Le 16 décembre 1944, profitant du mauvais temps qui clouait au sol les avions alliés, les Allemands passèrent à l’attaque dans les Ardennes, sur une portion de front allant de Malmédy à Echternach. Pour cette contre-offensive baptisée d’abord „Wacht am Rhein“ puis „Herbstnebel“, ils avaient mobilisé près de 250.000 hommes et un millier de chars. Leur objectif était double: d’abord atteindre le port d’Anvers, indispensable à la logistique alliée, et chemin faisant, créer une brèche entre les Britanniques au Nord et les Américains au Sud.
Les Alliés furent complètement pris au dépourvu. Depuis leur percée en Normandie, début août 1944, ils n’avaient cessé de repousser les armées du Reich et s’apprêtaient à pénétrer sur son territoire. Désormais, c’étaient eux qui se retrouvaient bousculés. Les Allemands percèrent leurs lignes faiblement défendues et avancèrent jusqu’à 80 km à certains endroits. Huit jours après le début de leur offensive, leurs pointes avancées arrivaient aux abords de Dinant et n’étaient donc plus qu’à quelques encablures de la Meuse.
La tempête traverse le Luxembourg
Le nord du Luxembourg se retrouva immédiatement dans l’œil du cyclone. Dès le 16 décembre, les lignes de défense américaine le long de l’Our s’effondrèrent suite aux coups de boutoir de la 5e armée blindée allemande. Certaines unités de cette dernière pénétrèrent au Luxembourg à la hauteur de Dasbourg-Pont et s’emparèrent de Heinerscheid et Troisvierges avant d’atteindre la localité belge de Houffalize le 19 décembre.
Deux autres divisions de la 5e armée blindée allemande progressaient plus au sud. L’une occupa Clervaux le 17 décembre, l’autre Wiltz. Pour contenir leur avancée, les Américains mobilisèrent les réserves de chars immédiatement disponibles. Mais les colonnes de panzers vinrent à bout de cette résistance au bout de quelques jours. Après avoir détruit près de 300 chars américains, elles ouvrirent une large brèche qui leur permit de foncer sur Bastogne, l’un des principaux nœuds routiers des Ardennes.
La 7e armée blindée allemande, engagée au nord d’Echternach et dont la mission initiale était de protéger le flanc sud de la 5e „Panzerarmee“, avança, elle aussi, avec une grande rapidité durant les premiers jours de la bataille. Après avoir traversé l’Our et la Sûre, elle captura Diekirch et Ettelbruck et, après s’être emparée de Martelange, elle se déploya au sud de Bastogne pour en parachever l’encerclement.
Un niveau de destruction et de violences inouïes
La contre-offensive allemande de décembre 1944 fut un choc terrible. En dehors des combats fugaces du printemps 1940, des bombardements d’installations ferroviaires par l’aviation alliée et des quelques escarmouches de la libération, en septembre 1944, le pays avait été plutôt préservé des ravages de la guerre. Le retour inattendu des combats sur le sol luxembourgeois provoqua un niveau de destruction et de violences que le pays n’avait probablement plus connu depuis la guerre de Trente Ans.
La population du Nord et de l’Est fut aussi traumatisée par le retour d’un occupant brutal, dont elle pensait avoir été libérée pour de bon. Depuis la libération, les résistants étaient sortis au grand jour, s’étaient affirmés, avaient commencé à pourchasser les présumés collaborateurs. Désormais, ils redevenaient des proies. Pour les familles pro-allemandes restées dans les régions réoccupés, l’heure de la revanche était arrivée. Ce fut notamment le cas de Catherine A., une femme de 35 ans.
Mariée à un Allemand, avec qui elle avait eu trois enfants, Catherine A. avait adhéré à la NS-Frauenschaft, l’organisation féminine nazie, dont elle était devenue une propagandiste dès 1941. En septembre 1944, lorsque son village avait été libéré par les Américains, les fenêtres de sa maison avaient été détruites à coup de pierres et son mari, accusé de collaboration, fut arrêté. Au retour des Allemands, en décembre 1944, elle dénonça les trois membres de l’Unio’n qu’elle tenait pour responsables du sort de sa famille à la libération, Ernest L. et ses deux fils1.
Les représailles allemandes
Au-delà des cas spontanés de délation, il y eut une véritable stratégie de représailles du côté allemand. Après les unités combattantes, arrivèrent des commandos mis sur pied par la Sipo-SD, l’appareil de répression nazi. Le 6 janvier 1945, l’un de ces commandos dirigés par Marcel S., un collaborateur luxembourgeois, arriva ainsi discrètement à Clervaux. Will C., ancien employé de l’ARBED et Roger L., un Luxembourgeois de Bruxelles parlant à peine l’allemand et alors âgé de 19 ans, en faisaient également partie. Ayant reçu l’ordre de tâter le terrain dans la localité, ils furent abordés par une femme, Mme A.. Pensant venir en aide à deux déserteurs, elle leur communiqua les adresses des deux chefs locaux de l’Unio’n. Les indicateurs du SD se rendirent sur place pour rencontrer les hommes en question, puis s’en allèrent retrouver leurs camarades. Peu après, deux agents allemands du SD accompagnés de Marcel S. et guidés par Will C. partirent arrêter les chefs locaux de l’Unio’n ainsi que les membres de leur famille2.
Hubert-Joseph S., un agent luxembourgeois de la Sipo-SD, qui pendant la plus grande partie de la collaboration avait pourchassé des juifs cachés à Bruxelles, revint lui aussi au Luxembourg au sein d’un commando qui opérait à partir de Bollendorf. Du 1er au 16 janvier 1945, il participa à des descentes musclées dans les localités de Beiler, Leithum et Lieler qui aboutirent à l’arrestation d’une douzaine de membres de l’Unio’n. Ces résistants furent déportés en Allemagne et l’un d’entre eux y succomba aux mauvais traitements subis3.

1 Archives nationales du Luxembourg (ANLux), Fonds Épuration (EPU 373), extrait de jugement du tribunal spécial à l’encontre de Catherine et Marie-Louise A.
2 ANLux, Fonds Affaires politiques (AP) S51, dossier Marcel S., rapport d’enquête du 13 janvier 1947.
3 ANLux EPU 376, extrait de jugement du tribunal spécial à l’encontre de Hubert-Joseph S.
De Maart
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