BicherdeegPour les nouveaux éditeurs, Walferdange est une étape incontournable

Bicherdeeg / Pour les nouveaux éditeurs, Walferdange est une étape incontournable
„Pour nous, cette année, c’est très important, car les lecteurs potentiels ne savent même pas qu’on existe, puisqu’on n’a pas les moyens de faire de la publicité“, confie Gaston Zangerlé, auteur et éditeur de polars chez crime.lu Photo: Editpress/Hervé Montaigu

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Les Walfer Bicherdeeg le 18 et 19 novembre sont l’occasion pour les nouveaux acteurs de se faire connaître de leurs homologues et surtout du public. Exemple avec deux maisons d’édition nouvellement créées: crime.lu et Michikusa publishing.

Si crime.lu est un nouveau venu, son architecte est à ranger dans la catégorie des „usual suspects“. Gaston Zangerlé est un ancien responsable des éditions Saint-Paul (1987-97), des éditions Revue (2008-18), et même ancien président de la Fédération des éditeurs. Il a souvent consacré des livres au sport, depuis un premier ouvrage en 1988 dédié à Charly Gaul, premier d’une longue série – des biographies d’Elsy Jacobs, de Josy Barthel, la série „Sternstunden Luxemburger Sports“ ou encore „Dizzy on the Road“, coécrit avec Romain Helbach et lauréat du prix du public aux „Lëtzebuerger Buchpräisser“ de 2019.

Lorsqu’il est devenu pensionné, Gaston Zangerlé a créé la société Baobab éditions, entreprise de consultance média et de création de voyages. La société basée à Olm répond à des commandes de livres, pour le centenaire du club de foot de Strassen par exemple. Elle a aussi accueilli un portrait qu’il a consacré à l’athlète Ni Xia Lian. Mais sa retraite lui a offert aussi le loisir de s’essayer à un genre qu’il affectionne particulièrement: le polar. Il l’a d’abord fait comme auteur, découvrant l’angoisse de l’attente de la réponse des éditeurs à qui il a soumis son manuscrit comme un novice, puis la joie de pouvoir être publié par Caraïbéditions, qui héberge l’un de ses auteurs préférés, Raphaël Confiant. Il y a fait paraître deux livres, „Karukéra Gang“ et „Le dernier tour de piste“, développant chacun leur intrigue en Guadeloupe, île qu’il fréquente depuis 40 ans.

Le sport n’a pas pour autant disparu de son œuvre. „Le dernier tour de piste“ a pour décor le tour cycliste de Martinique. Et le premier polar qu’il a livré pour crime.lu, „La pègre et la boxeuse“, met en scène une enquêtrice, championne de boxe. „J’avais envie de publier un roman policier qui se joue au Luxembourg, d’y créer un univers à moi, dans lequel je pourrais m’éclater“, explique-t-il au sujet de ce dernier. „Je me suis dit: pourquoi pas créer une maison d’édition pour les polars au Luxembourg?“

En quête d’auteurs de polars

Crime.lu veut mettre le curseur sur le Luxembourg. „Un auteur français a déclaré qu’il créait un univers à 50 pour cent pour son plaisir et à 50 pour cent pour les lecteurs. Les 50 pour cent que personnellement j’écris pour les lecteurs, c’est l’environnement qu’ils connaissent.“ Dans „La pègre et la boxeuse“, c’est le quartier de la gare à Luxembourg,  Larochette et le quartier de la Grenz. „Et puis, il y a plein de choses que je prends dans la vie courante des Luxembourgeois qui leur sont familières“, poursuit l’auteur.

On retrouve le langage fleuri, les jeux de mots, les personnages loufoques et les non-dits avec lesquels Gaston Zangerlé aime composer des histoires sans prise de tête. Crime.lu veut proposer des livres de qualité et qui se lisent vite. „On ne veut pas créer maintenant quelque chose de 500 pages. C’est une lecture légère, à lire à la plage, en deux, trois jours tout au plus“, dit celui qui est aussi le coauteur de la „Nei Revue“.

Gaston Zangerlé a embarqué dans l’aventure de crime.lu de vieilles connaissances, à commencer par son vieux complice Pierre Decock, avec qui il a collaboré notamment sur les bandes dessinées „Tun & Frunnes“. Informaticien de formation et artiste, il assure la mise en page et la création des couvertures. Mais il écrit et a livré aussi déjà trois ouvrages. Gaston Zangerlé a fait aussi appel à Didier Debord. C’est un traducteur, auteur qui vit en France, mais a publié au Luxembourg. Il assure la partie littéraire. Il a fourni un polar haletant, „Il vous faudra faire avec …“, dans lequel un ancien fonctionnaire du ministère de l’Immigration, parti vivre en Provence, se retrouve rattrapé par son passé et emporté dans une histoire glaçante qui n’est pas à la mesure de ses frêles épaules. Le texte est rythmé, accessible, bourré d’esprit et d’humour. Pour compléter le trio de trois auteurs écrivant en français et pouvoir proposer des polars en langue allemande, celle que les amoureux du polar au Luxembourg privilégient, ils ont aussi embarqué Monique Feltgen, autrice de huit polars et dont crime.lu réédite „Das Rousegäertchen-Komplott“. Monique Feltgen s’occupe de communication et des relations publiques.

