La Belgique, un pays divisé et de moins en moins gouvernable

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La nouvelle crise politique en Belgique, née de la démission du Premier ministre Yves Leterme et de l'impossibilité de lui trouver rapidement un successeur, renforce l'image d'un royaume rendu quasi-ingouvernable par les lignes de fracture qui le traversent.

 „Les responsables politiques d’aujourd’hui manquent peut-être de talent et d’un peu d’expérience, mais leur plus gros handicap, c’est qu’ils n’ont plus de pays à diriger“, explique mardi De Standaard, le journal de référence en Belgique néerlandophone. „Leur pays s’est, dans les faits, divisé en deux pays évoluant totalement indépendamment l’un de l’autre. Mais il leur faut tout de même former un gouvernement. C’est pratiquement impossible“, explique le quotidien. Aux divisions anciennes, qui opposent Flamands (60% de la population) et francophones (40%), catholiques et laïques ou encore socialistes et libéraux, est venue se greffer, au milieu des années 1990, l’instauration d’un système fédéral dit „d’Union“, dont les effets centrifuges se font pleinement sentir aujourd’hui.
„A l’époque, il y avait une volonté commune de créer deux communautés certes plus autonomes mais appelées à coopérer. Le problème, c’est que l’on a depuis lors beaucoup négligé l’aspect +union+ de ce fédéralisme“, explique le politologue Pierre Vercauteren. Non seulement les populations ne partagent plus les mêmes références culturelles, mais les dirigeants ne connaissent plus leurs homologues de l’autre côté de la frontière linguistique. La séparation des élites s’est renforcée depuis la scission dans les années 1970 des trois „familles“ politiques traditionnelles – chrétienne, socialiste et libérale – en partis flamands et francophones, entièrement autonomes et ne s’adressant plus qu’à l’électorat de leur région. Ce contexte explique qu’un homme comme Yves Leterme, au charisme limité mais à l’image de „bon gestionnaire“, a pu devenir très populaire en Flandre sans jamais réussir à convaincre dans le sud francophone du pays. La défiance reste aussi de mise parce que les revendications de la Flandre pour une plus large autonomie n’ont pas avancé durant les neufs mois du gouvernement Leterme. Ces demandes inassouvies, qui risquent à tout moment de ressurgir et favorisent les populistes dans les sondages, n’incitent pas à la modération les formations traditionnelles. Faute de trouver un candidat consensuel pour succéder à Yves Leterme, le roi Albert II a dû appeler à la rescousse lundi soir Wilfried Martens, inamovible chef du gouvernement des années 1980. Ce chrétien-démocrate flamand de 72 ans a été chargé de mener des pourparlers „exploratoire“ en vue de la formation d’un nouveau gouvernement, qui pourrait être confié à un autre vétéran, Jean-Luc Dehaene. Sa tâche est un casse-tête. Aux rivalités traditionnelles entre communautés linguistiques, s’ajoutent des querelles idéologiques et de personnes entre les partis à l’intérieur de chaque communauté, voire au sein de chaque formation. De ce fait, les libéraux francophone Didier Reynders, et flamand Guy Verhofstadt, un temps cité pour succéder à Leterme, ont été recalés. Il doit en outre faire face à un climat pré-électoral du fait de la proximité dans six mois des élections régionales, qui pousse à la surenchère et aiguise les appétits. Pour Pierre Vercauteren, l’avenir de Belgique dépendra „de la capacité de créer un nouveau système fédéral équilibré, prévoyant des compétences accrues pour les régions mais aussi établissant de nouveaux liens“ entre les communautés linguistiques.
„Mais quand on voit que certains, notamment en Flandre, examinent uniquement comment on pourrait vivre séparément, cela ne pousse pas à l’optimisme“, souligne le politologue.