Pour faire adopter par les députés ce texte que, malgré un premier examen devant la commission des lois, la gauche rejettait globalement, le gouvernement avait besoin des voix des Républicains; mais avant même d’en arriver là, il lui aurait fallu surmonter l’épreuve de cette motion de rejet déposée par les écologistes, et qui l’a donc finalement emporté au terme d’un court psychodrame au Palais-Bourbon.
En ouvrant la séance, le ministre de l’Intérieur avait d’ailleurs évoqué la question de ce possible refus de toute discussion de son projet: „Débattre et légiférer sur l’intégration et l’immigration, c’est répondre à la demande forte, légitime et répétée de nos concitoyens“, avait-il déclaré. Avant d’ajouter: „Ne pas parler d’immigration aujourd’hui, refuser le débat, c’est refuser ce que demandent les Français. Qui a peur du débat? En tout cas, pas la majorité présidentielle! Mais plutôt ceux qui, dans une alliance contre nature, prétendent se mettre d’accord pour que les Français ne voient pas les choses avancer, et pour désarmer nos policiers et gendarmes.“
Les élus lepénistes ayant annoncé, à l’issue de l’intervention de M. Darmanin, qu’ils voteraient en faveur de la motion de rejet, le sort de la discussion, sinon encore celui du projet gouvernemental lui-même, restait donc entre les seules mains des Républicains. Or, outre M. Ciotti, le président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix allait lui aussi appeler ses collègues à voter cette motion de rejet, après une réunion des élus républicains. Le suspense n’était pourtant pas clos pour autant, car on savait que plusieurs des élus de la droite modérée ne suivraient pas cette consigne.
Le gouvernement n’est pas renversé, mais …
Le scrutin allait donc se jouer à quelques voix de gauche et de droite susceptibles de ne pas écarter complètement le débat, outre que la plupart des vingt membres du petit groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) avaient indiqué qu’il acceptaient, eux, que le débat eût lieu. Le verdict sera finalement à l’image de cette incertitude des fiévreux décomptes des uns et des autres: serré. Mais il l’a transformée en certitude incontournable: l’Assemblée nationale a adopté, par 270 voix contre 265, cette motion de rejet préalable tant redoutée par le gouvernement, et le débat s’est donc aussitôt arrêté.
Il ne s’agit pas d’une motion de censure: c’est simplement – mais en réalité, la chose n’a rien de simple pour l’exécutif – le rejet du principe même d’un débat. La censure aurait imposé la chute du gouvernement; ce dernier peut parfaitement rester en fonction après qu’une majorité de députés a refusé d’examiner son texte. Il dispose même de quelques (très modestes et imparfaites) portes de sortie de la crise parlementaire ainsi ouverte.
Par exemple, il peut, après avoir renvoyé le texte au Sénat, demander la création d’une „commission mixte paritaire“, composée de sept élus de chacune des deux chambres, pour tenter de trouver un compromis. Il peut aussi engager sa responsabilité au moyen du fameux article 49-3 de la Constitution, article dont il a usé et abusé depuis qu’il a perdu la majorité à l’Assemblée; mais au risque de voir, cette fois-ci, une motion de censure l’emporter. Il peut, enfin, tenter de trouver, de préférence en consultant l’opposition, un nouveau dispositif qui satisfasse une partie de cette dernière, à gauche ou plus vraisemblablement à droite.
Mais de toute façon, cette déconvenue considérable du pouvoir – fût-ce, paradoxalement, sur un sujet où il n’est pas exclu qu’il ait le soutien d’une bonne partie de l’opinion – vient illustrer, de manière plus spectaculaire que jamais, combien la tâche qu’il s’est assignée, celle de gouverner coûte que coûte sans majorité parlementaire, qui ressemblait déjà à une gageure, s’apparente de plus en plus, désormais, à une mission impossible.
De Maart
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