Samstag25. Oktober 2025

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AnniversaireLa Kufa fête ses 40 ans – Un passé à dépasser

Anniversaire / La Kufa fête ses 40 ans – Un passé à dépasser
La Kulturfabrik en 1995, peu avant les rénovations Photo: Archives Kulturfabrik

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Pour ses quarante (+ 1) ans, la Kulturfabrik a ouvert ses archives à trois compagnies pour qu’elles revisitent son passé. Il en ressort trois manières différentes d’évoluer de la réalité à la fiction.  

La pièce dévolue aux archives de la Kulturfabrik, sous les toits, ne paie pas de mine. Mais quand on en ouvre les tiroirs, ils débordent de documents divers et variés qui racontent une dense et sélective histoire de plus de quarante années d’activités artistiques dans les anciens abattoirs d’Esch-sur-Alzette. La compagnie La Bande Passante y a passé deux semaines à fouiller. Elle a compté près de 6.000 documents réunis en ces lieux. Elle en a retenu 850 pour animer un théâtre d’objets dont elle s’est fait une spécialité et qui entend mettre en valeur les archives.

L’art de la découpe

La Bande Passante est née en 2006 à Metz de l’envie de Benoît Faivre, passé par la fiction radiophonique et les arts plastiques, de „raconter les gens“ et de le faire à travers les objets. „Les objets sont capables de mieux raconter les gens qu’eux-mêmes, car souvent ils ne trichent pas.“ „Une archive papier raconte ce qu’elle contient. C’est l’interprétation qu’on en fait qui diffère. Si un historien s’en empare, il va développer sa version des faits. Si un plasticien s’en empare, il ira ailleurs“, raconte Tommy Laszlo, artiste plasticien membre de la compagnie. „On ne se positionne surtout pas comme des spécialistes de l’histoire. On revendique une liberté d’interprétation, la possibilité même de se tromper, tout en essayant d’avoir une pertinence historique.“

Si l’archive est utilisée telle qu’elle, c’est sa présentation et sa mise en scène qui la font parler de manière inattendue. La technique consiste à découper et dresser des images d’archives de manière à leur conférer une nouvelle dimension. L’installation „Culture fabrique“ de La Bande Passante s’étend sur trois tables et raconte les moments forts de l’histoire des lieux, en partant des abattoirs à aujourd’hui, en passant par la période avant la grande rénovation de 1998. On pourra y lire une évolution esthétique des archives et notamment des nombreuses affiches de spectacles qui y sont présentés. Mais cela va bien plus loin. Parce que l’installation est immersive. De la mise en présence naissent des histoires entre les archives. Et parce que l’installation est aussi sonore. 

Les images sont en effet accompagnées de témoignages. La Bande Passante a pu piocher dans la trentaine de témoignages recueillis par l’historien Mohammed Hamdi – pour la rédaction d’un livre historique – et mis à disposition des artistes. Elle complète par ailleurs ces archives en interviewant des habitants sur la manière dont le lieu a marqué leur vie. Cet aspect participatif, qu’on a retrouvé dans les ateliers de découpage pour préparer l’installation, leur est d’autant plus cher que l’archive est une construction collective. Derrière les documents, ce sont énormément de personnes qui ont pris les photos, rédigé des textes, compilé des documents, pour la constituer. 

En résidence dans le Pays-Haut lorrain à Crusnes, ce sont des confidences sur l’adolescence en pays minier qu’ils avaient recueilli. Des collégiens étaient allés interviewer d’anciens mineurs et avaient documenté dans une installation cette histoire peu racontée, dont la transmission ne s’est pas toujours faite. Si le projet avec la Kufa est une nouvelle expérience dans une ancienne région minière – après une autre résidence de deux années dans les archives des houillères de Saint-Avold –, la sidérurgie, cette fois, ne fait que hanter l’installation. La fin des abattoirs – et, avec elle, la possibilité de la Kufa – est certes liée à la crise sidérurgique. Mais puisqu’elle est absente des archives, elle en est aussi de l’installation. La Bande Passante se permet pourtant aussi de fictionnaliser. Pour cette installation, ce sera dans la conception d’une Kufa du futur.

Il semblerait que la fréquentation du passé donne des envies de – et des dispositions pour – prédire l’avenir. Dans la docu-fiction „Yes, we squatted“, la compagnie Eddi Van Tsui va loin dans sa projection dans le futur, jusque dans les années 2050. La Kulturfabrik a alors eu l’occasion de connaître le turbo capitalisme chinois puis la dégringolade, comme un retour aux origines, au mythe fondateur évoqué dans la première partie du documentaire. 

De g.: Benoît Faivre, Judith Chomel et Tommy Laszlo
De g.: Benoît Faivre, Judith Chomel et Tommy Laszlo Photo: jq

La tentation de la fiction

La Compagnie Eddi Van Tsui est habituée, elle aussi, aux recherches scientifiques et/ou historiques, qui connaissent ensuite une traduction artistique, qu’elle soit scénique ou plastique. „S’immerger dans des archives, c’est comme ouvrir une boîte à trésor. Fouiller dans le passé, dans ce qui nous reste du passé, le reconstruire petit bout par petit bout, c’est évocateur, inspirant“, explique la compagnie composée de Sandy Flinto, Pierrick Grobéty et Daniel Marinangeli. À la curiosité pour le passé, s’ajoute l’enthousiasme pour tout ce que les archives ne peuvent dire et qu’il s’agit d’imaginer.

