Montag3. November 2025

Demaart De Maart

Débat budgétaire en FranceLa „taxe Zucman“ évacuée: Lecornu fait des concessions à la gauche

Débat budgétaire en France / La „taxe Zucman“ évacuée: Lecornu fait des concessions à la gauche
2.000 amendements restent à évacuer à l’Assemblée nationale pendant le débat budgétaire  Photo: AFP/Stéphane de Sakutin

Le débat sur le projet de budget 2026 à l’Assemblée nationale a pris un tel tour qu’il semble de moins en moins certain que l’ensemble de la procédure puisse aboutir à la date fatidique du 31 décembre, pourtant fixée par la Constitution. Cependant, la journée de vendredi a permis, fût-ce dans le tumulte, de déblayer le terrain miné de la discussion parlementaire sur plusieurs points. Mais quelque 2.000 amendements restent à examiner …

Le plus important de ces points, le plus attendu et le plus symbolique, était celui de la fameuse et controversée „taxe Zucman“ prévoyant une ponction de 2% sur les capitaux des titulaires d’une fortune de plus de cent millions d’euros, ou au moins, après une certaine correction de tir qui avait conduit au projet de „taxe Zucman 2“, dite aussi „light“, un prélèvement annuel de 3% sur les fortunes supérieures à dix millions d’euros mais en en excluant les capitaux investis dans les entreprises et les structures productives familiales.

La gauche y était favorable, tout particulièrement le PS qui en avait fait un de ses chevaux de bataille budgétaires, mais avait fini par ne plus trop s’attendre à voir ce dispositif adopté par une Assemblée où les adversaires du projet, d’après différents pointages, étaient devenus majoritaires, comme évidemment les milieux concernés. Lesquels allaient jusqu’à affirmer que cette taxation porterait un coup très rude, voire fatal, à une industrie française déjà plutôt mal en point. Et cela sans pour autant apporter une aide significative à l’effort de redressement des finances publiques voulu par le gouvernement pur faire face à l’endettement abyssal de la France.

Sans surprise donc, les deux dispositifs, celui d’origine et celui qui était (relativement) allégé, ont été repoussés par les députés, cependant que nombre d’entre eux ne prenaient pas part au vote. Les dirigeants socialistes, autrement dit le premier secrétaire du parti, Olivier Faure, et le président du groupe au Palais-Bourbon, Boris Vallaud, ne pouvaient que s’incliner, le premier avec plus d’élégance verbale que le second. L’un et l’autre ne cachaient pas, cependant, que pour éviter la censure, le premier ministre Sébastien Lecornu serait bien avisé de leur accorder en échange quelques concessions sur différents aspects du projet de loi de finances. Alors que, s’indigne M. Vallaud, „il n’y a pas eu, depuis que nous sommes dans cet hémicycle, le moindre compromis“.

Sentant qu’il était urgent pour lui d’afficher à nouveau sa volonté de dialogue avec la gauche, le chef du gouvernement devait, à l’improviste, inviter à déjeuner les deux hommes à Matignon, pour faire le point. Sans qu’il en soit ressorti grand-chose, pouvait-on d’abord estimer. Même si cette concertation déjeunatoire devait aussitôt valoir aux socialistes d’un côté, au premier ministre de l’autre, les accusations croisées des deux partis extrémistes : le RN à droite, qui allait reprocher à M. Lecornu de ne s’intéresser qu’au PS, et La France Insoumise à gauche, pour qui „le PS a décidément changé s’alliance“. Au passage, le premier ministre avait aussi donné son feu vert à un amendement du rapporteur LR du budget, Philippe Juvin, réduisant l’assiette de la taxe sur les sociétés holdings, ce qui devait permettre aux Républicains de célébrer „une victoire contre la folie fiscale“.

Un retour de la „lutte des classes“?

En fait, dans la suite du débat, le chef du gouvernement allait montrer à la gauche qu’il prenait en compte certaines de ses demandes. Notamment en annonçant que le gouvernement serait, au moment de l’examen du volet „dépenses“ du budget, favorable aux amendements visant à dégeler les pensions de retraite et les minima sociaux, deux mesures que la gauche jugeait exaspérantes et fort préjudiciables aux titulaires de petits revenus – étant entendu cependant que le financement de ce geste en leur faveur n’est pas encore précisé.

Dans la soirée enfin, l’amendement suspendant la réforme des retraites allait être adopté en commission, ce qui devrait en quelque sorte le „verrouiller“, quel que soit l’issue globale du débat budgétaire. Les socialistes y tenaient, et s’en réjouissent; mais les écologistes se sont abstenus, et surtout les élus mélenchonistes, pourtant si radicalement hostiles à cette réforme, ont voté contre sa suspension, qu’ils estiment être „une pantalonnade“. Et peu après, l’Assemblée a adopté un nouvel „impôt sur la fortune improductive“ (en gros, les biens immobiliers qui ne servent à rien, les yachts de luxe, les avions privés ou certaines assurances-vie). Et cela grâce à un inattendu mélange de voix du MoDem centriste, du PS et du RN.

Après une dizaine de jours de discussion budgétaire, trois leçons semblent en tout cas se dégager. La première est que malgré l’absence de majorité et la très vive tension entre la droite de gouvernement et le centre d’un côté, la gauche de l’autre, le tout sous le regard tantôt ironique et tantôt calculateur du RN, le dialogue reste parfois possible, et même susceptible de déboucher, à l’occasion, sur des arrangements. Ce qui pourrait être perçu, après tout, comme un (encore timide) progrès du parlementarisme …

La deuxième est que le débat ressuscite aussi, alors qu’on semblait l’avoir abandonné, le concept de lutte des classes entre – caricature pour caricature – une gauche qui ne recule pas devant les discours misérabilistes, et une droite qui prend souvent le risque de défendre „les riches“. Troisième leçon, enfin: si bien remplie qu’ait été la fin de la semaine, la conclusion du marathon budgétaire n’est vraiment pas pour demain. De sorte que l’hypothèse d’une promulgation du budget par une „loi spéciale“ pourrait bien, au fil des semaines, se confirmer – et pourrait difficilement, pour le coup, confirmer un retour en grâce du parlementarisme.