Qui plus est, cette difficulté supplémentaire et inattendue surgit des rangs de la majorité macroniste elle-même. Non pas de toute la majorité, certes, mais du moins d’une partie: en gros, celle qui vient de la famille socialiste et du centre. Car une douzaine d’élus de Renaissance et du Modem ont cosigné, avec une vingtaine de parlementaires socialistes, écologistes et communistes, une tribune publiée par Libération, et qui prône „la régularisation des travailleurs sans papiers“ dans les métiers dits „en tension“, c’est-à-dire ceux pour lesquels on manque de main d’œuvre dans l’Hexagone.
Et il ne s’agit pas d’une poignée de marginaux dans leurs partis respectifs, puisqu’on trouve notamment parmi les signataires le président macroniste de la Commission des lois, Sacha Houlié, très fidèle soutien du chef de l’Etat, qui presse son camp „d’élargir la majorité sur un texte qui reprend des mesures que la droite n’a jamais réussi à faire adopter et que la gauche n’a jamais eu le cran de proposer“. Ou encore, à gauche, le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, ainsi que le secrétaire national du PCF, Stéphane Roussel.
Ceux des supporters du chef de l’Etat qui soutiennent cette proposition font valoir qu’elle a, après tout, quelque chose de très macroniste: ne s’agit-il pas, finalement, de promouvoir dans le projet gouvernemental, „en même temps“ selon la formule chère au locataire de l’Elysée, un renforcement du contrôle de l’immigration, avec des expulsions plus systématiques et surtout mieux appliquées aux délinquants, avec une ouverture systématique à ceux qui, même s’ils sont pour l’instant en situation irrégulière, cherchent réellement du travail dans les secteurs (ceux du bâtiment, de la restauration et de l’industrie, notamment) où leur arrivée serait bienvenue. Le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, ne vient-il pas lui-même de déclarer que „la réindustrialisation de la France ne se fera pas sans immigration“?
Vers une motion de censure LR?
Le problème, pour Emmanuel Macron pour Élisabeth Borne, est d’abord que la publication de cette tribune conjointe avec une partie de la gauche modérée, si elle peut sembler annoncer des rapprochements précieux pour un gouvernement sans majorité parlementaire, et condamné de ce fait à une laborieuse navigation à vue, vient aussi illustrer cruellement combien la question de l’immigration divise le camp présidentiel.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’ignorait évidemment pas que l’exercice consistant à tenter de faire voter ce texte ne serait pas facile au Palais-Bourbon; tout du moins pouvait-il espérer qu’avec le secours de la droite, il y parviendrait peut-être sans recourir au 49-3. Mais ladite droite a aussitôt fait savoir, hier, que si le projet gouvernemental intégrait cette proposition d’une partie de la majorité et de la gauche de régulariser la situation d’immigrés clandestins susceptibles de venir combler les vides dans les „métiers en tension“, alors il ne serait plus question de le voter. Au contraire, même: une motion de censure serait déposée contre le gouvernement.
Or un ralliement parlementaire de l’aile la plus modérée de la gauche, outre qu’il ne serait pas acquis d’avance, ne suffirait sans doute pas, face à l’opposition de l’extrême gauche, de l’extrême droite et des Républicains, à faire adopter ce texte. La droite est d’autant plus encline à le combattre qu’elle considère qu’une telle mesure créerait un nouvel appel d’air en faveur de l’immigration clandestine, puisqu’il suffirait ensuite de se proclamer demandeur d’un emploi dans les secteurs tendus pour se faire régulariser. Accessoirement, cette opposition radicale peut éviter à LR de se diviser lors du vote d’une réforme à laquelle nombre de leurs élus modérés ne sont pas si hostiles …
De Maart
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