Après cinq années d’avancées et de reculs, de vrais-faux projets bientôt retirés, et encore plusieurs mois d’ultimes hésitations et tractations assez constamment vaines, et de „fuites“ souvent lancées d’un côté ou de l’autre à seule fin de pouvoir être utilement démenties, voici donc enfin sur la table un schéma qui, bon ou mauvais, a du moins le mérite de porter le sceau officiel.
„L’équilibre de notre système des retraites, qui repose sur la solidarité des générations, et fait à juste titre notre fierté, est incontestablement menacé aujourd’hui“, a assuré le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire lors de la conférence de presse d’hier. Tel est bien, pour défendre sa réforme, l’argument central du gouvernement: le nouveau système procurera à la Caisse des retraites quelque 17,7 milliards d’euros., alors que le maintien du statu quo aurait, année après année, creusé inexorablement son déficit, compte tenu de l’allongement spectaculaire de l’espérance de vie.
„C’est une réforme de progrès et de justice“, a pour sa part assuré le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Avant d’énumérer un certain nombre d’améliorations ponctuelles de la situation de diverses catégories sociales, jusqu’alors plutôt pénalisées par le statu quo en termes de pensions. Ainsi de ceux qui ont fait des carrières longues car commencées très tôt: les salariés qui ont commencé à travailler à 16 ans pourront, à partir de 2030, prendre leur retraite à 58 ans.
Un rapport du Renseignement territorial
De même, la pénibilité physique de certains métiers permettra de bénéficier d’une retraite à taux plein entre deux et quatre ans avant les autres. A cet égard, trois critères qui avaient été abandonnés en 2017 vont être restaurés: le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Le statut des commerçants, artisans et agriculteurs sera, de même, amélioré, tout comme l’emploi des seniors, que les entreprises renvoient quelques années avant l’âge normal de leur départ à la retraite.
Ce qui ne garantit certes pas que son projet sortira intact des épreuves qui l’attendent maintenant. Au contraire, même: selon BFM-TV, un rapport du Renseignement territorial, qui a succédé aux mythiques „RG“ (Renseignements généraux) de la police, laisse même prévoir le contraire. On peut notamment y lire: „Si la population ne se mobilise pas en nombre pour l’instant, la poursuite de la dégradation du pouvoir d’achat, couplée à des réformes mal perçues, pourrait conduire à une nouvelle mobilisation citoyenne d’ampleur“. Et à une crise qui, „outre les manifestations traditionnelles, pourrait se traduire par des grèves longues et puissantes dans plusieurs secteurs clés de l’économie, dont les transports“.
La „mère des réformes“… et des batailles?
Dès la fin de la conférence de presse de Mme Borne, les dirigeants des principales centrales syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU), qui ont refait leur unité pour l’occasion, se sont retrouvés à la Bourse du travail de Paris, et ont appelé les salariés à une première journée d’action contre la réforme le 19 janvier prochain. „Si Emmanuel Macron veut faire de son projet sur les retraites ,la mère de ses réformes‘, pour nous ce sera ,la mère des batailles‘“, a ainsi déclaré Frédéric Souillot, le leader de FO. Et dans les bastions syndicaux des transports, principalement la SNCF et la RATP, l’alignement sur le droit commun des si avantageux „régimes spéciaux“ pourrait fournir, pour limité qu’il doive être, un surcroît de la mobilisation.
Reste, outre une très vraisemblable bataille sociale, une incontournable bataille parlementaire. Mais celle-ci pourrait bien, paradoxalement, se révéler moins difficile que prévu, et cela sans nouveau recours à l’article 49-3 de la Constitution. Car le report de l’âge de la retraite à 64 ans correspond, au moins en gros, à ce que réclamaient les Républicains. En gros seulement, car leur candidate à la présidentielle, Valérie Pécresse, préconisait le retour à 65 ans; mais le nouveau patron du parti, le très droitier Eric Ciotti, semble s’être rallié à la position du gouvernement sur ce point.
Or, si le groupe LR vote le projet à l’Assemblée nationale, celui-ci devrait recueillir une majorité suffisante, même si les élus lepénistes joignent comme prévu ses voix hostiles à celles de la gauche. Il est vrai que même dûment voté, après des débats que l’on peut prédire agités, un texte de cette nature peut encore susciter dans la rue des tensions de nature, qui sera examinée au préalable par le conseil des ministres le 23 janvier, sinon à en remettre en cause l’adoption, du moins à en rendre la mise en œuvre des plus hasardeuses politiquement. Ou pas: telle est bien désormais la grande inconnue de cette réforme.
De Maart
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