Freitag31. Oktober 2025

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L’histoire du temps présentJuillet 1945: le retour en demi-teinte des Luxembourgeois de la Brigade Piron

L’histoire du temps présent / Juillet 1945: le retour en demi-teinte des Luxembourgeois de la Brigade Piron
L’écrivain et poète Edmond Dune fut l’un des soldats de la Brigade Piron (Luxembourg Battery) pendant la Deuxième Guerre mondiale Photo: archives Editpress

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Il y a exactement 80 ans, les hommes de la Luxembourg Battery revenaient dans leur pays. Eux qui avaient combattu près d’un an, des champs de bataille de la Normandie à ceux du Rhin, furent accueillis avec une certaine retenue. Le pays qu’ils retrouvaient était trop absorbé par ses tensions et ses divisions.

Le 25 mars 1944, les autorités militaires belges prévenaient leurs homologues britanniques qu’il y avait suffisamment de volontaires luxembourgeois pour former un contingent à part dans la 1re brigade belge, plus connue sous le nom de Brigade Piron, du nom de son commandant, le colonel Jean-Baptiste Piron. La centaine de recrues originaire du Grand-Duché fut versée dans le groupe d’artillerie, qui fut dès lors nommée Luxembourg Battery, et placée sous les ordres d’un officier belge, le major Bennett de Ridder.

Le 6 août 1944, cette batterie débarquait en Normandie et fut immédiatement engagée dans les combats visant à chasser les Allemands des territoires situés entre l’Orne et l’estuaire de la Seine. Un mois plus tard, elle participait à la libération de la Belgique et faisait une entrée triomphale dans Bruxelles. Renforcée par une cinquantaine de nouvelles recrues luxembourgeoises, elle fut ensuite déployée aux Pays-Bas où elle combattit jusqu’à la capitulation des troupes allemandes.

Une gratitude sans effusion

Deux semaines après la fin de guerre, la Luxembourg Battery était envoyée dans la Zone d’occupation britannique en Allemagne. Elle n’y resta qu’un peu plus d’un mois. Le gouvernement avait en effet besoin d’elle. En novembre 1944 il avait mis fin à la neutralité du Grand-Duché en s’engageant au côté des Alliés, annonçant dans la foulée l’instauration du service militaire. Pour encadrer la nouvelle armée, il comptait sur les hommes de la Luxembourg Battery, en particulier sur ses officiers et sous-officiers, formés et aguerris.

Rentrée au Grand-Duché le 27 juin 1945, la Luxembourg Battery fut honorée le lendemain, au cours d’une cérémonie tenue sur le Glacis, en présence de la Grande-Duchesse, du prince Félix, du gouvernement et d’officiers alliés. Après les discours, ses hommes furent décorés „Pour bravoure et services rendus au peuple luxembourgeois“, puis défilèrent à travers les rues de la capitale. Malgré la volonté de marquer l’événement, le cœur n’y était pas tout à fait, comme l’écrivit le correspondant du Tageblatt de manière ampoulée et embarrassée:

„Es war selbstverständlich nicht der Pomp, der die siegreichen römischen Legionen umgab, wenn sie im Siegestriumph zwischen weihrauch- und ambaduftenden Weihbecken sich zum Kapitol begaben, es war selbstverständlich kein Siegesmarsch zu irgend einem Arc-de-Triomphe oder zu einem sonstigen Kriegermal. Luxemburg nämlich hat kein Kapitol, und Luxemburg nämlich hat keinen Arc-de-Triomphe und auch kein provokatorisches Kriegermal. Aber Luxemburg kann trotzdem Helden ehren, Luxemburg kann trotzdem auf seine Weise Soldaten und Männer, die für die Heimat und ihre Freiheit und Unabhängigkeit gekämpft, feiern. Hat Luxemburg in dieser Hinsicht gestern versagt? Hat Luxemburg gestern in dieser Hinsicht nicht gehalten, was es hätte halten müssen? Wir glauben nicht. Wir müssen und sollen es bekennen: der Luxemburger ist zwar schwerfällig im Ausdruck aller vibrierenden Gefühle; er ist in der großen, erhabenen Stunde, wenn Anhängern und Menschen anderer Nationen das Herz und der Sinn überläuft von Erkenntnis und von nationalem Leben und Bekennen, kalt und indifferent. Aber nach außen hin. Denn im Herzen brennt, was nach außen nicht zum Ausdruck dringt, vielleicht das schönste und herrlichste zum Erleben die Dankbarkeit ohne Effusion, die von Herzen kommende Hingabe ohne lauten, lärmenden Ausdruck nach außen. So war es auch gestern. Wir sind nicht gewohnt an militärische Zeremonien, wenn man das so nennen kann.“1)

