Les automobilistes français savaient bien qu’il leur faudrait réduire autant que possible leur consommation de carburant cet hiver, voire avant, tout en affrontant des tarifs considérablement plus élevés qu’auparavant. Même si, pour l’instant, l’Etat et le très puissant groupe pétrolier Total, le premier pour des raisons politiques et le second par esprit commercial, s’appliquent à compenser partiellement les hausses par des remises non négligeables à la pompe. Mais ces mêmes automobilistes ne s’attendaient pas à devoir affronter une situation de pénurie.
D’autant moins, même, que celle-ci ne doit rien à la guerre en Ukraine, contrairement à ce qu’affirment les partis qui militent contre les sanctions infligées à la Russie, à l’extrême droite et à l’extrême gauche, et tout, au contraire, à une grève conduite par la CGT dans certaines raffineries importantes de Total et d’ExxonMobil, dont le résultat était hier, au 13e jour de la grève, qu’un tiers des stations-service de l’Hexagone (et même la moitié dans la région parisienne) étaient fermées faute de carburant.
Cette grève, évidemment impopulaire, n’est pourtant pas sans motif. La grande centrale syndicale demande en effet une augmentation des salaires de 10%, dont sept pour compenser l’inflation (laquelle est officiellement un peu moins élevée; mais le „ressenti“ des consommateurs est, lui, bien supérieur) et trois pour faire bénéficier les salariés de Total, et pas seulement ses actionnaires, des profits en effet considérables enregistrés dernièrement: le groupe a enregistré un bénéfice de 10,6 milliards de dollars au premier semestre …
Le souvenir des „Gilets jaunes“
Le pouvoir, désormais, se mobilise. Emmanuel Macron a lancé un „appel au calme et à la responsabilité“, Elisabeth Borne a promis „une amélioration progressive“ au cours de la semaine en cours, et les ministres de la Transition énergétique et des Transports ont passé leur week-end à appeler les dirigeants pétroliers et ceux de la CGT. Avec, tout de même, un premier résultat: les négociations vont enfin se nouer, et les syndicats semblent prêts à laisser pour l’instant de côté d’autres revendications qu’ils avaient également exprimées pour se concentrer, dans un premier temps, sur la seule augmentation des salaires.
Si l’Elysée et Matignon sont soudain si attentifs à cette „crise de l’essence“, comme on l’appelle désormais, c’est pour deux raisons majeures au moins. La première est économique: sans carburants en quantité suffisante, c’est toute l’économie, ou presque, qui est en train de se mettre en panne, de l’agriculture à l’industrie, de la pêche au commerce de détail, du transport routier à l’artisanat. Et cela au moment où l’on se flattait, du côté de l’exécutif, de la relativement bonne santé française au sortir de différentes épreuves.
Leur second motif d’inquiétude est plus directement politique. C’est celui de voir l’exaspération des automobilistes, des artisans, des petits patrons, des professions libérales, venir s’ajouter à une grogne sociale encore relativement discrète, mais bien réelle. Et dont la manifestation prévue le 16 octobre „contre la vie chère“ pourrait bien constituer une démonstration éclatante. Dans les difficultés parlementaires où il se débat, le gouvernement, et à travers lui le chef de l’Etat, hantés par le souvenir des „Gilets jaunes“, ont vraiment toutes raisons de chercher à l’éviter.
De Maart
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können