„Ekinox“ le 26 marsRumelange ville de rêve

„Ekinox“ le 26 mars / Rumelange ville de rêve

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Porté par le Centre dramatique national, Nest, de Thionville, le projet „Ekinox“ propose spectacles, conférences, soins et cuisine sur le thème du sommeil. A Rumelange pour l’équinoxe de printemps et à Aumetz pour celui d’automne.

La vie professionnelle d’un côté, la vie privée de l’autre. Des frontières qu’on franchit sans plus s’en émouvoir.  Un développement urbain qui intègre ces habitudes. Le mouvement transfrontalier fait partie désormais du décor, au point où il intègre même le nom d’institutions culturelles comme c’est le cas du NEST de Thionville. Mais pour la directrice en poste depuis 2020 de „ce centre dramatique national transfrontalier“, Alexandra Tobelaim, ces allers-retours quotidiens sont une découverte stimulante. Dans sa ville de Nice, de tels échanges quotidiens avec l’Italie toute proche, sont bien moins fréquents. Alors en réfléchissant à la participation du NEST à Esch 2022, elle s’est demandée comment explorer artistiquement ces liens. Et elle en est venue à l’idée que le sommeil et les rêves devaient en être la matière.

Programme

Toute la journée de 14 à 20 h:

– Conférences de trente minutes sur les questions liées au sommeil
– Grand marché des artisans du sommeil
– Installation photographique „Les Dormeurs“, installation sonore „Nocturnes“ par la compagnie l’Insomnante
– Performances dans la rue et en appartement
– Spectacle jeune public (6+) dans une yourte: „La vie rêvée de celle qui ne voulait pas dormir“
– Ateliers et initiations sur la relaxation, la respiration, le yoga
Cinéma: programmation dédiée au sommeil, de Michel Gondry à Emir Kusturica
– à 18.30 h: grand repas de rêves sur la place Grande-Duchesse Charlotte
– à 20 h: „Deblozay“, spectacle musical nocturne en déambulation de la compagnie Rara Woulib: „Des ombres et tambours“
Détails: www.nest-theatre.fr

Au départ de la réflexion, il y a la situation du NEST à Thionville. Son théâtre en bois sera bientôt rasé; pour renaître dans un quartier flambant neuf, qui devrait permettre à terme à la ville mosellane d’accueillir 20.000 nouveaux habitants qui, dans leur grande majorité, iront gagner leur pain quotidien au Luxembourg. „Cela m’a beaucoup interpelée sur ce qu’est une ville qui se remplit en journée de gens qui ne viennent que pour travailler et ce qu’est une ville où les gens ne viennent que pour dormir. De fil en aiguille, le sommeil s’est logiquement imposé comme zone frontière de ces deux moments“, explique la directrice. Pour laisser au sommeil toute la place qui lui revient, il fut ensuite décidé de faire des spectacles au moment des deux équinoxes, ces jours où la nuit est l’égale du jour.

Pour remplir le concept, et en cela fidèle à son approche de metteuse en scène, Alexandra Tobelaim voulait des spectacles qui s’inscrivent dans l’espace public. C’est ainsi avec la frontière entre les pays; mais aussi entre celle qui sépare les habitués des lieux de culture des non-initiés qu’Ekinox joue. L’idée est de transformer une ville en théâtre à ciel ouvert pour partager un moment de rencontre, de culture, de poésie et d’art dans un contexte différent. Il fallait pour cela que les deux communes retenues soient de taille moyenne, et ne soient pas trop gâtées en programmes de la capitale européenne de la culture. Les coups de cœur survenus lors de visites de part et d’autre de la frontière qui sépare les différentes communes participant à Esch2022, ont permis de retenir deux communes; Rumelange pour l’Ekinox de printemps s’installera ce 26 mars, et Aumetz pour celui d’automne.

Artisans, cuisiniers, anthropologues …

La foire accueillera aussi bien des artisans, que des cuisiniers, des anthropologues que des artistes pour un programme très varié qui réinvestit différents lieux de la ville de Rumelange. Le visiteur peut se faire masser dans la mairie transformée en centre de soin, suivre la conférence d’un anthropologue dédiée au sommeil, acheter du linge de lit, regarder un film tandis que ses enfants sont pris en charge pour visionner un spectacle, et avant d’aller manger sur la place Grande-Duchesse Charlotte sur laquelle sera installée une immense cuisine. 

