Beate et Serge Klarsfeld se sont rencontrés en 1960, à Paris, dans le métro. 15 ans à peine après la Deuxième Guerre mondiale, leur histoire d’amour n’avait rien d’évident. Serge Klarsfeld, français, est né en 1935 dans une famille où la religion n’avait aucune importance. Il fit la découverte de sa judéité durant l’occupation, alors que sa famille était traquée. Sa mère, sa sœur et lui survécurent. Son père s’était sacrifié pour qu’ils restent cachés. Il fut assassiné à Auschwitz en 1943.
Beate Künzel est allemande. Née en 1939, elle grandit dans un Berlin détruit et divisé, où on ne parlait de la guerre que pour se plaindre. „Quand ma mère et ses voisins discutaient“, lit-on dans des mémoires croisées, écrites avec son époux, „ils en venaient toujours à pleurnicher sur l’injustice de leur sort et à évoquer le souvenir des objets disparus dans la tourmente. Jamais un mot de pitié ou de compréhension à l’égard des autres peuples, surtout pas des Russes, qu’ils critiquaient âprement.“1)
Assumer ses responsabilités
C’est grâce à Serge que Beate découvrit l’ampleur des crimes du nazisme: „Je ne me sentais pas du tout responsable en tant qu’individu, mais, en tant qu’élément même infime du peuple allemand, je prenais conscience de responsabilités nouvelles“, se souvint-elle: „Je me suis alors rendue compte qu’il est aussi exaltant que difficile d’être allemande après le nazisme.“2)
Cette citation révèle la dimension rédemptrice, mais aussi patriotique qu’allait prendre son engagement. Sa génération, elle en était convaincue, avait le devoir de nommer les crimes de la précédente, de juger les coupables et de renouer le dialogue avec les victimes. Ce travail de mémoire était la condition sine qua non d’une réunification de l’Allemagne qui, en paix avec elle-même et avec ses voisins, pourrait devenir un pont entre l’Est et l’Ouest.
La même certitude d’être investi d’une mission historique saisit Serge Klarsfeld quand il se rendit pour la première fois à Auschwitz-Birkenau, en 1965: „Il me semblait que j’entendais le cri de mon peuple […] Je ne pouvais me boucher les oreilles et le cœur: si l’enfant rescapé du génocide par miracle et par le sacrifice de son père restait sourd à ce cri, qui était aussi un appel à assumer ses responsabilités de Juif, ma vie ne serait-elle pas une trahison? J’étais un Juif rescapé de la Shoah, quand la plus grande terreur s’était abattue sur le peuple juif qui n’avait pas d’État pour le défendre, et j’étais un Juif qui avait assisté à la naissance d’un État juif indépendant; un Juif appartenant à une génération exceptionnelle ayant à assumer des responsabilités exceptionnelles.“3)
Frapper les esprits
Dénoncer le passé nazi dans l’Allemagne de l’Ouest des années 1960 n’était pas chose aisée. Beaucoup de quarantenaires, voire des trentenaires avaient occupé des postes importants dans l’État hitlérien. Ayant encore leur vie devant après 1945, ils s’étaient tout naturellement mis au service de la République fédérale. Kurt Kiesinger était l’un de ceux-là.
Entré au parti nazi en 1933, à l’âge de 29 ans, ce juriste avait eu un poste important au ministère des Affaires étrangères du Reich. Après la guerre, il était devenu une personnalité importante du parti chrétien-démocrate (CDU). Sa carrière politique culmina en 1966 lorsqu’il devint chancelier.
Qu’un ancien nazi puisse occuper un tel poste révoltait Beate Klarsfeld. Était-il envisageable de construire une authentique démocratie avec des gens qui avaient servi un État totalitaire et génocidaire?
On était à l’âge de la télévision et pour lancer un débat, il n’y avait rien de plus efficace qu’un acte spectaculaire. Début 1968, Beate interrompit un discours de Kiesinger au Bundestag en le traitant de nazi. Les images firent scandale. Profitant de l’attention, elle annonça son intention de gifler le chancelier – ce qu’elle finit par faire le 7 novembre 1968. L’événement marqua la jeunesse étudiante allemande alors en pleine révolte. Le plus important fut toutefois qu’entre deux coups d’éclat, la presse s’était mise à thématiser le passé du chancelier, ce qui causa sa chute.
