La double question qui hante ces jours-ci tant les milieux officiels que l’opposition pourrait se résumer ainsi: Que veut exactement faire Emmanuel Macron de son second (et constitutionnellement dernier) quinquennat, et que pourra-t-il réellement en faire dans le schéma politique actuel? Elu une première fois sur un programme résolument réformateur en 2017, puis réélu dans des conditions plus ambiguës en juin dernier, le chef de l’Etat est pour l’instant crédité sur ce front d’un bilan assez mince.
Il peut certes invoquer en défense une accumulation de difficultés dont toutes ne lui étaient évidemment pas imputables, comme la pandémie de Covid puis l’agression russe contre l’Ukraine, avec sa kyrielle de conséquences économiques. Outre des difficultés qu’il n’a pas vraiment contribué à résoudre, ou dont il a pris conscience trop tard, mais qui venaient de plus loin que son accession à l’Elysée. Ainsi du malaise social ayant entraîné la crise des Gilets jaunes, ou de la longue négligence des pouvoirs successifs vis-à-vis de l’entretien du parc nucléaire, qui met aujourd’hui la France face au risque de manquer d’électricité cet hiver.
Mais enfin, il est clair que le président de la République veut maintenant embrayer sur un certain nombre de ces réformes auxquelles il avait attaché son nom, et son crédit, et qu’il a estimées à plusieurs reprises devoir reporter, à commencer par celle du système des retraites. Le problème étant que ce qui lui paraissait déjà trop risqué politiquement durant son premier quinquennat, alors qu’il disposait d’une solide majorité parlementaire, risque de se révéler encore beaucoup plus difficile à faire passer au Parlement maintenant.
Quelle stratégie parlementaire?
Les interrogations gouvernementales portent actuellement sur deux points. Le premier est de savoir quel mécanisme choisir pour sauver le financement des retraites, qui semble acquis pour 2023 encore mais très menacé au-delà: une augmentation des cotisations, une réduction des pensions, où un allongement de la période de travail? C’est à priori sur cette dernière option que travaille actuellement l’exécutif, soit en remontant l’âge de la retraite (de 62 ans actuellement jusqu’à 63 ou 64, voire 65), soit en allongeant la période de cotisation; système qui aurait le mérite de tenir compte de l’âge d’arrivée dans le monde du travail.
Deuxième interrogation du pouvoir: une fois que sera arrêté le choix de fond, quelle stratégie parlementaire faire adopter le plan gouvernemental? Ce pourrait être par un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale débattu cet automne; mais l’hypothèse semble moins probable que celle qui consisterait à recourir à l’article 49-3 de la Constitution, qui permet au gouvernement, en engageant sa responsabilité sur un texte, de le tenir pour adopté si aucune motion de censure n’est alors votée contre lui.
On voit mal en effet la droite mêler ses suffrages à ceux de la gauche, de l’extrême gauche et de l’extrême droite en faveur d’un projet de censure visant à renverser le gouvernement sur un texte tendant à restaurer l’équilibre du système des retraites. Mais ce possible passage en force suscite un tollé chez les syndicats, où l’on prédit que M. Macron aboutirait ainsi à „mettre le pays dans la rue“, et aussi un certain embarras dans ce qu’il reste de la majorité présidentielle, un peu pour la même raison.
„Tout de suite, vraiment?“
Il est un autre projet gouvernemental – indépendamment de celui, plus philosophique que politique, qui porte sur la légalisation du suicide assisté pour les malades en fin de vie – qui risque lui aussi de perturber fortement la rentrée parlementaire du mois prochain, avec de fortes conséquences sur le climat social: celui qui concerne les conditions d’attribution des allocations de chômage.
Le gouvernement a constaté que dans certains cas, le régime de ces allocations fait qu’il peut se révéler plus avantageux de les toucher en restant chez soi que de renouer avec l’emploi salarié, surtout si l’on tient compte de tous les frais que ce dernier engendre: transport, déjeuner à l’extérieur, garde d’enfants … En outre, les chiffres montrant que plus d’un million d’offres d’emploi ne trouvent toujours pas preneurs depuis des mois alimentent le discours officiel – et, bien sûr, la polémique, sur le thème: Plutôt que de diminuer les allocations, augmentons les salaires!
Là aussi, la Macronie peut se sentir assez mal à l’aise. Beaucoup estiment dans l’entourage du chef de l’Etat que même s’il a raison sur le fond, de telles réformes, dans le climat économique et social actuel, ne sont pas opportunes, surtout avec les possibles restrictions énergétiques et les nouvelles hausses de prix qui s’annoncent, dans le secteur alimentaire en particulier. Réformer, entend-on dire, „oui bien sûr; mais tout de suite, vraiment?“. A quoi l’Elysée répond que l’on n’a déjà que trop dû attendre, et que – récente formule de M. Macron devant des journalistes – „si l’on cherche l’unanimité, on ne réforme jamais rien“.
D’aucuns relèvent en outre que l’opposition, pour sa part, ne va pas si bien. Le RN se débat actuellement dans une dette bancaire abyssale, le PS se divise sur son inféodation à Jean-Luc Mélenchon, lequel doit lui-même gérer une affaire de violences conjugales impliquant son probable dauphin Adrien Quatennens, cependant que le PR est plongé dans une campagne interne fratricide pour la présidence du parti. Mais on ne saurait dire que ces difficultés ponctuelles des uns et des autres offrent à Emmanuel Macron, en cette rentrée, le boulevard qui lui permettrait de devenir enfin le président réformateur qu’il prétendait être.
 
		    		 De Maart
                    De Maart
                 
                               
                           
                           
                           
                           
                           
                          
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