A vrai dire, le projet Ekinox commence dès ce 21 mars, dans une zone définie comme mobile qui tente d’accaparer un peu de l’attention habituellement dissipée par les frontaliers dans les trajets domicile-travail. Au début, il était envisagé de détourner de leur téléphone portable les regards des usagers du train entre Thionville et Luxembourg en leur offrant des spectacles sous forme de tableaux à scruter à travers la fenêtre. Mais, les essais ont révélé que l’idée n’était pas si pertinente en raison de la vitesse à laquelle passe le train. Et les mirages se sont transformés en interférences. Certes, des dormeurs accueilleront les passagers en gare. Mais c’est le long des routes et notamment aux ronds-points jadis occupés par les gilets jaunes que se déplace le projet. Posées sur des banderoles, des questions en relation avec le sommeil apostropheront les automobilistes, les feront sourire ou réfléchir. A raison d’une question posée le matin et une autre le soir, durant cinq jours, en différents endroits entre Thionville et Bettembourg ainsi qu’entre Thionville et Rumelange, ce sont au total 140 interrogations qui apparaîtront dans le paysage avant de gagner peu à peu les rues de Rumelange. 

La semaine du 21 au 26 sera aussi celle d’une collecte de la matière nocturne préférée des artistes: le rêve. Elle se poursuivra également durant la foire du sommeil de Rumelange. Le matériau onirique sera ensuite traité de différentes manières pour nourrir la programmation de la foire des rêves à Aumetz lors de l’Ekinox d’automne. Ils serviront de base d’écriture à un auteur embarqué dans le projet. Y seront aussi réorchestrées et chantées des berceuses. Mais, pour le reste, rien n’est écrit. Car les artistes adoptent une démarche d’anthropologue, à l’écoute du public. „On a des envies, on a des points fixes, mais on ne sait pas encore comment ça va avoir lieu. Il y a un bivouac envisagé cet été dans la forêt. Mais il est en fait encore en devenir“, explique la porteuse du projet.

Il est inutile dans ces conditions d’essayer d’en savoir plus sur les années à venir, durant lesquelles le NEST de Thionville aimerait d’autant plus poursuivre l’aventure que derrière ce fil conducteur universel se cache aussi une question de santé qui intéresse tout le monde. „Ce qui nous intéresse aussi et qu’on n’avait pas bien mesuré, c’est ce qui touche à la santé“, explique en effet Alexandra Tobelaim. „Cela nous semble intéressant de poursuivre ces questionnements-là, car cela fait rentrer dans l’histoire d’autres corps de métier que les endroits artistiques. Et c’est un sujet qui se situe au cœur de nos vies aujourd’hui.“

Parmi les projets qui se tiendront durant la foire du sommeil à Rumelange, il y a celui porté par Sophie Langevin. La metteuse en scène de la pièce de théâtre documentaireLes frontalières“ en 2021 avait entraperçu dans cette œuvre l’importance du thème pour les premières concernées. „Je ne leur demandais pas comment elles dormaient. Aujourd’hui, si je rencontrais des frontalières, je leur poserais cette question. Mais la très grande majorité des femmes que j’avais interviewées, se couchent à 22.30 h le soir et cela leur importait beaucoup, car la plupart se réveillent à 5.30 h.“ A Rumelange, la comédienne présentera „L’appartement qui ne dort pas“ qu’elle a pu développer au sein d’un „labo“ créé pour le projet. „Je suis passée par une parole intime pour toucher les gens dans cette question universelle – et de montrer comment se passent les nuits des insomniaques.“   

Dans „Les frontalières“, Sophie Langevin avait aussi constaté à quel point les populations frontalières et résidentes ne se mélangeaient que très peu. Ce sera aussi l’objectif d’Ekinox. Alexandra Tobelaim cite en modèle un projet qui a commencé dès la fin du mois de juin, porté par la compagnie Rara Woulib qui a travaillé avec une classe d’un lycée de Thionville et une classe d’Esch, dont les élèves vont se retrouver le 26 pour travailler et intervenir ensemble, autour de la cuisine et de l’anthropologie des rêves.