La docu-fiction „Yes, we squatted“ que la compagnie a réalisé pour l’anniversaire de la Kufa joue avec ces deux plaisirs. „Ici, il s’agit d’un jeu créatif avec un passé non complet, aussi avec les lacunes du passé qui permettent de le considérer comme non figé, de le compléter, de l’interpréter d’une manière ou d’une autre.“ La docu-fiction travaille sur la notion de mythe fondateur. Et son sous-titre („eng legendär Geschicht“) annonce la couleur: „Une légende a toujours un noyau vrai, autour duquel se créent des éléments inventés qui complètent ce vrai avec une intention précise (souvent de glorification ou de création d’une identité souhaitée …)“.

Ainsi, parmi les sources disponibles, la compagnie a laissé de côté celles qui ne collaient pas au mythe fabriqué aussi bien par les créateurs de la Kulturfabrik que par ceux qui les ont combattus. La compagnie voulait donc „sortir d’un cadre trop étroit, imposé par la prudence ou des exigences scientifiques“.

Extrait de la docu-fiction „Yes, we squatted“
Extrait de la docu-fiction „Yes, we squatted“ Photo: Compagnie Eddi Van Tsui

Les images d’archives sont détournées par des narrations qui, si elles s’inspirent de témoignages, sont réécrites justement pour mieux délimiter les camps et les points de vue, du militant utopiste à la voisine désespérée. La compagnie rajoute aussi des images d’archives qui ne sont pas eschoises, notamment de l’abattoir, pour céder à cette envie de voir des images qui n’ont pourtant pas été tournées. „Le format du documentaire, avec ses codes, induit la réalité, mais il n’est finalement qu’un format avec des codes détournables dans lequel image et texte fonctionnent par association d’idées. On aime croire que le documentaire nous fait connaître une vérité absolue, gravée dans le marbre“, admet la compagnie.

On aime croire que le documentaire nous fait connaître une vérité absolue, gravée dans le marbre

Compagnie Eddi van Tsui, auteur de „Yes, we squatted“

Un espace de créativité

Le recours à la fiction offre en pareil cas un espace de créativité. „[Il] nous rappelle aussi que le passé, lui aussi, reste, même s’il est approché avec une intention sincère d’établir une vérité, appuyée par une grande exigence scientifique, une construction.“

Avec le projet „Artefacts“ de la compagnie La Spirale, on franchit un pas de plus vers la fiction. Il s’agit d’un jeu de théâtre interactif inspiré par l’histoire de la Kufa, „un jeu de rôle raconté, une histoire documentée et dystopique“ des lieux. Il comporte 40+1 moments ou scènes d’époques différentes. „Les archives sont plus une toile de fond sur laquelle se déploie la fiction“, explique le dramaturge Ian De Toffoli. Cette fiction se joue dans trois temps différents: le présent, le passé et le futur. On y rencontre deux couples de personnages à différents moments clés de leur vie. L’histoire se déroule par le biais d’artefacts, „des nœuds par lesquels passent les personnages“. Et c’est une société du même nom qui propose à des volontaires, de vivre l’expérience de se propulser dans la tête de quelqu’un d’autre et de vivre une partie de sa vie.

„Culture fabrique“ de La Bande Passante
„Culture fabrique“ de La Bande Passante Photo: Kulturfabrik

Au programme

Aujourd’hui – Soirée d’inauguration qui commence à 17.00 h par l’activation d’installations artistiques. À 18.00 h une performance de la Biergerbühn. S’en suivront à 19.00 h des discours „à la sauce Kulturfabrik“, à savoir avec beaucoup d’humour et de décontraction, suivi à 20.30 h d’un buffet avec DJ set, à 21.45 h d’un concert de Mutiny on the Bounty, puis à 23.00 h d’un set électro-dance live de JKNP x Video-LED-Laser-Mapping live show by VJ Melting Pol sur une installation de TT Leozolt.
Demain – Concert de Godspeed you! Black Emperor.
Dimanche – Journée familiale avec un spectacle de marionnettes „Viens, on se tire“ (11.00 et 15.00 h), un brunch (servi tous les dimanches dans un bar-brocante éphémère, sur réservation), le jeu de théâtre interactif „Artefacts“, un jeu de piste inspiré des films de Miyazaki. et Ciné Krafté, l’histoire de la Kulturfabrik réalisé par 27 enfants à partir de matériaux de récupération (15.00 h).
Mardi 8 – 19.00 h: visite guidée des créations artistiques de la Cie Bande Passante, de la Cie La Spirale et la Cie Eddi Van Tsui. 20.30 h: Table ronde „Fiction, friction, autodérision: 41 ans de faits réels et imaginaires“, modérée par Michel Delage (journaliste), avec la participation des artistes Sandy Flinto et Dan Marinangeli de la Cie Eddi Van Tsui, Tommy Laszlo de la Cie Bande Passante, Jean Boillot de la Cie La Spirale, ainsi que de l’historien Mohamed Hamdi.
Mercredi 9 – Cinéma: „Eredità“ de Jean-Luc Cesco, projection et débat (19.00 h)
Jeudi 10 – Clown: „Trop près du mur!“ de Typhus Bronx (20.00 h)
Vendredi 11 – Soirée „We have the special keys“, concerts de Rome, AFTL, Ice in my Eyes, Cosmogon, SCARRED, Ryvage