en présence de mauvais plaisants plus que de terroristes. Les recherches, aussitôt entreprises par les services de déminage de la police et de la gendarmerie, n’ont heureusement abouti, jusqu’à présent, qu’à constater que ces alertes étaient fausses. Mais tout cela contribue à installer dans les établissements, au fonctionnement quotidien ainsi perturbé, un climat moral détestable, pour ne pas parler de psychose. Et cela tant chez les enfants que chez leurs parents et leurs enseignants.