ExpositionDe nouvelles têtes: Edward Steichen et les autres au Nationalmusée um Fëschmaart

Exposition / De nouvelles têtes: Edward Steichen et les autres au Nationalmusée um Fëschmaart
Une photo prise par l’Américain Bruce Davidson en 1963, chargé de faire un essai photographique sur Edward Steichen et sa jeune épouse, Joanna Taub, alors âgée de 30 ans Photo: Editpress/Julien Garroy

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Le Nationalmusée um Fëschmaart présente sa nouvelle section d’art moderne et contemporain qui fait dialoguer les artistes et les écoles classés par thématiques. À l’étage supérieur, ce sont les nouvelles acquisitions de la collection du musée dédiée à Edward Steichen qui se donnent à voir.

Depuis plusieurs années, le Nationalmusée um Fëschmaart accroît constamment sa collection consacrée au photographe natif du Luxembourg, Edward Steichen, en vue du 150ᵉ anniversaire de sa naissance, en 2029. Ces grandes expositions rétrospectives se préparent longtemps à l’avance. Alors le musée prospecte dans les ventes et chez les marchands, de quoi compléter sa collection de 178 photos léguées en 1985 par l’épouse du photographe et les 44 vues cédées quelques années plus tard par la ville de Luxembourg. Il répond aussi volontiers aux opportunités qui s’offrent à lui, le musée étant identifié comme l’un des collectionneurs potentiels du travail du natif de Boevange. Au total, depuis l’automne 2022, 42 œuvres du photographe et 49 images d’autres photographes le représentant sont venus compléter la collection.

L’exposition „From aeral views to pink suit“ – titre qui traduit bien l’ensemble hétérogène qui nous est offert –, nous en donne un aperçu. Elle nous conte en quelque sorte les différentes manières qui existent pour un musée de nourrir une collection. L’histoire sans doute la plus intéressante est celle de Robert Elfstrom. Le cinéaste, auteur d’un documentaire légendaire sur Johnny Cash („The man in black“) tourné en 1969, était aussi le voisin d’Edward Steichen, à Redding, dans le Connecticut. Il l’a pris en photo peu de temps avant sa mort (en 1973) dans sa maison cossue. Il en avait conservé 36 négatifs qu’il n’avait jamais développés et qu’il a redécouverts au moment de faire du tri. Il les a proposés au musée qui les a acquis et imprimés. Et c’est donc la première fois que les photos sont visibles.  

C’est auprès d’un marchand de photographies à Monterey que le musée a acquis six tirages originaux et six planches contact avec 137 cadres réalisés par le photographe du magazine Vogue Bruce Davidson. Sa première mission fut de réaliser un essai photographique sur Edward Steichen. On y voit notamment un portrait de Steichen posant dans son salon près d’une imposante sculpture de son grand ami Brancusi.

On rencontre aussi des photos inattendues, d’autant plus inattendues dans le cas de vues aériennes qui n’étaient pas destinées au musée. Il s’agit de photos aériennes de champs de bataille de la Première Guerre mondiale qu’Edward Steichen a prises en tant que chef de la section de photographie des forces expéditionnaires américaines, pas loin de son pays natal. Ces vues font partie des 40 œuvres de la période entre 1902 et 1936 rachetées, en voisins, par le musée à la galerie Clairefontaine.

En route vers la diversité

​De fil en aiguille, le musée peut annoncer fièrement être l’institution publique au monde à posséder la plus vaste collection concernant Edward Steichen. Il en existe des privées qui sont mieux dotées. Il y a un lien, plutôt ténu, autre que celui qu’elles font toutes deux une large part au XXe siècle, entre les deux nouvelles expositions inaugurées par le musée. C’est le fait qu’elles montrent de nombreuses nouvelles acquisitions. À l’étage inférieur, le taux de nouveautés n’est pas aussi élevé, mais la nouvelle exposition permanente vaut tout autant le détour. Il s’agit du nouvel accrochage d’art moderne et d’art contemporain en lieu et place de l’ancien qui, au même endroit, avait été mis à la réserve pour rénover les espaces. 

Les deux commissaires d’exposition, qui sont aussi les deux membres du département Fine arts du musée, Lis Hausemer et Ruud Priem, étaient d’autant plus libres pour repenser les lieux qu’ils n’ont jamais connu cet espace avant rénovation. Ils ont préféré une approche thématique (formes, couleurs, chaos, portraits, nature) à une exposition chronologique qui aurait repris les catégories d’une histoire de l’art classique, pour mieux adapter les œuvres à l’espace. C’est un florilège d’artistes nationaux et internationaux, dont les œuvres entrent en dialogue, qui nous est donné à voir. Ce dialogue permet de souligner l’influence des courants artistiques extérieurs au Luxembourg. Les commissaires suivront le même fil quand ils vont réorganiser la section d’art luxembourgeois, préviennent-ils. Les choix sont souvent audacieux, comme cette photo d’Erwing Olaf, dont un enfant tend le doigt en direction de son aîné, l’enfant représenté par Owe Zerge dans „Bertil“ en 1925. 

Le musée innove aussi en présentant cinq films. On est ainsi accueillis par une vidéo de l’artiste luxembourgeoise Su Mei Tse, qui filme le façonnage d’une poterie pour ce qui offre un moment hypnotique de méditation. „On voit ça plutôt au Casino ou au Mudam. C’est un statement“, soulignait Ruud Priem lors de la visite de presse. On peut aussi y voir une compensation dans le fait que les artistes masculins sont très (trop) largement représentés dans cette exposition. C’est le reflet de l’histoire des musées et de l’histoire du Nationalmusée. Et ce dernier est aussi soucieux, comme beaucoup d’autres, de féminiser sa collection, nous dit-on.

Il n’y a pas que dans le médium choisi que le musée tient d’ailleurs tête au Mudam. Il y a aussi dans l’ouverture à d’autres récits. Ces nouvelles pièces „enrichissent les multiples récits que nous cherchons à tisser à travers notre collection d’art moderne et contemporain, tout en reflétant la société multiculturelle et diversifiée d’aujourd’hui“, avance le musée. Il en est ainsi du portrait de William Nii Nortsy (par Frantz von Matsch). Une célèbre agence de vente aux enchères le proposait à la vente sous le titre de „Portrait d’un homme“. Mais il ne s’agissait pas d’un homme comme les autres, mais du prince du peuple Ga d’Osu dans la région du Grand Accra au Ghana, recruté par un impresario européen pour être exhibé avec son peuple en Europe et portraituré en 1897. Acheté en 2021, le tableau n’était pas encore disponible quand le musée a réalisé son exposition mémorable sur le colonialisme, dont un chapitre s’intéressait justement aux zoos humains.

„Il n’y a pas besoin de grandes connaissances, mais d’être ouvert pour voir“, déclarait Ruud Priem au sujet de cette exposition baptisée „Collections/Revelations“ et conçue pour un large public. Dans cette „exploration ludique et associative“, les plus connaisseurs pourront se délecter des associations d’idées, de la scénographie, mais aussi se plonger dans de nombreuses curiosités que constituent les œuvres exposées considérées les unes indépendamment des autres.

Infos

L’exposition „Collections/Revelations“ est visible jusqu’au 26 mars 2026. L’exposition „From aeral views to pink suit – A fresh perspective on Edward Steichen“ est visible pour sa part jusqu’au 16 juin 2024.

Être ouvert pour voir …
Être ouvert pour voir … Photo: Editpress/Julien Garroy
 Photo: Editpress/Julien Garroy