Un pays meurtri et divisé

Plusieurs raisons expliquent cette retenue – voire cette froideur. La première était que le retour de cette poignée de soldats intéressait bien moins que le sort des milliers d’enrôlés de force dans les armées allemandes, dont beaucoup croupissaient encore dans des camps de prisonniers d’Union soviétique. Il y avait ensuite le contexte. En ce début d’été, le premier depuis le retour à la paix, l’opinion publique était chauffée à blanc par les procès contre les anciens collaborateurs ainsi que par le bras de fer entre le gouvernement et la résistance. Le premier ministre Pierre Dupong n’avait d’ailleurs pas cherché à enjoliver la situation dans son discours à la Luxembourg Battery:

„Un fardeau supplémentaire de la guerre pèse sur nous. Il s’agit encore d’un héritage de Hitler! Il est de nature morale — la désunion et la haine entre la population dans les villes et les campagnes … Il faut empêcher cela, il faut que vous empêchiez cela. Après quatre années de guerre, de sacrifices et de sang, il importe d’éviter les bombes à retardement posées par l’ennemi, qui entraîneraient le pays dans une nouvelle tragédie.“

S’il espérait que les soldats de la Brigade Piron contribueraient à calmer les esprits, Dupong dut vite déchanter. Beaucoup d’entre eux s’étaient évadés du Luxembourg occupé et avaient tenté de gagner l’Angleterre en passant par la France puis l’Espagne. Dans ce pays, ils avaient été arrêtés par les autorités franquistes et détenus dans le camp de concentration de Miranda de Ebro, parfois pendant des mois. Ceux-là en voulaient au gouvernement en exil qu’ils accusaient de n’avoir rien fait pour les libérer. Ils allaient bientôt le faire savoir.

Une résolution réclamant la démission du gouvernement

Moins d’une semaine après avoir été honorés au Glacis, le 4 juillet 1945, des anciens de la Luxembourg Battery organisèrent une réunion publique au Cercle, à Luxembourg. Après une minute de silence, deux d’entre eux commencèrent par partager leur expérience dans les prisons françaises, espagnoles et portugaises, dénonçant au passage l’inaction „[v]un onsen Diplomaten a verantwortleche Stellen an der Friémt2)“.

Un troisième orateur prit ensuite la parole pour dérouler la liste d’exigences que lui et ses camarades posaient au gouvernement, notamment l’augmentation de leur solde, des aides financières pour leurs familles, pour les démobilisés un emploi sûr et pour ceux qui allaient rejoindre la nouvelle armée le grade „dén hinnen zo’stét“. A la fin, une résolution réclamant la démission du gouvernement fut lue et adoptée.

Bien loin de contribuer à l’apaisement du pays, le retour de la Luxembourg Battery ne fit qu’alimenter la grogne des milieux résistants contre le gouvernement.

1) „Die Rückkehr unserer Helden“, in: Escher Tageblatt, 29.6.1945, p. 1.

2) „Bei de Jongen vun der Luxembourg-Battery“, in: Luxemburger Wort, 5.7.1945, p. 3.