Comment continuer à mener une guerre contre les groupes djihadistes dans un pays dont les dirigeants – certes putschistes, et mis au ban de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), mais qui semblent tenir une bonne partie du terrain d’une poigne de fer – sont désormais ouvertement hostiles au principe même de cette assistance? Et préfèrent, de surcroît, se jeter dans les bras de mercenaires russes en principe privés, mais qui n’ont rien à refuser au Kremlin, ceux du „groupe Wagner“, venus par centaines appuyer la dictature militaire de Bamako?
C’est à cette redoutable question que se trouve désormais confrontée la France. Sans doute l’expulsion de son ambassadeur ne fait-elle pas à Paris l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Très vite après le deuxième coup d’État militaire à Bamako, celui du 24 mai 2021, le ton était en effet monté entre les deux pays. Mais il ne s’agissait encore que de crispations, même si, formellement, la France avait suspendu sa coopération militaire avec le Mali.
C’est en fait la déclaration des putschistes, voici un peu plus d’un mois, selon laquelle ils entendaient bien rester au pouvoir sans contrôle et repousser à cinq nouvelles années l’organisation d’élections, qui a sonné le glas des espoirs français de parvenir à maintenir vaille que vaille l’essentiel du dispositif Barkhane au Mali. D’autant plus que Bamako n’a pas tardé à accuser Paris d’être derrière les sanctions économiques et financières de la Cédéao. Et à organiser des manifestations de plus en plus ouvertement tournées contre la France et les autres Européens, tout en exaltant au contraire „l’aide“ et „l’amitié“ accordées par la Russie.
Que faire maintenant, donc? Les troupes françaises avaient déjà évacué, comme prévu avec les autorités maliennes, trois de leurs bases au Mali: celle de Kidane, Tessalit et Tombouctou. Et depuis la suspension de la coopération militaire bilatérale, en juin dernier, les opérations militaires menées dans le cadre de Barkhane contre les groupes terroristes n’étaient plus conjointes.
Le problème russe
Il n’empêche: les autorités maliennes, manifestement incapables de se substituer seules à la traque française des terroristes islamistes, vont-elles maintenant s’y opposer, politiquement et matériellement? Le problème est que le Mali joue un rôle géographiquement important dans cette lutte, en particulier avec la „zone des trois frontières“ qui le relie au Burkina Faso, lui aussi d’un commerce militaro-diplomatique délicat ces temps derniers, et le Niger.
D’autant plus que l’état-major de l’Etat islamique, lui, veut ignorer les frontières inter-africaines, tout à son projet d’établissement d’un immense califat au Sahel. Un projet dont Paris juge étonnant que Bamako n’en mesure pas le danger pour son propre compte, mais qui est aussi perçu, en Europe occidentale et singulièrement en France, comme un voisinage potentiel redoutable.
A quoi s’ajoute ce qu’il faut bien appeler le problème russe. Le „groupe Wagner“ semble prêt à tout pour s’ancrer non seulement au Mali, mais sans doute demain dans l’ensemble de la zone sahélienne. Et cela avec des moyens que la France peine encore à évaluer précisément, mais qui pourraient bien se révéler considérables, en matériel militaire comme en crédits. Et là aussi, la menace ne concerne pas que le Mali, surtout dans le climat résolument offensif qui règne actuellement à Moscou, comme en témoigne la crise ukrainienne …
C’est dans ce contexte si complexe que la France et ses partenaires européens de la force Takuba, qui compte environ 800 hommes (dont moins de la moitié sont français), se sont donné quinze jours pour évaluer la situation, et voir ce qui pourrait encore être fait. Sachant qu’un retrait pur et simple prendrait l’allure d’une terrible défaite.
De Maart
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können