Samstag13. Dezember 2025

Demaart De Maart

En concert au Rockhal ClubKrick, une infirmière devenue voix puissante de la nouvelle scène musicale luxembourgeoise

En concert au Rockhal Club / Krick, une infirmière devenue voix puissante de la nouvelle scène musicale luxembourgeoise
Krick est connue pour sa voix chaleureuse, expressive, un peu rauque Foto: Andre Mitin

Krick a troqué la blouse d’infirmière pour le costume de compositrice, musicienne et chanteuse, sans pour autant abandonner son sens du soin, qu’elle a transposé dans la pop. Elle joue ce soir au Rockhal Club accompagnée d’un orchestre. Portrait.

Née en 1997 au Luxembourg, on pourrait dire de Christine Heitz, que tout le monde appelle désormais Krick, qu’elle est tombée dans la musique dès le berceau. Chez elle, tout le monde joue d’un instrument, c’est presque une deuxième langue; sa mère aime raconter qu’elle chantait avant de savoir parler. Enfant, elle joue de la clarinette, puis glisse vers la guitare et le piano, comme si chaque nouvel instrument ouvrait une chambre supplémentaire dans la maison de sa créativité. En 2014, elle franchit un premier cap public: avec des amis, elle fonde le groupe de reprises The Daydreamer.

Contrastes

Ces concerts-là, en plus des prestations avec le Northern Big Band de Luxembourg lors de soirées communes remarquées, la familiarise avec la scène, l’énergie du live, cette vibration collective qui transforme une chanson en moment partagé. En parallèle, sa vie suit un chemin plus classique: Krick se forme et travaille comme infirmière, une profession exigeante tournée vers les autres, qui prend une grande place dans son quotidien et façonne incontestablement sa manière de regarder le monde. Ce contraste entre la blouse blanche du service hospitalier et le costume de scène éclairé par les projecteurs devient sa marque de fabrique médiatique; c’est comme si son identité tenait dans cette double image.

En 2017, le mélange de sérieux et de flamboyance attire l’attention au-delà des frontières: Krick participe à The Voice of Germany, gagnant une première visibilité internationale et apprenant à se confronter à un public plus large et aux caméras. De retour au Luxembourg, elle consolide son parcours en solo: en 2018, elle sort „Fake Cake“, un morceau qui marque son virage en tant que musicienne et chanteuse à part entière: moins de reprises, plus de compositions. Et plus d’introspection.

Suivre sa voix

Krick revendique un amour profond pour Raye et pour Disney, deux influences qui pourraient sembler éloignées, mais qui se rejoignent dans son répertoire: d’un côté, une pop moderne, jazz-funk, soulful, directe; de l’autre, la dramaturgie, les émotions XXL et les mélodies qui racontent une histoire. En 2024, son pays natal lui offre sa plus grande scène: Krick fait partie des huit finalistes du Luxembourg Song Contest, la sélection nationale de RTL pour l’Eurovision, moment historique qui marque le retour du Grand-Duché au Concours après trente ans d’absence.

Krick lors du Luxembourg Song Contest en 2024
Krick lors du Luxembourg Song Contest en 2024 Foto: Vincent Lescaut/L'essentiel

Avec la ballade „Drowning in the Rain“, elle décroche la place de vice-championne. Krick n’est plus „l’infirmière qui chante“, elle devient l’une des voix de la nouvelle scène luxembourgeoise. Sa voix, justement, chaleureuse, expressive, a ce grain un peu rauque qui donne l’impression qu’elle glisse un secret dans le creux du casque ou des enceintes. Parmi ses chansons, „My Way“ se déploie comme une ballade ascendante: d’abord un timbre doux, puis peu à peu la puissance qui monte, le refrain qui s’ouvre et l’affirmation qui prend toute la place, comme si la chanson elle-même servait de bouton „redémarrer“ sur sa vie. En fait, „My Way“ pose d’emblée le point de départ – et central – de l’album „The First Chapter“: il s’agit de tracer sa propre route, comme elle l’a fait en quittant son job d’infirmière pour faire de la musique.

Groove et mélodrame

Le titre „Way Too Busy“ choisit la fuite pour parler du monde moderne. Guitares claquantes, claviers entraînants, beat dansant: tout donne envie de bouger, pour en fin de compte mieux piétiner la nervosité, le stress. „Superman“, c’est une love song du quotidien, de la routine, qui préfère les petits gestes à l’image du superhéros parfait; il n’y a pas besoin de cape ni de superpouvoirs pour être celui qu’on aime. On retrouve aussi, en filigrane, d’autres thématiques comme la confiance en soi („Believer“) ou un regard sur la féminité („Being a Woman“), mais c’est avec „Drowning in the Rain“ que Krick embrasse sa passion pour le mélodrame, en tant que ballade où la pluie et la noyade renvoient à la douleur amoureuse.

Il s’agit ici d’en finir avec la souffrance plutôt que de s’y perdre lentement, et les images qui surgissent sont immédiates, telles que celles de cigarettes qu’elle n’a jamais fumées ou de tatouages comme des signatures sur la peau qui révèlent des cicatrices traumatiques; la mélodie grimpe, l’orchestration se densifie, sa tessiture grave s’impose jusqu’à la visualiser sous un lampadaire dans une rue détrempée en train de chanter le dernier acte d’une histoire qui s’achève.

„The First Chapter“ est mis en lumière ce soir au Rockhal Club, où elle est entourée d’un orchestre de dix musiciens. Les cordes et les cuivres sont là pour amplifier la cinématographie de ses morceaux et pour envelopper sa voix d’une aura dramatique qui lui va comme un gant – ou comme son costume de scène.