Théâtre„Trahisons“ de Harold Pinter au TOL: la pièce à remonter le temps

Théâtre / „Trahisons“ de Harold Pinter au TOL: la pièce à remonter le temps
Pauline Collet (Emma) et Jean-Thomas Bouillaguet (Jerry) Photo: Bohumil Kostohryz

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Véronique Fauconnet met en scène „Trahisons“ de Harold Pinter, une pièce créée en 1978 qui remonte une décennie à rebrousse-poil pour éclairer les non-dits qui minent une bourgeoisie infidèle.

„Betrayal“ (traduit par „Trahisons“) est réputée la pièce la plus personnelle et la plus accessible du répertoire du dramaturge britannique Harold Pinter. Il l’écrit en 1978, dix ans après la fin d’une relation adultérine avec une journaliste de la BBC dont il s’inspire. Il reprend le dispositif du vaudeville, une relation à trois entre l’épouse, Emma, le mari, Robert et l’amant, Jerry. L’épouse de l’amant, Judith, qu’on imagine tout aussi infidèle que les trois autres, est présente dans les discours, mais pas sur scène. Mais surtout, Harold Pinter introduit un mécanisme diabolique qui fait tout l’intérêt de sa pièce, qui se transforme, par son intercession, en un exercice de style dramaturgique pour l’auteur et de gymnastique intellectuelle pour le public. Harold Pinter décide de raconter l’histoire à l’envers, de 1977 à 1968, ce qui a fait dire à Michael Cabot, metteur en scène du London Classic Theatre, que la structure de cette pièce fait penser à „un serpent qui perd sa peau“. Elle commence lorsque les deux anciens amants, Emma et Jerry, séparés depuis deux ans, se retrouvent. Emma sonde les sentiments de Jerry. Il faut dire qu’elle a découvert, c’est ce qu’elle apprend à Jerry, que Robert lui- même l’avait trahie pendant des années. Elle admet aussi qu’elle a tout dit à Robert de leur relation adultérine à eux, au grand désespoir de celui qui se prétend son meilleur ami.

Archéologie de l’adultère

Emma n’a pas précisé à Jerry quand elle a révélé leurs infidélités. Dans la deuxième de neuf scènes, Jerry apprendra – ou plutôt, on découvre qu’il avait appris plus tôt – de son ami Robert que cela fait déjà quatre ans qu’il sait tout et qu’il faut y voir la raison de la fin de leurs parties de squash, que Robert remportait tout le temps. Le procédé se déploie tout au long de la pièce de 80 minutes, où on ne cesse de découvrir ce qui a conduit à l’échec et au mensonge, en passant par des fausses pistes (comme l’enfant d’Emma et Robert que Jerry a lancé en l’air, geste dont l’importance s’avère secondaire).

C’est en fait une archéologie de l’adultère qui est proposée. Couche après couche, on remonte vers ce moment où l’histoire d’amour entre les deux amants commence. Elle débute dans l’ivresse de Jerry, un personnage bedonnant qui préfère le confort à l’engagement, qui finalement n’aura jamais fait que fuir les conséquences de son acte. Lorsqu’Emma demande à ce chasseur de têtes littéraire, s’il y a de l’amour entre eux, ce chasseur de têtes littéraire répond: „Je ne pense pas qu’on ne s’aime pas.“ Robert, l’éditeur, attaché à son corps et plus sûr de sa force, qu’il utilise contre sa femme dans des moments où il a des „démangeaisons“ (ce qui rappelle au plus tard que les violences domestiques traversent tous les milieux), se révèle le plus manipulateur. C’est la femme qui a le beau rôle, qui tient la barre de la franchise et de l’amour dans cet univers de faux-semblants. C’est en tout cas ainsi que le trio d’acteurs – Pauline Collet (Emma), Jean-Thomas Bouillaguet (Jerry) et Steve Brudey Nelson (Robert) – nous donne à sentir les personnages.

Dans son adaptation, Véronique Fauconnet a opté pour une mise en scène minimaliste qui sied bien au TOL – avec deux meubles bas et des stores installés en quinconce, que les comédiens remontent ou redescendent entre chaque scène pour transformer l’espace. Les lumières chaudes et la musique des années 70 (majoritairement jazz) restituent un peu de la chaleur qui étreint les corps. Les trois personnages trinquent tout au long de la pièce, sans que cela pour autant ne facilite une communication claire. „Trahisons“ interroge peut-être aussi à sa manière sur la boisson. Et la puissante norme sociale qu’elle forme dans le milieu de la culture. À découvrir.

Infos

Au TOL, 143, rue de Thionville à Luxembourg. Mercredi 13 mars (20 h), jeudi 14 mars (complet), vendredi 15 mars (20 h), samedi 16 mars (20 h), dimanche 17 mars (17 h), mercredi 20 mars (20 h), vendredi 22 mars (complet)