Traquer les criminels
Les Klarsfeld allaient mettre la notoriété acquise par Beate au service de leur prochain projet: la chasse aux criminels de guerre allemands qui avaient échappé à la justice. L’une de leurs premières cibles fut Kurt Lischka, l’un des principaux organisateurs de la Shoah de France.
Condamné par contumace par la justice française, il avait refait sa vie à Cologne sans s’inquiéter puisque la RFA refusait d’extrader ses ressortissants. La preuve: les Klarsfeld le débusquèrent en ouvrant un annuaire téléphonique. En 1971, ils tentèrent de l’enlever pour le ramener en France, mais furent arrêtés et condamnés à deux mois de prison par un tribunal ouest-allemand.
Comme la gifle à Kiesinger, le rapt raté de Lischka et le procès qui s’ensuivit permirent d’attirer l’attention des médias et de relancer le débat sur l’extradition des criminels de guerre nazis par la RFA. Lischka, qui ne pouvait plus échapper au feu des projecteurs fut quant à lui condamné à 10 ans de prison par le „Landgericht“ de Cologne en 1980.
La plus belle „prise“ des Klarsfeld fut Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon. Des milliers de résistants – dont Jean Moulin – avaient été torturés et assassinés sous ses ordres et des milliers de Juifs déportés. Il avait ensuite trouvé refuge en Amérique du Sud. Les Klarsfeld finirent par le retrouver en Bolivie et, après bien des rebondissements, à obtenir son extradition. En juillet 1987, Barbie fut condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité par la justice française.
Rétablir la mémoire
Ayant contribué à faire remonter à la surface les crimes de l’Allemagne nazie, Serge et Beate Klarsfeld entreprirent aussi de faire connaître les responsabilités françaises dans la Shoah. Le régime de Vichy avait aidé les Allemands à déporter près de 75.000 Juifs de France. Or, après la guerre, cette réalité avait été occultée au nom de la raison d’État. De toute manière, disait la version officielle, Vichy, ce n’était pas la France. La vraie France avait résisté – à l’exception de quelques traîtres bien sûr. L’État en tout cas n’avait rien à se reprocher.
À partir des années 1970, Serge Klarsfeld, historien de formation, publia plusieurs ouvrages qui allaient contribuer à détruire le discours officiel, notamment avec „Vichy-Auschwitz“ en 1983. Les livres ne suffisaient pas toutefois à éveiller les consciences. Là encore, il fallait des procès. Pour frapper l’opinion et occuper l’espace médiatique, mais aussi pour rétablir la mémoire des victimes et de désigner leurs bourreaux – non pas une masse bureaucratique anonyme, mais des hommes de chair et de sang.
Des hommes comme René Bousquet, secrétaire général de la police et principal organisateur de la rafle du Vélodrome d’hiver ou Maurice Papon qui, en tant que secrétaire général de la préfecture de la Gironde, avait supervisé la déportation des Juifs de la région bordelaise. L’assassinat de Bousquet mit fin aux poursuites engagées contre lui. Papon fut en revanche condamné à dix ans de prison en 1998. Trois ans plus tôt, le président Jacques Chirac avait fini par reconnaître la responsabilité de l’État français dans la persécution et la déportation des Juifs au cours de l’Occupation.
1) Beate et Serge KLARSFELD, Mémoires, Paris 2015, p. 14.
2) Idem, p. 23.
3) Idem, p. 125.
De Maart
Wer hat sich den ab 1933 getätigten Äußerungen des unfehlbaren päpstlichen "Luxemburger Wortes" entgegengestellt? Wieso ist die "Halsumhängung" von GLOBKE durch BECH bis heute nicht in Frage gestellt? Kennt die Familie KLARSFELD die luxemburger Geschichte?
"Ich glaube nicht mehr an die alten Lügen."
(Udo Jürgens, Schlagersänger, im Kanzler-Bungalow mit Kanzler KIESINGER und Gattin Marie-Luise, 1969)
MfG
Robert Hottua