Le droit ou la morale?

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Le dossier LuxLeaks devant les juges de Metz.

Von Jean-Pierre Cour

Dans l’affaire LuxLeaks,une procédure a été lancée hier à Metz pour annuler une ordonnance mettant en cause les lanceurs d’alerte.

Deux jours avant que la Cour de cassation luxembourgeoise prononce son arrêt dans le procès intenté aux lanceurs d’alerte du scandale LuxLeaks, le journaliste Edouard Perrin assignait PricewaterhouseCoopers (PwC) afin de demander la rétractation de l’ordonnance ayant permis à l’entreprise de confirmer les liens existant entre Raphaël Halet (qui travaillait à l’époque pour PwC) et le journaliste Edouard Perrin qui avait réalisé un reportage sur France2 dans l’émission „Cash Investigation“. Ce reportage traitait d’optimisation et d’évasion fiscale en mettant directement en cause PwC Luxembourg qui est en charge d’un réseau d’entreprises spécialisées dans des missions d’audit, d’expertise comptable et de conseil à destination des entreprises.

Instrumentalisation de la justice

Cette audience avait donc pour but d’annuler l’Ordonnance de novembre 2014 à la demande de PwC Luxembourg qui avait permis et autorisé de fouiller l’ordinateur de Raphaël Halet pour démontrer que c’était lui l’un des informateurs d’Edouard Perrin.

Ce dernier argumentant que cette fouille „musclée“ et en présence de dirigeants de PwC portait directement atteinte au secret des sources des journalistes sans motif légitime. Le procureur, C. Mercuri, assurant lui-même qu’il soutenait et approuvait la demande d’annulation de cette Ordonnance.

La juge qui à l’époque avait signé cette ordonnance avouait même devant les caméras qu’elle ne la signerait plus aujourd’hui au vu de l’instrumentation judiciaire faite par PwC.

De fait, en se basant sur l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme et sur la législation française sur la presse, il semble qu’ici l’investigation demandée par PwC via la justice luxembourgeoise contre Edouard Perrin ne soit pas légitime. De fait, et selon le procureur lui-même, la demande faite par PwC via les instances du Grand-Duché, l’entreprise luxembourgeoise aurait été au-delà de ses droits légitimes en fouillant dans l’ordinateur du journaliste les mails échangés entre ce dernier et Raphaël Halet. La justice française étant ce qu’elle est, il n’est pas absolument certain que cette Ordonnance soit retoquée. En effet, cette dernière ne pourra être annulée que si des „éléments nouveaux apparaissent dont le juge de l’époque n’était pas au courant“.

C’est d’ailleurs ce que rappelait à Metz le juge après 2h30 de plaidoiries de part et d’autre. Mais cette démarche déstabilisera certainement les attendus de la Cour de cassation luxembourgeoise qui prononce sont arrêt ce jeudi. En effet, si la rétractation de l’Ordonnance est prononcée, différentes pièces de la procédure ne pourront être produites. Concernant la démarche entamée ici par le journaliste Edouard Perrin, ce dernier explique qu’il ne veut plus que ce genre de procédure soit à nouveau utilisé pour débusquer un journaliste et aussi afin de préserver le secret des sources.

Justice transfrontalière ou pas?

Du côté des avocats du journaliste, la perquisition d’un Etat étranger chez un journaliste lanceur d’alerte est inadmissible. C’est une instrumentalisation, par une entreprise multinationale, de la justice luxembourgeoise et française. „Ce qui se joue là“, explique Fiodor Rilov, l’avocat de Perrin, „c’est le travail des journalistes et leur capacité à enquêter.“

Il ajoute: „PwC organise donc ici une justice privée et privatise de fait le fisc, la justice et l’Etat luxembourgeois.“ De son côté, les avocats de PwC argumentent qu’en Europe, il est normal que l’institution judiciaire honore les décisions d’un pays voisin. PwC se devant de protéger les éléments et les informations confiées par ses clients et qu’en pratiquant ces fouilles, PwC ne cherchait qu’à connaître l’étendue des documents indument en possession du journaliste.

Les avocats de PwC, après avoir d’abord demandé le renvoi de l’affaire à une date ultérieure, proposaient au juge de se dessaisir de l’affaire et de confier l’instruction à une juridiction collégiale.

A l’entrée, comme à la sortie, un rassemblement citoyen d’une soixantaine de personnes était là en soutien au journaliste. La chose était organisée par le PCF, Attac France, Anticor, la CGT, NPA, la Fédération paysanne, les Droits de l’Homme et Basta. Le délibéré sera rendu à Metz le 6 février prochain.

Un rassemblement de soutien a eu lieu hier devant le Tribunal de Metz