Punk hardcoreConcours de beauté: Le monde est punk avec MSS FRNCE 

Tageblatt: Comme PVT ou „XTRMNTR“ de Primal Scream, MSS FRNCE ne contient que des consonnes. Sauf le e final, en hommage inversé à „La Disparition“ de Georges Pérec. C’est un drôle de nom.

On trouvait que ça sonnait bien et décalé. Sur Google ou sur les réseaux sociaux, si tu cherches Miss France, tu vas être submergé de propositions; ce nom nous permet d’éviter toute confrontation directe avec le comité. On ne le regrette pas, mais c’est toujours très long de dire qu’on s’appelle Miss France sans les voyelles, mais avec un e à la fin. Une fois, quand on fait un concert, en demandant les clefs à l’hôtel, le type du front desk pensait vraiment voir Miss France; il a été un peu déçu de tomber sur quatre mecs. L’idée, c’est aussi de supplanter le concours Miss France que l’on trouve complètement arriéré. Si on peut remplacer ça dans la tête des gens, c’est bien.

MSS FRNCE ne vient pas de Paris, mais c’est sa ville d’adoption. Paris est peut-être davantage une fête pour qui n’y a pas grandi?

On dit toujours qu’on vient de „Paris ville de l’amour“, pour contraster avec le fait que certes, c’est une jolie capitale, mais que c’est aussi une ville qui concentre les pires défauts, à la fois de la France et de l’humanité. C’est une ville très bourgeoise, où il faut beaucoup d’argent pour vivre; une ville qui écrase les classes populaires et qui ne fait pas toujours la part belle à la beauté. Quand on nous demande nos influences musicales, on cite Paris.

Voici un syllogisme tordu qui reprend le principe de „La Réponse Est Non“: les morceaux punk sont courts; tout ce qui est court marche dans le monde d’aujourd’hui (reels, tweets …); ce qui veut dire que … le monde d’aujourd’hui est punk?

La réponse est non: le monde d’aujourd’hui n’est absolument pas punk. Nous, on fait des morceaux courts parce que le punk, c’est une décharge d’énergie à un instant t; si on jouait plus longuement, ils perdraient leur impact. Un couplet, un refrain et basta. On s’embarrasse assez peu de fioritures. Ça rejoint aussi la manière qu’on a de produire notre musique: on ne fait que des EP, parce que ça nous permet de produire vite, mais aussi parce qu’en tant qu’auditeurs, quand on met des albums punk, au bout de 20 minutes, on a tendance à se faire chier. En concert, c’est pareil, nos chansons durent entre 1 minute 30 et 2 minutes; nos EP, composé de six chansons, en font douze. Et nos concerts, 35. Il faut que ça soit la décharge directe.

Pourquoi avoir repris „Le Dernier Jour Du Disco“ de Juliette Armanet?

Parce que c’est un tube et un très bon titre. C’était intéressant d’en faire un morceau un peu plus punk que l’original. On aime bien faire des reprises, mais ça a moins d’intérêt de reprendre une chanson qui l’est déjà, punk.

Historiquement aussi, c’est intéressant: le punk et le disco explosent en même temps.

Et les genres sont liés, à travers Blondie ou The Clash, qui ont fait les deux. Le disco-punk existe aujourd’hui, via par exemple LCD Soundsystem. On ne tient pas à faire des morceaux trop rigolos; en revanche, les clips peuvent l’être. Mais on veut éviter le côté Fête à la saucisse. On a repris aussi Georges Moustaki et Gorillaz: l’idée, c’était de rendre hommage à la chanson le mieux possible.

Juliette Armanet a-t-elle écouté votre version punk de sa chanson?

Je sais, par le truchement de connaissances, que c’est arrivé à ses oreilles, mais j’ignore ce qu’elle en a pensé. On n’a toujours pas de procès aux fesses: ça veut dire que c’est ok. Je ne la connais pas, mais je la vois en interview et j’écoute sa musique; je ne pense pas qu’elle soit très rigide. J’espère qu’elle a apprécié notre hommage.

En commentaire de „La Liesse“, vous écrivez qu’il s’agit d’un „hommage à la jeunesse irréversiblement manquée de la génération confinée“: MSS FRNCE est un groupe symbolique de la génération Covid, en ce qu’elle a besoin de se défouler et de crier.

