FranceLes agriculteurs veulent assiéger Paris

France / Les agriculteurs veulent assiéger Paris
Les agriculteurs mettent leur barrage en place Photo: AFP/Emmanuel Dunand

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Les agriculteurs en colère ont commencé, hier après-midi, à mettre à exécution leur menace d’„encercler Paris“, même si, à ce stade du moins, il ne s’agissait encore que du blocage de plusieurs grands axes autoroutiers desservant la capitale, et cela à quelques dizaines de kilomètres des accès parisiens proprement dits. Un important dispositif policier avait été prévu pour éviter d’éventuels débordements, et pour assurer le libre accès aux halles de Rungis et aux aéroports d’Orly et Roissy.

Décidément, la mobilisation de la France rurale ne faiblit pas. Le premier ministre, Gabriel Attal, n’avait pourtant pas si mal réussi, vendredi après-midi, à établir le contact avec les représentants des agriculteurs, parvenant même à susciter leurs applaudissements. Modestes, il est vrai, après avoir présenté une liste de mesures qu’il comptait prendre pour répondre à leurs revendications; puis plus nourris sur l’un des barrages routiers où il n’avait pas craint de se rendre.

Plusieurs de ces barrages commençaient même à être démontés. Et certains responsables départementaux des syndicats agricoles estimaient qu’il fallait maintenant laisser sa chance à l’exécutif de prouver que ses engagements seraient tenus – outre que, de manière bien compréhensible, ils avaient envie et besoin de retrouver leur exploitation, où leur présence active était requise. Très vite cependant, cette embellie allait se révéler éphémère.

Les dirigeants de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), et plus encore ceux de la Coordination rurale, sa rivale minoritaire mais fort active, en particulier dans le Midi, ayant pris l’avis de leurs délégués locaux, décidaient de poursuivre le mouvement, considérant que des pans entiers et très importants de leurs revendications n’étaient pas traités ni même abordés par le gouvernement: les rémunérations, le poids de l’Europe, la concurrence de pays qui ne sont pas du tout soumis aux mêmes règles environnementales et sociales, etc.

Round d’observation

De sorte que le ton est rapidement remonté, les levées de barrages étant présentées comme provisoires, et de nouveaux plans d’action se faisant jour pour montrer que la mobilisation paysanne restait intacte. Du côté du gouvernement, le désenchantement allait très vite succéder au soulagement prudent, le week-end constituant une sorte de round d’observation, dans un calme relatif qui évoquait celui, non des fins de tempête, mais des veillées d’armes. Et une „cellule interministérielle de crise“ se réunissait dimanche en fin d’après-midi autour de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. Car la semaine qui devait s’ouvrir hier s’annonçait au contraire comme encore plus complexe à gérer pour le gouvernement.

La tolérance jusqu’alors manifestée par l’exécutif, incarné en l’espèce par M. Darmanin, et consistant à éviter toute répression des manifestations paysannes, aussi longtemps du moins qu’elles ne se livraient pas aux violences contre les biens ou les personnes, devenait, dès lors, de plus en plus difficile à défendre – et de moins en moins partagée par certains ténors de la majorité macroniste. Aucun gouvernement ne pouvant évidemment tolérer sans réagir l’encerclement, voire le blocus, de sa capitale, tel qu’on pouvait encore le craindre hier matin. Même si d’aucuns se consolaient en observant que cette nouvelle opération n’était pas sans inconvénients politiques pour ses organisateurs, la popularité jusqu’alors très forte des revendications paysannes risquant alors de se dégrader singulièrement.

Hier après-midi, le président Macron, fraîchement rentré d’Inde, a réuni un certain nombre de ministres à l’Elysée: outre Gabriel Attal, ceux de l’Intérieur, de l’Agriculture, de l’Économie et de l’Écologie, pour „faire le point sur la situation agricole“. Et cela avant un conseil des ministres à part entière, réuni par anticipation, car le chef de l’Etat devait ensuite partir pour la Suède, pour une visite d’Etat de deux jours, puis pour Bruxelles afin d’y assister à un conseil européen extraordinaire qui devrait être largement consacré à la crise agricole en Europe. Le premier ministre devait en outre recevoir à nouveau les dirigeants de la FNSEA et Jeunes Agriculteurs à Matignon en fin d’après-midi.

Mais ce mardi, la classe politique sera sans doute très attentive aussi, voire surtout, à la déclaration de politique générale que M. Attal prononcera cet après-midi à l’Assemblée nationale: l’actualité lui donnera en effet une résonance toute particulière.