FranceUne campagne électorale atone, un pouvoir hésitant: l’étrange climat pré-électoral français

France / Une campagne électorale atone, un pouvoir hésitant: l’étrange climat pré-électoral français
Un militant de La France Insoumise (LFI) à Marseille Photo: AFP/Pascal Guyot

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A deux semaines à peine des élections législatives des 12 et 19 juin, la vie politique française reste en proie à une étrange atonie, qu’il s’agisse du nouveau gouvernement dirigé par Élisabeth Borne, ou de la campagne elle-même. On retrouve ainsi, ces derniers temps, le climat un peu étrange qui avait prévalu durant une bonne partie de la campagne présidentielle.

Et cela sur fond de sondages mettant en lumière, de nouveau, le risque d’une forte abstention: moins d’un électeur sur deux se déclare certain d’aller voter. Comme si la victoire d’Emmanuel Macron avait en quelque sorte „tué le match“, comme disent les commentateurs sportifs.

Constat global qu’il convient toutefois de nuancer: Jean-Luc Mélenchon, qui tient d’une main de fer sa NUPES (Nouvelle Union Populaire, Écologique et Socialiste, rassemblant, outre sa propre formation de La France Insoumise, les Verts, le parti communiste et une fraction de ce qu’il reste du PS), mène, lui, sa campagne tambour battant. Et avec la prétention intacte, ou du moins affichée comme telle, d’être le prochain premier ministre – de cohabitation, bien sûr – après une conquête pourtant fort improbable de la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale.

Improbable, oui: les sondages les plus optimistes pour lui prédisent, au mieux, que sa coalition pourrait constituer le groupe d’opposition le plus nombreux au Palais-Bourbon … si ses différentes composantes fusionnaient au point de se fondre aussi dans une même formation parlementaire, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent. En outre, LFI a récemment connu plusieurs épisodes difficiles, à commencer par la mise à l’écart de l’un de ses candidats, Tahar Bouhafs, accusé de violences sexuelles. Plusieurs autres postulants à la députation sous les couleurs macronistes posent eux aussi des problèmes à Mélenchon, dont Azelma Sigaux, proche de l’„humoriste“ antisémite Dieudonné, compagnon de route de l’extrême droite.

Pour la droite, sauver ce qui peut l’être

Il n’en reste pas moins que l’extrême gauche populiste, dans cette campagne, après avoir obtenu le ralliement, pour ne pas dire la reddition, d’une majorité de l’ex-„gauche de gouvernement“, manifestement traumatisée par la modestie de ses scores à la présidentielle face aux 22% de Mélenchon, bénéficie en outre de la mollesse d’une droite modérée qui est elle aussi sortie en état de choc de la course à l’Elysée.

Car le parti des Républicains a beau proclamer qu’avec le renfort de ses alliés de l’UDI et d’autres petites formations, il pourrait rester dans la prochaine Assemblée nationale la première force d’opposition qu’il constituait dans la sortante, il ne semble guère se donner les moyens de cette ambition. Pour l’instant, on y fait campagne ensemble, sans autre envie apparente que de sauver ce qui, en termes de sièges, peut encore l’être; mais beaucoup y perçoivent qu’une fois la question électorale immédiate réglée, bien ou mal, se posera celle, autrement plus lourde de conséquences à long terme, de son positionnement politique.

Cette relative apathie de LR se retrouve, dans une certaine mesure, dans les formations respectives de l’extrême droite populiste de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour. C’est d’autant plus singulier, du moins pour le Rassemblement national, que sa candidate a recueilli au second tour de la présidentielle à peu près deux fois plus de voix, en pourcentage, que le toujours vibrionnant Mélenchon au premier. Et que les sondages accordent au RN une chance raisonnable, pour le scrutin de juin, de pouvoir faire élire plusieurs dizaines de députés.

„L’affaire Abad“

C’est dans ce contexte pré-électoral un peu étrange que la nouvelle équipe gouvernementale fait ses débuts passablement hésitants sous la conduite pourtant énergique de Mme Borne. Un début de règne qui pourrait être relativement serein si, à l’évidence, les vrais problèmes n’étaient renvoyés, eux aussi, aux lendemains des élections législatives. A commencer par la revalorisation du pouvoir d’achat des Français, sujet de préoccupation qui tend depuis des semaines à écraser tous les autres et tourne à l’obsession nationale.

Dans l’immédiat, ce sont plutôt des questions personnelles que l’exécutif doit affronter. A commencer par ce qui est devenu „l’affaire Abad“, du nom de l’ancien président du groupe LR et désormais ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées (lui-même l’étant très lourdement, ce qui ne l’empêche pas d’avoir été accusé de viol). Il y a aussi, parmi bien d’autres cas, les critiques parfois virulentes suscitées par le profil du ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye, ou encore le cas du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui s’est attiré la haine vigilante d’une partie des magistrats, et pourrait avoir à rendre des comptes à … la justice.

Il n’est jusqu’à cette finale de la Ligue des Champions, samedi soir à Paris, à l’entrée de laquelle s’est manifesté une affligeante incapacité française d’organisation (à deux ans des Jeux olympiques de Paris!), qui ne se retourne aujourd’hui contre l’exécutif. Reste que le chef de l’Etat et sa première ministre disposent d’une popularité qui, sans être écrasante, peut constituer une base de départ honorable pour le second quinquennat, avec respectivement 41 et 45% d’opinions favorables, selon le sondage publié hier par le Journal du Dimanche. Rien d’éblouissant, mais du moins de quoi leur donner hâte d’entrer enfin, sitôt la page électorale tournée, dans le vif du sujet.