Dienstag11. November 2025

Demaart De Maart

Esch FrontièreRequiem pour mes deux jeunesses croisées … – un texte de Guy van Hulle-Bisdorff 

Esch Frontière / Requiem pour mes deux jeunesses croisées … – un texte de Guy van Hulle-Bisdorff 
Le quartier frontalier d’Esch change de visage. Ce qui fut s’efface, du neuf prend forme. Mais ce qui demeure, ce sont des souvenirs bouleversants, comme ceux de Guy van Hulle-Bisdorff. Photo: mago

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Chronique poétique d’une jeunesse frontalière, entre désir, fureur et illusion. Esch-Audun, années 70: un souffle de liberté dans l’ombre des hauts-fourneaux.

Rue d’Audun, à peu près la France. Odeurs mêlées de frites et de jasmin. Filles en minijupes, légères et tentantes, affriolantes nymphettes, princesses de supermarché, fleurs du printemps – Monopol et Bon marché. Séduisantes vendeuses de charmes, le temps d’un trop court weekend au rabais. Petits Français au parfum, dragueurs gominés, de taille mannequin, se la jouant, caisses surbaissées customisées, aux châssis pourris, moteurs plein pot, mas-turbos, formules zéro de quartiers déshérités. Mobylettes de kékés débridées, attention aux tympans! Frime à deux sous sur leurs motos, gros machos de derrière les fagots.

Qu’est-ce que t’as, connard de Luxo, à mater ma meuf, à lorgner ma nana?
Et toi, le boccia, macaroni, fais gaffe aux baffes!
Je te préviens, bientôt, il pleuvra des coups!

Chez Bernardo

Pas très francs, bagarre en l’air, ivres forts, vite, tirons-nous chez Bernardo. Saloon-atmosphère, y a de la rumba dans l’air: tango, boléro, valse musette, slow langoureux. Minettes câlines, jupettes fendues et corsages fleuris. Explorations à ciel ouvert, cha-cha-cha et tchatche à chattes. Faire la java, et puis la vie, à la va-vite, dans un coin perdu, à l’ombre du parking des anges. Sans filtre ni façon, étreintes et amourettes bâclées, le temps d’une brune, d’une blonde. À la fin du flirt poussé, bien trop souvent frustrées, quéquettes, blues et mégots jetés. Terrains vagues et vagues à l’âme. Sidis et belles abbesses, roses artificielles fardées de la foire d’à côté, fébrilement convoitées par les prolos endimanchés, Gaulois lorrains, rouquins, mauvais garçons, bons petits gars, playboys ou puceaux à la fois.

Mike Brant d’une nuit, vamp d’un soir. En semaine: noir, c’est noir. Des fois, il n’y a pas loin jusqu’au désespoir. Dans le quartier Hiehl, repaire, repère de derrière la barrière, Ste Barbourg, côté Baru. Antre-soi à l’ombre des chaumières colonisées, jouxtant l’emblématique chaudron labouré. Terrain de jeu vert pâle, râpé, pelé, récrée d’une main-d’œuvre forte en gueule et habile du pied. Comme partout ici: on s’y morfond en semaine, mais vient le dimanche – et voilà que la jeunesse locale renaît à la vie.

Héros de la frontière en folie, sur les gradins jadis remplis à ras bord de spectateurs, pondérés, voire survoltés, mais souvent experts. Aujourd’hui: une horde de gredins éméchés, pauvres types éructant et braillant, en singeant leurs repères de par le quart-monde ultra-cons. À l’opposé, contrastant grave: quelques officiels collés montés, réunis en tout petit comité, serrant la main aux politiciens de province, venus leur offrir quelques ballons, judicieusement, car au bon moment avant le coup d’envoi des prochaines élections.

Scarassa et Riganelli

Plus excentrés, sur des sièges numérotés: le camp retranché. Les sempiternels supporters abonnés, avec de lointains grands souvenirs en tête, leur revenant en fermant les yeux. Pronostics, papotages, coup de sifflet – et voilà.
Mais enfin: fermez-la!
C’est parti.
Platini, le temps d’un grigri, une aile de pigeon, un double une-deux. Après les trois-huit, les voilà pas encore rassasiés pour deux sous. Nullement fatigués, en train de ferrailler encore. Balle soudée au soulier, un petit pont, suivi d’une chandelle ou d’un long dégagement. Une feinte, un dribble, un contre-pied – et puis soudain, sans crier gare: une mine! Une frappe lourde et sèche, laissant leurs adversaires sur le carreau. De la dynamite! Suivie d’un coup de tonnerre, comme montant des galeries enfouies, et d’une immense clameur s’élevant jusqu’au fin fond de la vallée, en y faisant écho.

La tribune tremble, les travées vacillent, les supporters s’arrêtent de raisonner – on s’étreint, on exulte, les cœurs chavirent. C’est l’effusion à mille lieues encore de toute fusion et autres spéculations. Les comptoirs sont pris d’assaut, la Battin coule. Il n’y a plus de soucis. Ivres de bonheur, ils ont redressé la barre. Et les revoilà titubant, mais debout. Le match est plié. On est à nouveau champion. Quant à la coupe, sûr que, par la suite, en faisant coup double, à n’en pas douter, on la remplira.

Et voilà qu’on se remet à rêver. Pourtant, Caurla, Scarassa, les troquets des Rayés – porca miseria – de nos jours, désespérément, restent fermés. Tempi passati. À en avoir les boules, au Riganelli. Ciao bello, fais-toi une raison. Notre jeunesse commune, au jour d’aujourd’hui – c’est du passé. C’est fini. Sans pour autant brûler ce que j’avais adoré, mais des souvenirs tenaces de glorieuses joutes européennes plein la tête. L’Italie est loin, et le soleil voilé. Le ciel, autrefois cramoisi, désormais est souvent gris. Sauf qu’à Esch, aujourd’hui tristement sinistrée, l’illusion, jadis, n’avait pas de frontière. Elle ignorait la poussière.

La génération Jeunesse, époque bénie du football frontalier. Une bande de copains, de rêves et de buts partagés. (Guy van Hulle tout à droite)
La génération Jeunesse, époque bénie du football frontalier. Une bande de copains, de rêves et de buts partagés. (Guy van Hulle tout à droite)

* C’est qu’en fait, ce fut ma mère qui m’a donné le goût des verbes et des mots. Le père étant quant à lui pas mal désespéré de ne pas m’avoir su transmettre celui des chiffres et des maths! 

Grober J-P.
4. August 2025 - 9.55

"Tempi passati." Ginn ët der haut och nach Samschdesowes an d'Schnëss, an der Däitschotherstross?

Hottua Robert
3. August 2025 - 12.57

>"Sauf qu’à Esch, aujourd’hui tristement sinistrée, l’illusion, jadis, n’avait pas de frontière. Elle ignorait la poussière". Ich übersetze das folgendermaßen: Die grenzenlose Escher Vision nahm den Staub nicht zur Kenntnis. Esch Alzette als Symbolstadt der luxemburgischen Industrialisierung stand offensichtlich ab 1920 für eine globale visionäre gnadenreiche Anreicherung mit christlichen Werten. Die Verwirklichung dieses Gnadenreichtums verlangte von allen Beteiligten die grenzenlose Bereitschaft, Staub- und Mentalitätsbarrieren mit dem Ziel der Heilserlangung zu ignorieren und zu überwinden.
MfG, Robert Hottua