On est déjà dans la vie active, on a probablement moins souffert que la jeune génération. Au moment de la crise du Covid, on a eu la possibilité de jouer, de façon légale, entre un confinement et un autre. Ça a été assez dingue de nous retrouver sur scène après ces instants suspendus dans nos appartements – pour le public aussi. Et de voir que, dans un monde comme celui d’aujourd’hui, les gens ont besoin de musique, de live, d’énergie, de sourire qu’on peut partager. On essaye d’être un groupe positif, jusqu’à maintenir un bon état d’esprit sur scène, histoire que tout le monde se sente bien accueilli dans nos concerts.

Alors, face à ce monde immonde, „la solution, c’est danser“?

C’est marrant parce que je suis entièrement d’accord avec toutes nos paroles.

Il y a des aphorismes aussi, comme „Si dieu existe, il a fini l’homme à la pisse“.

Ah, j’adore, mais je peux me permettre de le dire parce que, même si j’ai écrit certains textes, c’est Martin qui en signe la quasi-totalité. Je trouve qu’il a une superbe plume. Cette phrase a pendant longtemps fait partie de mes paroles préférées de MSS FRNCE.

Dans „Testament“, Martin crie „Vous m’avez dégoûté/Vous m’avez suicidé“: qu’est-ce qui vous énerve le plus dans le monde d’aujourd’hui?

À peu près tout. Il y a le fait de voir que le monde est profondément injuste; il l’a toujours été, il penche du côté des puissants, des riches et ça, ça nous énerve particulièrement. Ce qui se passe à Gaza est aberrant, mais ce qui se passe dans notre pays l’est aussi, envers les pauvres, les femmes ou la jeunesse. On n’arrive pas à choisir la pire des injustices, mais ce qui nous énerve, c’est l’immobilisme et l’aspect noir que revêt le monde, avec des perspectives tristes, dégueulasses et décourageantes. On a besoin de MSS FRNCE, pour évacuer notre rage contre le monde. On préférerait arrêter le groupe et que le monde aille mieux; le problème, c’est que le monde ne va pas bien, donc le groupe est voué à continuer.

Vous utilisez l’écriture inclusive et, tant dans vos interventions que dans vos paroles, vous êtes clairement anti-sexistes et anti-machistes.

C’est corrélé à toutes les formes d’injustices. Il n’y a aucune ambiguïté, ni sexiste, ni machiste, ni raciste, ni transphobe. Dans nos concerts, la fosse appartient à tout le monde, pas qu’à des gars qui viennent pogoter, jouer des coudes et des gros bras. Si on peut apporter notre petite pierre et conscientiser quelques personnes, tant mieux. La scène musicale joue souvent sur l’ambiguïté entre le discours et les actes, et nous, on n’en veut pas, de cette ambiguïté. On nous a déjà dit que c’était de la récupération alors que, pour nous, c’est juste nécessaire et naturel.

La pochette de „III“, sorti en 2018, montre une petite fille punk: c’est un peu une illustration anticipée de la célèbre phrase de Judith Godrèche.

J’ai trouvé ce qu’elle a dit très beau. On aimerait que les petites filles ne soient plus jamais des punk, mais des enfants normales. Cela dit, si le fait de se rebeller peut aider, alors rebellons-nous.

„JPP“, sur Jean-Pierre Pernaut, fait penser à „Meurs Meurs Jean-Pierre Pernaut“ de Sexy Sushi. Pourquoi tant de haine? Il est mort en plus.

Bien vu pour Sexy Sushi! Eh oui, il est mort … Ça n’a jamais été un grand journaliste ni un grand humaniste. „Jean-Pierre Pernaut collabo“, ce sont des paroles un peu fortes; mais après tout, elles rentrent dans la tête.

Peut-être qu’il pogote dans sa tombe en écoutant MSS FRNCE.

Je l’espère; c’est tout le mal que je lui souhaite.

Si MSS FRNCE était président?

On abolirait cette fonction. On diviserait le pouvoir entre des gens très compétents, en tout cas plus compétents que ceux qui nous gouvernent en ce moment. Et on mettrait Mickey, Premier ministre – ah non, ça c’est Gérard Lenorman!