LuxFilmFestLe charme discret des Tokyoïtes: „Aristocrats“ („Ano Ko wa Kizoku“) de Yukiko Sode

LuxFilmFest / Le charme discret des Tokyoïtes: „Aristocrats“ („Ano Ko wa Kizoku“) de Yukiko Sode
 (C) D.R.

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„Aristocrats“ suit le parcours de deux jeunes femmes issues de milieux très différents: il y a d’un côté Hanako (Kadowaki Mugi), la privilégiée, issue de l’élite, de l’aristocratie japonaise. Une jeune femme délicate, toujours bien mise, vêtue de tailleurs de marques, colliers de perles, petit sac à main. Discrète, polie, parfaitement élevée, elle respire les codes de la haute société dont elle est issue.

Elle qui n’a jamais quitté la bulle du quartier de Shoto se trouve contrainte de fuir lorsqu’on la convie dans un restaurant populaire, tant elle est choquée par les tablées bruyantes où l’on boit des pichets de bières dans une atmosphère enfumée et où la propreté laisse à désirer.

Son univers à elle est composé de salons privatifs au Parc Hyatt, de grands restaurants où passe une douce musique d’ascenseur, de salons de thé feutrés où les petits gâteaux, mignardises et fruits frais sont disposés sur des présentoirs argentés. Chaque chose a sa place et sa fonction, et celle de Hanako est de devenir l’épouse d’un homme bien, auquel elle puisse offrir une lignée. Il en va donc ainsi l’aristocratie japonaise – ce qui est attendu des femmes continue de correspondre à des schémas établis depuis des siècles.

C’est pourquoi lorsqu’Hanako apprend à sa famille le soir de Noël que son fiancé s’est séparé d’elle, elle ne reçoit aucune marque de compassion ou d’empathie. La déception, une forme de tracas et de pitié se lisent sur les visages et dans les remarques de ses proches: Hanako a failli à sa tâche. Honteuse et accablée, elle se résout donc à rencontrer de potentiels partis pour un mariage arrangé.

De son côté, Miki (Mizuhara Kiko) vient d’une petite ville de campagne et d’un milieu plus modeste. Chez elle, le repas du nouvel an a lieu avec ses parents, Tupperware sur la table, mère au service et télévision allumée. Contrainte de renoncer à ses études dans la prestigieuse université de Keio, elle parvient à survivre à la crise économique qui frappe sa famille en devenant hôtesse. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Koichiro (Kora Kengo), l’un des „initiés“ de son ancienne fac, par opposition aux „marginaux“ dont Miki faisait partie. C’est à travers cet homme que vont se lier les destins de Miki et Hanako.

La première le rencontre en tant qu’hôtesse, la seconde en sa qualité de bon parti et femme à marier. Mais qui achète qui et qui vend quoi? Qui se compromet ou pas?

Un certain manque d’originalité

Lorsque les deux femmes finiront par se retrouver face à face, Hanako aura cette question touchante à l’attention de Miki, dont elle sait qu’elle fréquente son mari: „Comment est Koichiro, en vrai?“ Hanako a beau l’avoir épousé, être sa légitime, elle a néanmoins bien conscience du fait qu’elle ne connaît pas vraiment celui dont elle a pris le nom. Ils évoluent l’un à côté de l’autre en étrangers. Et contrairement à ce qu’on pourrait attendre, Miki elle non plus n’est pas une véritable intime de Koichiro.

Elle n’est pas la Belle de Rhett Butler, qui le comprendrait mieux que quiconque. Koichiro et Miki ont beau se fréquenter depuis une décennie, il ne sait presque rien d’elle et pas même le nom de sa ville d’origine. Leurs vies ne sont pas unies, ils évoluent sur des voies parallèles qui ne se rejoignent que furtivement, le temps d’une nuit. Comme Hanako, Koichiro marche seul, appliqué à suivre son destin tracé: il se doit d’entrer en politique comme son père et de concevoir une lignée – mâle, de préférence – qui assure à son tour la relève. Il est un maillon d’une chaîne ancestrale, à jamais reproduite. La seule réelle compagne de sa vie semble être la pluie, qui vient marquer chaque moment significatif de son existence.

De ces trois destins, c’est donc finalement Miki, la middle class, qui goûte le plus à la liberté et au pouvoir d’exercer son choix en tant qu’individu – si tant est qu’une telle notion ne constitue pas une illusion de plus, dans une société japonaise cadrée, normée, segmentée et prédéterminée.

On pourrait se demander si cette histoire, transposée à un cadre occidental, ne perdrait pas grandement de sa saveur. Le propos quant aux classes ne brille pas par son originalité. La sororité vers laquelle tend l’intrigue, quoique bienvenue pour les personnages de Miki et Hanako, n’offre ni réelle surprise ni souffle singulier.

Mais il émane toutefois de ce film une élégance, une délicatesse et un charme certain. Des atouts qui doivent certainement beaucoup à l’arène dans lequel le récit se déroule. Quatrième personnage principal, Tokyo est peut-être celui qui fascine le plus, par ses mœurs, ses cerisiers en fleurs, ses traditions, son raffinement. Sode Yukiko nous invite à plonger dans cette culture, précise et particulière, à en découvrir les codes et la subtilité, et nous y prenons ce faisant un vrai plaisir.