FranceEntre le gouvernement et l’intersyndicale, le bras de fer sur les retraites continue

France / Entre le gouvernement et l’intersyndicale, le bras de fer sur les retraites continue
Manifestation à Paris contre la réforme des retraites  Photo: Lewis Joly/AP/dpa

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Au lendemain de la nouvelle journée d’action des syndicats contre la réforme des retraites, qui a rassemblé au moins autant de manifestants que lors de celle du 31 janvier, tant à Paris (86.000) que sur l’ensemble de la France (près d’1,3 million) mais moins de grévistes, certaines actions ont été reconduites hier, tandis que d’autres étaient annoncées pour samedi et mercredi prochains.

Et maintenant, que faire? Du côté du pouvoir, tout en prenant acte du fait que la mobilisation contre la réforme ne faiblit décidément pas, comme l’ont montré les manifestations d’hier, on est vaguement soulagé, sans pouvoir le dire, de constater qu’après trois semaines de mobilisation intense, la protestation, à défaut de se réduire comme on l’espérait à Matignon comme à l’Elysée, ne progresse plus, à très peu près, et régresse même un peu du côté des grèves. Pour autant, il n’est sans doute pas un ministre ou un conseiller présidentiel qui s’aventurerait à penser que, comme on dit, le plus dur est fait …

Car du côté des syndicats, même si l’on a pu être secrètement déçu de ne pas avoir fait hier significativement mieux que les fois précédentes, en dépit de certaines proclamations, on observe que l’on dispose d’un socle de contestataires qui ne s’érode pas. Et cela dans un contexte où l’opinion publique ne semble aucunement manifester pour l’instant la lassitude qu’escomptait l’exécutif à l’égard des grèves et des blocages.

Deux bonnes raisons pour maintenir la pression sur le gouvernement. Sans doute avec de nouveaux cortèges, mais surtout avec des arrêts de travail particulièrement vitaux comme dans les transports publics et routiers, et, sans doute plus que tout, les raffineries et leur système de distribution des carburants, ainsi que dans les centrales électro-nucléaires, deux secteurs de toute façon pilotés par des fédérations autonomes de la CGT passant pour plus radicales que les autorités confédérales, et notamment le secrétaire général Philippe Martinez.

Le „silence du président“

Les dates des samedi 11 et mercredi 15 mars ont d’ores et déjà été fixées pour les prochaines journées d’action, mais sans attendre, un certain nombre de conflits ponctuels vont se poursuivre d’ici là, même si, à la SNCF et dans les transports parisiens notamment, une encore très partielle reprise du travail s’est amorcée hier et devrait se poursuivre aujourd’hui.

Sur un front plus directement politique de la gestion du conflit, les syndicats ont dénoncé „le silence du président de la République“ qui, font-ils valoir, „pose désormais un problème démocratique“, et ont demandé à être reçus à l’Elysée. Ce à quoi Matignon, et non la présidence, a répondu par la voix de la première ministre Elisabeth Borne que la porte du ministre en charge de la réforme, Olivier Dussopt, leur restait „grande ouverte“ …

Mais visiblement, il n’y a aucun empressement à renouer le fil des négociations qui avaient (mal) précédé la présentation officielle du projet gouvernemental, le 10 janvier dernier. Car le pouvoir compte manifestement sur le vote de son texte, d’ici au 26 mars au plus tard, pour mettre les syndicats devant le fait accompli. Lequel ne changerait sans doute pas grand-chose à la résolution de la plupart d’entre eux, mais pourrait conduire la CFDT, dont le secrétaire général Laurent Berger s’est toujours voulu très légaliste, à s’incliner malgré sa conviction.

Un grand désabusement

Cela dit, si le texte n’était pas voté à cette date, le gouvernement aurait toujours la possibilité, en vertu de l’article 47-1 de la Constitution, de le promulguer par ordonnances. Mais sur un plan psycho-politique, cela serait probablement pour lui la pire des solutions … et délivrerait les „légalistes“ comme Laurent Berger de tout scrupule. Tout comme son passage en force grâce à l’article 49-3 qui avait d’abord été envisagé en cas de refus de l’Assemblée nationale. Une hypothèse peu probable, quoique point totalement exclue, si se poursuit, et à plus forte raison s’amplifie, la fronde d’une petite partie des députés macronistes et des élus LR.

Mais au-delà de cette crise précise, la France ne fera sans doute pas l’économie de l’examen d’un phénomène plus vaste et plus profond: même chez nombre de salariés qui ne sont ni précaires, ni sous-payés, ni victimes d’horaires pénibles, on constate une sorte de grand désabusement à l’égard de leur travail. Et le slogan qui avait fait florès durant les événements de Mai-68, „Ne pas perdre sa vie à la gagner“, refleurit. C’est sans doute, à terme, non seulement la grille des salaires, mais aussi l’ensemble des rapports du travail, passablement archaïques, y compris dans leur dimension humaine, qu’il faudra repenser en France.