ÉDITORIAL: Entre apparence et réalité

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La future élection présidentielle française ne préoccupe pas que les éléphants et les lionceaux du PS. / Danièle Fonck

Elle est au centre de l’action de Nicolas Sarkozy, un homme qui, peu à peu, façonne la Constitution à son image et sait plus que tout autre utiliser à son profit le régime républicain à connotation monarchique inventé par le général de Gaulle.
Le remaniement ministériel en profondeur de cette semaine l’illustre parfaitement. A presque mi-parcours de son mandat, le président maintient à son poste un premier ministre qui a accepté d’être une sorte de directeur de cabinet en chef, grand coordinateur de l’action élyséenne, discret et effacé, calme face aux tempêtes, (apparemment) indifférent aux tempêtes qui ébranlent périodiquement le château.
François Fillon exécute les ordres, accepte aux postes-clés les hommes du président (Woerth, Hortefeux, Devedjian, Lellouche, Besson, Kouchner, Borloo), fait avec celles qui se sont rendues incontournables (Lagarde, Alliot-Marie) et accepte que soient pénalisés, voire remerciés ceux et celles tombés en disgrâce (Rama Yade, Laporte, Boutin, Morano, Jégo, …)
En dépit de son discours sur l’ouverture, l’Elysée contrôle ce qui doit l’être par le biais d’hommes de confiance, amis ou soutiens infaillibles. Les autres doivent être considérés comme étant des outils de communication, voire des actes de revanche.
Quand le président de la République débauche le plus proche ami du président du MoDem (cela en dit long sur l’amitié en politique), c’est pour nuire à celui qui a fait acte de lèse-majesté, François Bayrou.
Et quand il s’offre un Mitterrand comme une Rolex, c’est bel et bien „au nom de …“ comme titrait le journal Le Monde.

Et pourtant!

Frédéric Mitterrand n’a jamais été socialiste. Il a, en revanche, soutenu à fond son oncle François Mitterrand en 1981. Et s’il a appelé à voter Chirac, ce fut peut-être avant et surtout pour nuire à Jospin auquel il n’a jamais pardonné le fameux „droit d’inventaire“.
Frédéric l’artiste, le romancier, le réalisateur, connaissait peu ou prou Sarkozy et n’a pas plaidé en sa faveur en 2007. En revanche, ce romantique adepte des dynasties et des grandes familles a fréquenté les Bruni-Tedeschi. Ce n’est pas par hasard qu’il a salué comme sa „bienfaitrice“ Madame Bruni mère après sa nomination à la célébrissime villa Médicis à Rome. Poste qui aurait pu lui convenir, mais ne convint pas à cet amoureux de Paris.
Nicolas Sarkozy a, et ce n’est pas la première fois, fait un beau coup grâce à une de ses épouses, en l’occurrence Carla Bruni. Il faut avouer qu’un Mitterrand à la culture, a de quoi faire pâlir de rage même un Jack Lang!
Cela dit: le successeur de Christine Albanel (qui pourtant n’avait pas démérité) n’aura que des dossiers délicats à résoudre. A commencer par la loi Hadopi sur le téléchargement qui a été contrecarrée une première fois à l’Assemblée avant d’être finalement retoquée par le Conseil constitutionnel.
Il y aura ensuite pour celui qui est par ailleurs ministre de la Communication, le dossier des nominations des PDG de France Télévision, un sujet qui exigera beaucoup de doigté de la part d’un esprit libre comme „Fred“, à plusieurs reprises victime lui-même du bon vouloir politique par le passé.
Enfin, Frédéric Mitterrand héritera du complexe dossier de l’Agence France Presse que l’Elysée contrôlerait volontiers de bout en bout sans d’ailleurs mettre à sa disposition les moyens financiers que requiert une agence de renom de ce type.
Or, la survie, mieux le rayonnement accru, de l’AFP sont une nécessité absolue. Le Tageblatt, premier abonné luxembourgeois à l’Agence France Presse quand elle s’appelait encore l’Agence Louis Havas, est bien placé pour le savoir. Le regard français porté sur les conflits au Moyen-Orient par exemple ou encore en Iran fut précieux quand d’autres agences internationales n’étaient plus que les porte-voix de leur pays d’origine. Ainsi, lors de l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeini et de la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran, il n’y eut bientôt plus que l’AFP pour informer avec une certaine distance.
Préserver la qualité de cette institution de presse, qualité qui va de pair avec une liberté d’expression absolue, fait partie des défis qui attendent le nouveau ministre.
Au risque de déplaire au prince.
Et ce, alors que celui qui vit surtout dans la nostalgie aime tant les princes et leurs princesses …

dfonck @tageblatt.lu