5. Dezember 2025 - 13.57 Uhr
En concertPiano star: Sofiane Pamart se produit ce week-end à la Rockhal
Sofiane Pamart se forme loin des circuits traditionnels de la musique classique. Né en 1990 dans une famille modeste de la banlieue lilloise, il débute le piano à sept ans au conservatoire pour en ressortir à 23 ans médaillé d’or. Adolescent, il navigue entre deux mondes musicaux: d’un côté l’enseignement académique du piano, de l’autre le rap – Chopin et Dr. Dre, grosso modo. Au début des années 2010, alors que les formes populaires du classique sont représentées par les compositeurs de musiques de films ou les pianistes du néo-classicisme, comme Ennio Morricone ou Ludovico Einaudi, Pamart propose une alternative hybride, sinon une voie au milieu. A l’image d’un Morricone classique et pop, il veut créer des oeuvres qui touchent le plus de monde possible; il faut imaginer des pogos doux qui suivent le rythme de ses doigts sur les notes.
Rupture avec les codes
Il rompt alors avec les codes élitistes du piano classique et s’implique dans le rap, d’abord au sein d’un groupe, puis en tant que musicien chez les rappeurs français. Il collabore avec Scylla, Vald ou Kery James – ce dernier s’est surnommé depuis longtemps „Kery James le mélancolique“ donc le piano au spleen lui va très bien. Fondée sur un jeu expressif et une palette harmonique élaborée, sa contribution apporte une densité au genre; dans le rap français, le piano est surtout samplé, comme sur la „Ligne II“ de Sat L’Artificier et ses amis, qui échantillonne „Il était une fois nous deux“ de Joe Dassin.
Au fil de sa notoriété, Pamart développe un style éloigné de la sobriété conventionnelle du classique concert classique, avec ses lunettes rondes teintées de nuit et ses grillz en or; ce positionnement clinquant-élégant lui vaut d’être désigné en 2018 „ Nouveau visage du luxe“ et de collaborer avec plusieurs marques, Cartier, Dior, Louis Vuitton.
L’ensemble, oui, est cinématographique: chaque morceau fonctionne comme une séquence autonome, entre le lyrisme romantique et des harmonies assez jazzy
Et puis il explore de nouveaux territoires de représentation … En 2021, il est le premier à donner un récital sous les aurores boréales de Laponie; en 2023, il célèbre les mille ans du Mont-Saint-Michel par un concert; en moins d’une minute top chrono les billets s’écoulent. Sans oublier les grandes scènes: en novembre 2022, Pamart devient le premier pianiste soliste à jouer à l’Accor Arena à guichets fermés dès sa première tournée; en 2024, son piano et lui sont à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris aux côtés de Juliette Armanet. Installé à Los Angeles, il figure la même année parmi les trois artistes classiques les plus écoutés en streaming au monde. Pfiou.
Classique moderne
La trajectoire de Sofiane Pamart se reflète dans une oeuvre qui se tient à la croisée des esthétiques. Son premier disque solo, „Planet“ (2019), définit les contours d’un monde narratif qui tourne comme un vinyle. Chaque titre porte le nom d’un lieu (Paris, Sicile, La Havane …) inspiré par ses voyages ou non, réels ou fantasmés; les endroits qu’il n’a jamais visités, comme l’Alaska, donnent vie à des compositions construites autour d’une identité imaginaire; il en va de même pour qui l’écoute; s’il est difficile de savoir où il est, Sofiane est partout.
L’ensemble, oui, est cinématographique: chaque morceau fonctionne comme une séquence autonome, entre le lyrisme romantique et des harmonies assez jazzy; par-delà Morricone, on songe à d’autres compositeurs de bandes originales transalpins, comme Stelvio Cipriani ou les deux Piero, Piccioni et Umiliani. Voyages, voyages, la suite: conçu pendant ses déplacements en Asie, „Letter“ (2022) prend la forme d’une lettre musicale dédiée à son public; à travers une suite de pièces courtes, il y formule sa reconnaissance et son affection – les titres sont parlants: „Love“, „Solitude“, „Forever“ – à la façon des dédicaces dans les compact disques de rap qui s’étalaient sur une page du livret en petite taille de police d’écriture.
Privilégier l’expressivité sur la technicité
Son écriture à lui est dépouillée, elle se passe de virtuosité démonstrative, mais elle repose sur une construction riche, influencée par Debussy et Chopin, on y revient; il y a aussi du Satie chez lui. Certains lui reprochent d’être „commercial“, le terme qui n’a plus aucun sens en 2025, si tant est qu’il en ait eu un jour; on parle de „Clayderman en mode bad boy“, d’accord, sauf que sa démarche repose sur un principe clair: privilégier l’expressivité sur la technicité. Il ne se repose pas non plus sur ses lauriers de „King du piano“, comme le prouve son album „Noche“ (2023), enregistré pendant une tournée en Amérique latine; Pamart y introduit des éléments rythmiques issus de la musique hispanique, avec des titres cette fois en espagnol, „Corazón“, „Luna“, des noms que le monde entier comprend, et la participation du saxophoniste Ferdi, qui confère une autre teinte jazz caliente, au sens sensuelle et chaleureuse.
Et la transposition sur scène? A l’Olympia comme dans des lieux patrimoniaux en plein air, ses concerts sont pensés comme des dispositifs immersifs où les éclairages et les décors prolongent, bien sûr, la musique: il s’agit d’en mettre plein la vue comme il en met plein les oreilles. Bref, avec cette approche, Sofiane Pamart opère une synthèse: rendre le piano classique accessible sans la facilité, combiner exigence musicale et portée populaire, comme c’est le cas pour d’autres genres, si le piano en est un, de genre, à lui tout seul; avec Sofiane, le piano est une star; et avec le piano, Sofiane en est aussi une.
De Maart
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