Etre visible

Il est navrant que les libraires mettent nos livres dans un coin avec la Luxemburgensia, alors qu’ils devraient être avec les policiers français et allemands. Et de préférence, ils devraient se trouver aux deux endroits.

Gaston Zangerlé, auteur et éditeur

Depuis le lancement en juillet avec quatre titres, Werner Giesser, auteur d’origine suisse, est venu gonfler les rangs avec un manuscrit, tandis que crime.lu a réédité „Tod in Belval“ de Hauke Schluüter. La première année aura vu naître douze titres, dont quatre sont actuellement en préparation, en vue des fêtes de fin d’année. C’est beaucoup, mais c’est le prix à payer pour se faire remarquer, selon Gaston Zangerlé. „Si on a deux trois bouquins dans les librairies, on n’a pas de visibilité“, explique-t-il, avant de regretter: „Il est navrant que les libraires mettent nos livres dans un coin avec la Luxemburgensia, alors qu’ils devraient être avec les policiers français et allemands. Et de préférence, ils devraient se trouver aux deux endroits.“

Crime.lu cherche de nouveaux auteurs, de jeunes plumes notamment. „Il y a des gens qui ont un polar, ou un roman, qu’ils n’osent pas montrer, ou qu’on a refusé peut-être une fois dans une maison d’édition, parce que l’éditeur n’avait pas les moyens d’investir dans le manuscrit“, observe Gaston Zangerlé. La condition pour être publié est d’être soit un auteur luxembourgeois ou habitant au Luxembourg, soit l’auteur d’un manuscrit dont l’intrigue a trait au Luxembourg. 

A Walferdange, crime.lu sera donc aussi bien à la recherche d’auteurs que de lecteurs. „Pour nous, cette année, c’est très important, car les lecteurs potentiels ne savent même pas qu’on existe, puisqu’on n’a pas les moyens de faire de la publicité. Les Bicherdeeg forment le plus grand rendez-vous pour se faire connaître. C’est une question de notoriété, mais c’est aussi le moment le plus important au niveau commercial“, observe l’habitué des lieux qu’est Gaston Zangerlé. Cela permet d’amorcer le bouche-à-oreille, d’autant plus précieux que ne faisant pas partie de la Fédération des éditeurs, les livres de crime.lu ne figurent pas dans le catalogue de la rentrée littéraire luxembourgeoise et ne concourent pas au Buchpräis. Mais, un autre prix, celui de l’ouvrage, devrait faciliter la circulation de ces œuvres. Le travail bénévole fait par les quatre compères permet en effet de vendre leurs ouvrages entre 9 et 13 euros. 

D’ici à la fin de l’année, en moins de douze mois d’existence, crime.lu aura déjà sorti douze titres
D’ici à la fin de l’année, en moins de douze mois d’existence, crime.lu aura déjà sorti douze titres Photo: Editpress/Hervé Montaigu

Balades géopoétiques

Robert Weis lors d’un voyage au Japon
Robert Weis lors d’un voyage au Japon Photo: Zsuzsanna Gaál

Il faudra attendre qu’elle atteigne trois ans d’existence pour que Michikusa Publishing ait le droit d’entrer dans la Fédération des éditeurs. Mais il lui en aura fallu moins pour qu’elle figure aux Walfer Bicherdeeg. „Je ne m’attendais pas forcément à ce qu’on soit acceptés. On vient de commencer. On a deux titres. Un troisième va sortir bientôt. On est encore tout petits.“ Pour Robert Weis, à l’origine de cette société d’édition fondée sous forme d’ASBL, les Walfer Bicherdeeg viennent à point nommé. „C’est une grande occasion de nouer des contacts, d’aller à la rencontre du public qui ne nous connaît pas encore.“ 

Avec la création de Michikusa Publishing, Robert Weis s’installe un peu plus sur la scène littéraire, où il a jailli l’année dernière, à travers des projets autour du voyage, de la nature et de la géopoésie. Jusque-là, Robert Weis avait déjà été actif dans l’édition, en tant que paléontologue exerçant au Musée d’histoire naturelle. Mais il s’est fait connaître en littérature avec „Rocklines – Un voyage géopoétique à travers la Minett Unesco Biosphere“, œuvre de géopoésie écrit avec Davide S. Sapienza. Ce compte-rendu de voyage poétique „dans la mer des terres rouges“, ode à la géographie présentée comme „la plus ancienne écriture de la planète“ et „véritable langage de la terre“, a certaines parentés avec l’ouvrage qu’il était en train de rédiger à l’époque et qui a été publié cette année aux éditions françaises Transboréal, „Retour à Kyôto“. 

Ce guide pratique de lecture du paysage de la Minett était déjà traversé par instants de la sagesse orientale qui irrigue toutes les pages de „Retour à Kyôto“. Durant sa jeunesse à Dudelange, Robert Weis n’a pas seulement développé dans les Terres Rouges son goût pour la paléontologie, il a également cultivé un intérêt pour le Japon, d’abord à l’adolescence, à travers les jardins japonais et la culture des bonsaïs, puis par la littérature contemporaine japonaise. En 2009, à 29 ans, il y a entrepris un premier voyage, qui a confirmé le coup de foudre. Mais il aura fallu plusieurs allers-retours et la pandémie pour qu’il décide de réserver à l’archipel de son cœur le plaisir de l’écriture, découvert jeune. Pour compenser l’annulation d’un voyage en Asie, Robert Weis a décidé de revivre ses voyages antérieurs par l’écriture. Cela s’est d’abord traduit par des contributions pour le blog anglophone „Writers in Kyôto“, à partir de notes et de poèmes. C’est devenu ensuite un livre en français.

C’est un voyage introspectif, mais jamais égocentrique, le partage d’une quête spirituelle et culturelle à travers le Japon qu’il offre au lecteur. „Retour à Kyôto“ peut attirer aussi bien celui qui est déjà allé au Japon que celui qui n’a pas prévu de s’y rendre, mais qui y trouve une première approche de la culture japonaise.“ C’est un récit de voyage, mais pas un guide de voyage, nuance qui n’est pas toujours claire au Luxembourg, tandis qu’en France, „c’est une catégorie à part, avec une qualité littéraire très élevée“. C’est aussi un voyage littéraire, au cours duquel Robert Weis partage avec délicatesse ses inspirations et ses influences – comme „Eloge de l’ombre“ de Jun’ichiro Tanizaki – sans vouloir en mettre plein la vue. 

Ne pas se limiter

Robert Weis veut poursuivre sa carrière d’auteur à la fois dans ce sillon, avec un écrit sur un séjour prolongé dans les montagnes sacrées du Japon à la rencontre des prêtres, ascètes et chamanes. Le premier titre de sa propre maison d’édition fut son recueil de poésie „Rêves d’un mangeur de kakis“, décrit comme un „livre d’amour“, par son complice Davide S. Sapienza, qui est l’auteur du troisième ouvrage qui sera publié en janvier, version papier d’un ouvrage publié au format e-book par l’important éditeur italien Feltrinelli. Il viendra après la traduction d’un autre poète italien, Tiziano Fratus, dans un recueil préfacé par Sebastian Thilges. 

De même qu’il songe à la publication d’ouvrages d’auteurs luxembourgeois, qu’il songe lui-même à s’essayer au roman, Robert Weis n’entend pas enfermer Michikusa Publishing dans le domaine de l’écriture de la nature, de l’haïku et de l’écopoésie. „Le nature writing est très marginal dans le monde, et encore davantage au Luxembourg. La poésie est déjà marginale. Alors il faut veiller à ne pas se marginaliser davantage. C’est bien de faire ce qu’on veut, mais il faut aussi trouver un public. On le cherche encore“, explique-t-il. 

Ce n’est pas tellement difficile de créer des volumes de poésie. C’est plus compliqué de les vendre.

Robert Weis, auteur et éditeur

Les Walfer Bicherdeeg doivent être l’occasion de le trouver. D’autant plus que, même si le travail d’édition, de mise en page est fait bénévolement, il faut quand même veiller à couvrir les frais, c’est-à-dire à assurer la vente de cent exemplaires de chaque titre. „Ce n’est pas tellement difficile de créer des volumes de poésie. C’est plus compliqué de les vendre“, explique Robert Weis. Pour cela, le rendez-vous de Walferdange est incontournable.

Au programme

Les Walfer Bicherdeeg (le 18 et 19 novembre à partir de 10 h) constituent – officieusement et tardivement – la rentrée littéraire luxembourgeoise. Dans le prolongement de cette idée, la Fédération des éditeurs a créé le site bicherrentree.lu, qui présente les 33 nouveaux œuvres littéraires, 47 livres pour enfants et douze beaux livres publiés par onze maisons d’édition qui lui sont affiliées. En plus des stands des éditeurs, des lectures sont organisées avec de nombreux auteurs. Pour infos sur bicherdeeg.lu.